La pluie qui tombe sur les vieilles tôles du garage.
La radio qui diffuse à volume correct les derniers hits de l’année.
Et quelques bruits de ferrailles qui proviennent d’en dessous la voiture qu’Arni est en train de réparer.
Le soir est bien calme au garage.
Cela dit, il est fermé.
Arni fait quelques heures supp.
Déjà parce qu’il a besoin de thune.
Et puis parce qu’il avait dit que la voiture serait prête pour demain. Quand il donne une date, Arni n’aime pas trop mentir alors il bosse en supp.
Et puis, il trouve ça agréable lui quand y’a personne.
Il peut faire ses tâches sans dérangements.
Enfin, y’a Audrey, son apprentie avec lui.
Mais, c’est pas pareil. Elle n’est pas chiante comme un client, et elle ne fait pas sans arrêt des blagues de cul comme les autres.
Et puis, elle drôle là, à siffloter son jingle de publicité.
Bref, elle ne trouble en rien sa tranquillité et le plaisir qu’il peut avoir à faire ses heures supp au calme.
Il l’entend d’ailleurs qui revient vers lui sur la planche à roulette.
Il sort de sa cachette, pour voir si tout va bien.
Si elle a fini ce qu’il lui avait demandé.
Il profite de ne plus être sous la voiture pour s’essuyer la figure.
Il sent qu’il est sale.
_ « Arni? J’ai la chanson de la pub du lave-vitre dans la tête depuis tout à l’heure. J’arrive pas à me la sortir de la tête. Je vais devenir folle je crois. »
Il se marre.
C’est que ça l’amuse lui depuis tout à l’heure de l’entendre chantonner.
Mais il s’doute bien que c’est entêtant.
_ « Tu sais ce qu’il y’a de mieux pour ça ? Tu devrais trouver une autre chanson à t’mettre en tête à la place. »
Il suggère ça, mais il a pas trop d’idée.
_ « Cette technique marche encore mieux si la chanson est plus chiante que la première. Tu peux monter l’son de la radio si tu veux. » dit-il en pointant le poste du doigts.
Il se relève de sa planche, avec quelques difficultés mais celles-ci sont son quotidien, pour aller chercher une clé plus fine.
_ « Tu as changé le phare ? Je te ramènerais quand j’aurais terminé si tu veux. Il est tard, je préfère encore moins que tu rentres seule que trempée. » ajoute t-il avant de retourner dans son trou sous la voiture.
Le soucis, c’est qu’il sait pas trop quand il aura terminé.

Spoiler:

   

ft. ARNI & DREY

   

small talk & broken cars

   
   

   

La moue d’Audrey se transforme en un  de ces légers sourires, ceux qu’on essaie de retenir, quand il se met à rire. « - Hé, te moque pas ! »  Elle doit avoir l’air bien débile avec ses problèmes de chansons mais elle continue, parce que ça continue à tourner dans sa tête. « Tu sais ce qu’il y’a de mieux pour ça ? Tu devrais trouver une autre chanson à t’mettre en tête à la place. » Lavavitre… « Cette technique marche encore mieux si la chanson est plus chiante que la première. Tu peux monter l’son de la radio si tu veux. » Il a des conseils un peu étranges arni, le genre de truc qui paraît être une bonne idée au premier coup d’œil mais qui s’avère être le contraire une fois qu’on en fait l’expérience. Comme la fois où Kyle a décidé qu’il voulait un chimpanzé. Ils avaient tous été super enthousiastes au début, sauf Iz qui racontait à qui voulait l’entendre qu’un bonobo, ça avait quand même plus de classe qu’un chimpanzé, sans succès. Ils avaient ensuite rencontré le mec de l’animalerie et puis y eu le chimpanzé. Le moins qu’elle puisse dire c’est que c’était pas l’animal le plus affectueux au monde. Enfin, voilà, vouloir remplacer l’air de lavavitre par celui d’une chanson de pop sirupeuse, c’est pas un bon plan pour sa santé mentale. « Je vais l’éteindre plutôt, ça va peut être exorciser le démon. »  La nuit est tombée et la fatigue commence à se faire sentir, il est donc politiquement admissible de parler d’exorcisme de démon et d’autres pratiques mystiques sans pour autant se bouger pour aller éteindre la radio. Assise sur sa planche, elle préfère observer scrupuleusement Arni. Il lui a fallu quelques jours pour comprendre qu’il avait un problème à la jambe. Audrey n’a jamais été une grande observatrice des gens, mais depuis, elle essaie de comprendre. Il ne donne pas vraiment l’impression d’avoir du mal à se lever, comme les athlètes qui nous font croire que le papillon, c’est une nage facile, mais elle savait par expérience avec son attèle que garder l’équilibre,  ça relève parfois du miracle. Ou alors c’est juste elle qui n’est pas douée.
« Tu as changé le phare ? Je te ramènerais quand j’aurais terminé si tu veux. Il est tard, je préfère encore moins que tu rentres seule que trempée. » Elle en avait presque oublié la pluie. « Oui, j'ai tout fini, et si ça ne te dérange pas, je veux bien, j’ai pas vraiment un manteau waterproof. » ça serait sympa de garder quelque chose de sa vie d’avant intacte.
Audrey se lève finalement, avec autant de grâce qu’une baleine échouée et va éteindre la radio. C’est con mais d’un coup le silence se fait pesant. Dans sa tête c’est comme un grand huit, il y a la pluie qui tape contre la taule et qui se mélange à la pub du lavavitre, comme lorsqu’on essaie de changer de radio et qu’on reste coincé entre deux stations radios. Ça l’empêche de penser. Elle retourne sur sa planche à roulette, son skate improvisé. Elle a besoin de parler Audrey, un vrai moulin à parole. Tout va trop vite dans sa tête, tout s’emmêle. Sans faire attention elle se remet à chantonner, puis elle en prends conscience et se met à rire. Quelle chanson débile quand même. Elle ne veut pas déranger Arni parce que ça doit lui plaire autant qu’à elle de faire des heures sup, mais elle a besoin de parler alors elle s’allonge entièrement sur la planche, et observe les voitures sans réussir à se changer les idées.  C’est drôle quand même comment d’en dessous on ne reconnaît presque pas une voiture de luxe avec sièges en cuir et la climatisation intégré. De dessous, ça n’a pas vraiment d’importance. « Tu penses que les mecs qui ont des jantes chromées ont réussi leur vie ? Je veux dire, ils sont incapable de changer eux-mêmes leurs phare, ça casse un peu le mythe. »

