Just smile behind the camera
Serafina & Yaël

C'est bien connu, les photographes sont un peu tordus. Un peu dans leur monde. Un peu dans leurs pensées. Constamment dans leurs rêves, dans leur idéal, dans leur paradis idyllique qui n'existe que dans leur petite tête. Mais ils sont heureux ces gens-là. Souvent seuls. Mais souvent heureux. Et je fais parti de ces gens-là. Je suis totalement dans mon monde, totalement dans mes idées, dans mes rêves. Des rêves, j'en ai d'ailleurs plein la tête. Peut-être trop. Peut-être qu'à 26 ans je devrais arrêter de vivre dans ce genre d'espérance qu'il parait de plus en plus difficile d'atteindre. Et pourtant, je ne le fais pas. Je reste dans mes envies d'adolescent qui refuse de grandir. Je me surnommerai volontiers Peter Pan si je ne craignais pas de perdre toute crédibilité auprès de la gente féminine. Parce que c'est le cas. Parce que j'ai clairement une âme de gosse. Insouciant, immature, solitaire, parfois égoïste et je-m'en-foutiste. J'avance sans règle, sans impératif, je vis au jour le jour et je m'en contente parfaitement. Par exemple, aujourd'hui, ou plutôt ce matin, mon seul et unique but est de me lever à l'aube pour aller photographier le lever du soleil. Selon mes connaissances en orientation ou plutôt mes déductions, je pense avoir repérer une petite rue de laquelle on doit parfaitement bien voir l'étoile se lever. C'est donc alors que la nuit remplie encore le ciel que je m'enfouie dans les rues de la ville, en attente de la photo magique. La photo qu'on veut tous. La photo qui fait vivre le photographe. Et cette photo, je l'ai. Plusieurs fois. Sous différents angles. Avec mes écouteurs fermement ancré dans les oreilles et mon appareil autour du cou. Je l'ai ma photo. Une envie de plus de réalisée pour l'gosse québécois. Et de une !

Et l'étape d'après, pour me remettre de toutes ces émotions, est un passage quasi obligatoire par le café du coin. Parce qu'un cappuccino est impératif après ce genre de moment pour l'apprécier encore un peu. Pour faire durer le plaisir. Oui, le photographe a aussi ses envies un peu particulières et ses idées bien arrêtées. J'entre donc dans le café, mon objectif autour du cou, commande mon fidèle café crème au comptoir et jette un rapide regard à la salle dans mon dos. Tiens. Oh. Tiens donc. Un copain. Ou plutôt une copine avec un copain autour du cou. Je m'explique. Mes yeux se posent sur une jeune fille, assis derrière son café également, les yeux rivés sur un appareil photo, avec ce même air que moi sur le visage. Cet air pensif. Cet air rêveur. Et je souris. Bêtement. Pas parce qu'elle me plait particulièrement, pas parce que je viens d'avoir un coup de foudre, pas parce que j'ai une quelconque idée derrière la tête. Mais parce qu'une fille avec un appareil photo, forcément, ça m'intrigue. Ca m'attire. J'attends patiemment ma boisson avant de me diriger vers sa table, avec mon audace habituelle : " Salut... Tu penses que cette table est assez grande pour accueillir deux objectifs en même temps ? " Autrement dit, est-ce que tu autorises le grand brun souriant derrière son appareil à s'assoir face à toi, jolie jeune fille ? J'attends donc sa réponse, tout en tentant de capter son regard dans le mien, océan.

© ACIDBRAIN

Just smile behind the camera
Serafina & Yaël

Hochement de tête. Fossettes sur les joues. Sourire en coin. Yeux grands ouverts. Ok, j'ai le champs libre avec cette jeune femme aux mille et unes expressions faciales. Elle semble émotive, sensible, naturelle. Je ne la connais pas le moins du monde mais au vue de la façon dont elle m'a répondu, elle respire l'honnêteté et la pureté cette demoiselle. La pauvre... Si elle savait sur quel genre de phénomène elle vient de tomber. Mais je n'ai rien fait de mal pour l'instant et bien qu'elle soit fort agréable à regarder, et sympathique au premier abord, c'est bel et bien son appareil qui m'a attiré à sa table. Car s'il y a bien quelque chose dans ma vie qui a une plus grande place que l'alcool et les femmes réunis, c'est bien la photographie. Plus qu'une passion, c'est une vocation. Une partie de ma vie. Une raison de vivre. Une façon de penser. La photographie est constamment présente dans mon esprit et j'agis au jour le jour comme un photographe, sans même m'en rendre compte parfois. Une fille est jolie si elle est photogénique. Un paysage est magique seulement s'il est regardé sous le bon angle. Une photo vaut la peine d'être prise si et seulement si l'émotion qui passe avec est ressentie. Non, un passionné de photographie c'est pas juste un mec qui claque tout son argent dans une boite noire pour capturer des images de filles à poil.

J'esquisse donc un sourire à la demoiselle en m'asseyant face à elle, sourire qui s'étire quand elle dit me connaître... Hum ma jolie, si on s'était déjà rencontré, crois moi que tu t'en souviendrais. Que je sache, aucune femme n'a oublié mon passage dans ses bras. Mais vue la façon dont elle aborde le sujet, je préfère ne pas trop jouer l'ironie et la provocation pour le moment. Ca serait dommage de faire fuir une potentielle alliée photographique pour un humour douteux, non ? Pour une fois que Lacroix parvient à avoir un soupçon de maturité... " Honnêtement, je crois pas, je pense que je m'en serai rappelé ! " L'humour il fallait éviter, mais la séduction n'est jamais mal venue, n'est ce pas ? Et puis c'est simplement un compliment pour la route. Je lâche alors un petit rire par la suite avant de rajouter : " Yaël Lacroix, on s'est peut-être déjà croisé à une expo' ou quelque chose comme ça ? " Ce qui est tout à fait probable et étant donné que, contrairement à ce que je lui ai dit, je ne me rappelle jamais des femmes que je rencontre, tout est possible. Je bois une légère gorgée de ma boisson chaude avant de rajouter quelques mots : " Et... On peut se tutoyer non ? Entre collègue de photo comme tu dis ! "

© ACIDBRAIN