i remember years ago
   citation

• Du haut de mes neuf ans, je regarde mon père qui se trouve à côté de moi dans le canapé. Une idée me trotte dans la tête depuis quelques temps, et j’ai aujourd’hui décidé de me lancer, enfin. « Papa, j’aimerais m’inscrire dans le club de hockey. » Mon père se tourne vers moi, il semble déçu de ma demande. Né dans une famille sportive, je dois bien être le seul à ne plus faire de football. Je me souviens encore gamin lorsque mon père m’obligeait à aller aux entrainements, alors que ce que je voulais, c’était juste rester dans les tribunes pour observer les autres. Je n’arrivais même pas à mettre de but, tandis que ma sœur les réussissaient à l’affilé. Alors mon père a décidé simplement d’arrêter de m’entrainer, il disait que de toute manière, ils avaient déjà Joanne et que j’avais qu’à me contenter de la regarder faire pour prendre de la graine. En prenant du recul, je pense que mes parents s’étaient mis dans la tête que j’étais jaloux des facilités de Joanne, mais en réalité, il en était bien autrement. Regarder ma sœur jouer restait l’un de mes passe-temps favoris, et l’accompagner avec son équipe était extraordinaire à chaque fois. Les autres garçons de l’équipe embêtait réellement ma sœur, et me demandait à chaque fois pourquoi c’était elle qui jouait et pas moi. Qu’elle n’était pas une vraie fille, et moi un vrai garçon. Je leur répondais simplement que j’étais maladroit, et ils ricanaient. Ce n’est pas tout à fait faux finalement. Mais le sport avait malgré tout une place assez importante dans ma vie, dans mon coeur. Le club d’Oslo c’était comme la famille, et c’est là bas que j’avais réussi à me trouver un nouveau sport, fait pour moi cette fois-ci. Le hockey s’était imposé naturellement lorsqu’une des petites sœurs d’un joueur m’en avait parlé. Je me souviens encore de ce jour, elle m’avait dit que au hockey, même les nuls étaient importants. Nous avions rigolé, et l’idée avait peu à peu germée dans ma tête. Je voulais être hockeyeur.

• Je regarde ma meilleure amie en rigolant. Ses yeux bruns traversent les miens, et elle ne tarde pas à me sourire comme à son habitude. Nova, c’est la petite sœur d’un joueur de l’équipe d’adolescent de mon père. C’est elle qui m’a donné sa passion du hockey, et nous faisons désormais dans le même club. Légèrement plus jeune que moi, je ne la vois qu’aux entrainements de notre club, et parfois dans celui où joue ma sœur Joanne lorsqu’elle vient observer son grand frère. Au fil du temps, Nova et moi nous sommes rapprochés, et sommes désormais inséparables lorsque je ne suis pas avec ma sœur. Je la regarde. « Je pars pour quinze jours la semaine prochaine. Jo et l’équipe partent en Suède, je les accompagne. » je lui souris un peu, mais elle semble déçue de mon départ. Chaque départ bien que je sois heureux de suivre ma sœur, c’est un véritable déchirement avec Nova, mais nous nous y sommes habitués. Elle sourit cependant, et semble ne pas vouloir me montrer sa peine. « Nos retrouvailles seront meilleures, on va dire ça comme ça Pencil. » Je rigole à l’entente de mon surnom, et me dirige vers la pelouse afin de commencer à jouer.