- Adrenalean 2016 pour Bazzart.
   

Spoiler:

Il est taquin.
Avec Audrey, c’est facile ce genre de familiarité.
Elle lui fait penser à Moira un peu, avec ses airs de gosse. Quoique, il ne fait pas spécialement adulte non plus.
Mais bon, c’est lui le professeur, et c’est ça qui fait que, il peut se sentir plus mature.
D’ailleurs, il se marre bien dans cette position, celle du gars qui a des choses à transmettre. Il est bien content qu’Audrey soit au garage.
Mais s’il se moque, c’est du travail dans la bonne humeur.
_ « Je vais l’éteindre plutôt, ça va peut-être exorciser le démon. »
Il rit dans sa barbe ( qu’il n’a pas )
Lui et ses conseils.
Ça aurait été drôle pourtant de changer de chanson un peu.
Mais soit, après tout, ils sont là pour travailler.
Enfin, lui. Audrey, elle attend juste.
Que la pluie soit terminée, tout ça.
Il lui proposerait bien de bosser un peu plus, mais ça ne semble pas juste. Elle a fait sa journée, et puis, il a pas le temps là.
C’est aussi pour ça qu’il papote, pour pas qu’elle s’ennuie.
_ « Oui, j'ai tout fini, et si ça ne te dérange pas, je veux bien, j’ai pas vraiment un manteau waterproof. »
_ « Ouais, j’ai vu ça. Quand j’étais môme, je livrais l’journal à vélo. Si jamais t’es dans la dèche, un sac poubelle, c’est waterproof. Faut juste pas être complexé. »
Ouais, parce que se prendre la sauce sur la tronche, il connait. Papa trop pauvre, ou bien trop radin pour acheter quelque chose de potable au gamin.
Et maman qui galérait déjà à mettre de côté pour eux.
Le système D donc, qu’on appelle ça.
Y’a plus que le bruit de la pluie qui résonne quand elle éteint la radio, c’est drôle et en meme temps, un peu effrayant, comme si c’était le déluge.
D’habitude, y’a toujours un bruit pour couvrir des vieilles tôles défoncées qui servent de toit à leur tête. Mais là, non.
Elle revient s’asseoir à côté de lui.
Il devrait faire vite, il voit bien. Elle s’ennuie. C’est normal.
_ « Tu penses que les mecs qui ont des jantes chromées ont réussi leur vie ? Je veux dire, ils sont incapable de changer eux-mêmes leurs phare, ça casse un peu le mythe. »
Il se marre, une nouvelle fois.
Et encore, elle n’a pas tout vu côté clientèle, y’a de sacrés zouaves qui passent par le garage. Il sort un peu d’en dessous la voiture pour lui répondre.
_ « Tu sais, les mecs qui ont d’bonnes bagnoles, c’est beaucoup pour compenser un truc. Si c’est nous qui changeons le phare, c’est parce que si c’est mal fait, ils peuvent nous poursuivre s’acheter une bien meilleure caisse avec l’argent. »
Bon, jamais c’était arrivé. Mais Arni imagine bien qu’on peut trouver des avantages à berner un mécano.
_ « Chez les possesseurs deux ferrari, y’a soit des très riches, soit des très pauvres. Jamais d’entre deux. » annonce t-il avant de revenir sous la voiture. Comme il disait, tout ça, la mécanique, c’est un truc de complexe d’homme.

Spoiler: