teen idle

SO COLD
it's so empty living behind these castle walls

« Arrête de pleurer. Arrête ça tout de suite, Cara. » La cadette de deux soeurs s'exécute en faisant la moue. La même grimace se dessine sur son visage de poupon à chaque fois qu'elle essaye de retenir ses larmes et quand elle croise le regard d'Eleanor, elle comprend qu'elle lui fait honte. L'exaspération se lit avec aisance sur les fins traits de la jeune blonde qui la repousse d'un geste de la main, la faisant chuter. Eleanor la parfaite, Eleanor la poupée, Eleanor l'enfant du milieu, l'incomprise, Eleanor le monstre. Chaque personne de la maison a sa propre vision de ce que sa soeur est. Ce que Cara sait, c'est qu'Eleanor c'est la reine des comédiennes : elle adopte un comportement propre à la personne avec laquelle elle se trouve, ce qui la rend exemplaire aux yeux de tout le monde. De tout le monde, sauf ses deux soeurs qui semblent être les seules à voir clair dans son petit jeu. Si l'aînée ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues, Cara se pâmerait pour être aussi appréciée qu'elle. « T'as pas à être aussi superficielle qu'elle, Cara je te l'ai déjà dit. » La gamine qu'elle est hoche la tête de façon positive pour marquer son accord pendant que Lydia sèche ses larmes - Eleanor s'est déjà détournée d'elle, la qualifiant comme inintéressante. Superficielle, elle ignore ce que ça veut dire, mais elle dit Amen à tout ce qui sort de la bouche de l'une de ses soeurs, en faisant paroles d'évangile. Se calquant sur Eleanor, alors qu'elle aurait mieux fait de prendre Lydia, beaucoup plus saine d'esprit, comme exemple, elle ne comprit que trop tard qu'elle chercherait toujours cette forme d'affection auprès d'autrui qu'elle n'aurait jamais de cette dernière.  


« Ton sac, c'est le dernier Vuitton ? » Cara hausse un sourcil, jette un coup d’œil au sac qu'elle a piqué à Eleanor avant de quitter le domicile familial pour l'internat. Le dernier Vuitton ? Elle en sait trop rien. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle l'a dérobé à Eleanor qui, elle est persuadée, ne remarquera pas sa disparition. Elle en a tellement que c'en était presque indécent. Lorsque son interlocutrice se racle la gorge, irritée par le manque de tact de la rouquine, cette dernière s'attarde à l'observer quelques secondes supplémentaires avant de croiser les bras. Elle semble posséder une classe innée et dégouline naturellement d'arrogance. Elle relève le menton, la toise avec dédain. En un quart de secondes, Cara décide que c'est le genre de fille qu'il lui faut à ses côtés, si elle veut survivre dans cet internat aux allures de jungle. « Joli cardigan, burberry ? » qu'elle demande en éludant la question que son interlocutrice lui a posée et dont elle ignore la réponse. Un sourire satisfait se dessine sur le visage de la jeune fille lui faisant face et elle hoche légèrement la tête avant de l'incliner de côté, l'observant à son tour. « T'es nouvelle ici ? Je pourrais te guider, si tu veux. » Cara ne répond pas, elle réfléchit et le silence s'empare de la pièce tandis que le malaise la gagne. Que veut-elle, au final ? Se retrouver du côté des perdants ou des gagnants ? Il fallait se décider et maintenant. « Enfin, je dis ça avant qu'un quelconque loser se propose, trop enthousiaste de mettre le grappin sur la petite nouvelle en espérant se faire une nouvelle amie. » Elle se surprend à rire. Rit-elle de bon coeur ou rit-elle nerveusement ? Elle est bien incapable de le dire. « Tu seras mon guide, dans ce cas », qu'elle répond finalement en lui attribuant un sourire taquin, tandis que sa nouvelle amie l'aide à défaire ses bagages.

« Tu sais qu'un jour toute cette vérité va éclater ? » Elle ferme les yeux, se masse les tempes durant quelques instants. Combien de fois n'a-t-elle pas entendu Lydia, sa soeur aînée lui répéter cette phrase depuis qu'elle sait que l'amitié qu'elle a construite avec les filles de l'internat est faite de mensonges ? Bien trop souvent à son goût. Maintenant, c'est au tour de Delilah de lui faire remarquer. Toutes les deux sont des exemples de sagesse, représentent tout ce que Cara ne sera jamais. « Rien ne va éclater du tout », qu'elle répond, peut-être avec trop de froideur, mais elle s'en moque. Elle s'est trop attachée à ses amies pour les laisser lui filer entre les doigts. Ce qui est parti d'un simple avantage de terrain s'est transformé en quelque chose de réel et il est trop tard pour qu'elle fasse demi-tour. « Et même si c'est le cas, elles comprendront. Elles sont mes meilleures amies, après tout. » En face d'elle, Delilah laisse un rire amère lui échapper tandis qu'elle se sert un bol de céréales. Se diviser entre elle et ses autres copines devient un peu plus compliqué à chaque fois. Même si ces histoires de popularité n'ont plus autant d'importance que quelques années plus tôt, elle est loin d'être prête à avouer qu'elle considère celle qu'elles ont harcelée pendant tant d'années comme une de ses meilleures amies. « C'est certain, elles sont tellemeeeent ouvertes d'esprit ! » Cara laissa un soupire lui échapper, puis enfouit son visage entre ses mains. Avec le recul, elle se rendait compte qu'elle n'aurait peut-être pas dû inventer tous ces mensonges. Certes, elle s'était sentie plus proche des filles que jamais, avait eu l'impression d'exercer une sorte de pouvoir invisible sur elles, mais elle s'en mordait bien les doigts, à présent. Il ne passait pas un jour sans qu'elle craigne que ses plans tombe à l'eau et qu'on découvre que tout n'était qu'imaginaire. Comme Delilah pouvait-elle supporter cette situation depuis aussi longtemps, d'ailleurs ? « Tu me seras toujours fidèle toi, n'est-ce pas ? » Delilah lève les yeux au ciel, soupire, mais finit par la rassurer en hochant positivement la tête.