• Je regarde une dernière fois ma sœur avant de la laisser pour de longs mois. Lorsqu’elle m’a annoncé qu’elle avait obtenu un poste de joueuse au Canada, je me suis rapidement imposé pour l’accompagner afin de vérifier que la ville était prête à l’accueillir, et pour profiter d’elle quelques semaines de plus. Mais l’heure du départ a sonné, et me voici à l’aéroport en sa compagnie, afin de retourner en Norvège où m’attend mon équipe de hockey pour commencer la rentrée sportive, et où m’attend Nova qui m’a tant manqué ses dernières semaines. Je ne sais pas réellement quand est-ce que je reverrais Joanne en chair et en os, mais je crois que nous sommes tous deux préparé pour se faire des skype à répétitions. J’entends la voix de l’aéroport annoncer l’embarquement pour mon vol, et je pars prendre ma sœur dans mes bras. « Jo, prend soin de toi. Et fais attention à toi… si jamais on t’emmerde, dis moi hein ? » Mon côté protecteur et de grand frère prend le dessus, et Joanne se tente de hocher la tête. J’ai l’impression de vivre un enterrement à ce moment là, et la peur de ne plus la revoir se fait ressentir de plus belle. Je lui adresse un dernier sourire, puis pars en direction de la file d’embarquement, et me retourne une dernière fois, avant de la voir s’éloigner.

• Nova me regarde, les larmes aux yeux. J’ai pris il y a déjà quelques temps la décision de rejoindre ma sœur au Canada, et après hésitation et gros doute, je viens de l’annoncer à ma fiancée. Nova depuis quelques temps n’est pas très bien, je le sais très bien mais en réalité, moi non plus. Ma sœur me manque, et malgré tout l’amour que peut me donner Nova, malgré nos discutions par skype et nos appels à répétitions, la distance commence à faire mal. Nova s’assoie dans mon canapé, et me regarde. « Espen, tu m’as dis que tu ne voulais pas vivre ailleurs que chez tes parents… » Ses larmes coulent. Il est vrai que j’ai refusé que nous nous installions ensemble il y a quelques mois, et nos récentes fiançailles ont remis ce sujet au gout du jour depuis quelques semaines. « Et tu m’annonces que tu pars à des millions de kilomètres, seul, la semaine prochaine ? » Je baisse les yeux. Il est vrai qu’elle a raison et que ce n’est pas vraiment logique, mais je ne serais pas seul, ma sœur sera là, et puis Nova pourra venir me voir quand elle voudra. Je tente de la rassurer. « Tu viendras quand tu voudras Nova. Je t’aime tu sais et c’est une décision difficile que je viens de prendre. Et puis je ne serais pas seule, il y a Joanne. » Elle essuie ses larmes du revers de sa manche, et semble en colère, nerveuse. « Je ne suis même pas prévue dans le voyage ? Espen, dis-moi que c’est une blague, bon sang. » Je me rends rapidement compte que je me suis trompé sur toute la ligne. Il est évident que j’aurais du la compter dans le voyage, je me doutais bien qu’elle voudrait venir, mais je ne pensais pas maintenant. La conversation vire rapidement à la dispute, et Nova finit par s’en aller, en claquant la porte de la maison familiale.

• Lundi vingt-huit février, me voici dans l’avion en direction de White Oak Station, ville dans laquelle ma sœur a élu domicile. Depuis notre dispute, je n’ai pas revu Nova et je ne sais pas vraiment comment la suite va se passer. Mes parents ne sont même pas au courant de mon départ, ils pensent simplement que je suis parti chez un copain ; je ne voulais pas les décevoir une fois de plus. Je me souviens encore de leur tristesse lorsque Joanne leur a annoncé qu’elle partait, loin. Devant elle, ils paraissaient forts et fiers, mais lorsqu’elle n’était plus là, ma mère notamment ne cachait plus sa tristesse. Je ne voulais pas leur faire de mal, même si finalement je ne suis pas sûr que ce soit la bonne décision. Il me reste quatre heures de vol, et je ferme les yeux pour me ressasser mes plans en arrivant là-bas. Tout d’abord, prendre un taxi afin d’aller faire la surprise à l’appartement de Joanne. Puis passer au centre sportif de la ville qui, il me semble, recherche un kinésithérapeute, ce qui me permettrait d’avoir au moins un emploi là-bas. Je sombre peu à peu dans le sommeil, et c’est la voix de l’hôtesse de l’air qui me fait revenir à moi. « Nous sommes arrivés Monsieur. » Je la remercie, puis descend afin de récupérer mes bagages pour aller faire la surprise de ma venue à ma petite sœur. […] à suivre

Joanne Jacobsen a écrit:

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