IL ÉTAIT UNE FOIS...
j'en rêve encore.

Je n’ai pas connu ma mère. Elle est partie, ou elle est morte. Je ne sais pas. Je ne sais plus. J’ai toujours fait semblant d’écouter mon père quand il abordait le sujet. De toute façon, à quoi ça m’aurait servi de savoir ? A quoi ça me servirait aujourd’hui ? A rien. Ce n’est qu’un détail sans importance. J’ai grandi sans elle, c’est tout. Pour autant, je n’ai manqué de rien. Mon père était très présent. Parfois trop. Un papa poule on pourrait dire. Je me souviens de la cabane qu’il m’avait construite dans le jardin. J’y passais mes journées. Je grimpais là-haut, je discutais avec les oiseaux, et je prenais des photos, vu de haut.

Je ne suis jamais allée à l’école. Mon père travaillait à la maison, et me donnait des cours en même temps. Je n’ai jamais eu à contredire sa décision. En fait, ça ne m’a jamais dérangé. Je prenais mes cours le matin, et j’allais jouer dehors, souvent au parc, l’après-midi. C’était l’occasion pour moi de me socialiser avec d’autres enfants. Mais ce n’était pas pour moi. Je suis une éternelle solitaire, avec un trop plein d’indépendance. Je restais dans mon coin, un livre dans les mains, ou des petites voitures pour faire une course contre moi-même. Au moins, j’étais sûre de gagner.

Les ennuis sont arrivés pour moi. La sale période de l’adolescence. J’ai commencé mes conneries à quinze ans, plus ou moins. Je sortais presque tous les soirs, je passais mes journées dehors à fumer, à boire. C’est aussi à cette période que j’ai rencontré la seule personne à qui je me sois jamais attachée. Il était tout pour moi. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je ne suis pas la jeune fille fragile qui s’est laissée embarquer par les beaux yeux d’un homme.

Mon père est tombé malade. Un putain de cancer. Alors j’ai tout arrêté pour passer du temps avec lui. J’ai repris du sérieux dans mes études. J’ai obtenu mon diplôme. Pour lui. La fierté dans son regard, je ne l’oublierais jamais. Il a résisté un an. Les médecins disent qu’ils ont tout tenté. Je hais les médecins. Je suis devenue une angoissée des hôpitaux. Et il est partit. Je me suis retrouvée seule. Du jour au lendemain.

Je suis partie, un simple sac à dos avec moi. Le Canada. Pourquoi pas ? Non en fait, cette décision n’a pas été si anodine qu’elle en a l’air. Il rêvait de m’emmener ici. Juste avant d’apprendre pour son cancer. Je prends cette occasion pour un nouveau départ. Il me manque. Je n’ai plus goût à rien. J’ai recommencé à fumer et à boire. Et plus que tout, je m’enferme de plus en plus dans ma solitude. Bientôt trois ans que je suis là, et je ne peux compter personne parmi mes amis. Ce n’est pas faute d’être tout le temps dehors, à prendre des photos. Je photographie tout ce qui se pose sous mon regard. Et maintenant, je vis de ma passion. Enfin non, ma passion finance l’alcool, c’est différent.

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