La soirée avait été horrible. Elle avait profité -ce n'était pas forcément le mot le mieux adapté à la situation en réalité, mais qu'importe- d'un jour férié pour fermer son bar et aller dîner chez ses parents ainsi qu'y dormir. Maxwell, en bon lâche trop occupé par ses soucis, n'avait pas daigné répondre positivement à l'invitation et avait donc laissé sa cadette affronter le couple parental seule. Et ce fut atroce. Encore pire que tout ce qu'elle avait imaginé. Ils n'avaient pas cessé de se disputer. Ses parents l'avaient tellement poussée à bout en s'en prenant à son bar, qu'elle avait finit par le défendre corps et âme. Ce qui était absolument inattendu étant donné qu'elle le détestait, ce fichu taudis. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'être en contradiction permanente avec eux. Ils n'avaient clairement pas réussit à passer le stade de la relation parents/ado. Sam était sans cesse en colère contre eux, désapprouvait tout ce qu'ils disaient et faisait l'exact opposé de ce qu'ils attendaient d'elle. C'était complètement chaotique et plutôt fatiguant. Mais malgré tout, et bien heureusement, l'amour entre eux subsistait et éteignait toutes les rancœurs. Mais il était vrai que c'était toujours plus facile quand Max était là. Il servait de médiateur. Et, généralement, il accaparait toute l'attention. C'était bien le seul moment où Sam appréciait cette facette de sa personnalité d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, le lendemain matin, elle ne prit pas le temps de faire la grasse matinée et se leva dès qu'elle fut réveillée. Elle engloutit son petit déjeuner en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire et se préparait déjà à partir. Seul son père était déjà debout également. Elle l'embrassa brièvement pour lui dire au revoir et ignora ses propositions de rester déjeuner le midi. Quelle idée horrible. Et, de toute façon, elle préférait ne pas croiser sa mère aujourd'hui. Elle avait largement eu sa dose pour le mois.
Une heure plus tard, elle se garait devant son bar, soulagée. Elle lança un regard presque tendre vers ce bâtiment presque en ruines. C'était bien la première fois qu'elle était si contente de rentrer chez elle. Mais cette joie fut de courte durée. En arrivant vers la porte, elle constata avec horreur que celle-ci était entrouverte. Non ! S'égosilla-t-elle, paniquée. Elle rentra à toute allure à l'intérieur et constata avec stupéfaction l'état de son pauvre bar. La moitié des chaises étaient renversées, il y en avait même une qui était cassée et qui jonchait lamentablement le sol, comme un cadavre. Mais rapidement, Sam compris qu'il ne s'agissait pas d'un vol. Il y avait des verres et des bouteilles partout. Sur les tables, sur le sol, sur le comptoir du bar. Le sol était collant, signe que beaucoup d'alcool s'était retrouvé par terre. Une soirée. Des gens avaient illégalement investit son bar pour se faire une soirée gratos. Elle courut jusqu'à la caisse mais, par chance, celle-ci n'avait pas été forcée et toute sa monnaie était intacte. Elle poussa un soupire de soulagement, rassurée. Enfin, à moitié seulement. Remplacer tout cet alcool allait lui coûter une fortune. Elle se laissa tomber sur une chaise, dépitée. Pourquoi elle, bon sang ? Comme si sa situation financière n'était pas déjà suffisamment catastrophique. Elle n'avait pas la moindre idée de comment elle allait pouvoir remplacer tout ça. Au bord des larmes, complètement abattue, elle se releva pourtant d'un coup et fonça vers les escaliers. Bon sang, si les gens étaient monté à l'étage également, elle allait criser. Au-dessus, il y avait son loft, son petit chez elle. Ça ne payait pas de mine, mais elle n'avait que ça. La bouteille à moitié vide qui trainait dans les marches n'avait rien de rassurant. Haletante, elle pénétra dans son loft dans un grand fracas, claquant la porte contre le mur. Elle écarquillait les yeux en constatant le bordel qui y régnait également. Les salauds. Elle serra les poings et devint rouge de colère. Mais ce fut encore pire lorsqu'elle vit un corps allongé dans ses draps. Elle ouvrit grand la bouche, stupéfaite. Et légèrement inquiète également. Elle n'était pas du genre trouillarde, mais un peu de méfiance ne faisait de mal à personne. Rapidement, elle reconnu la tignasse brune qui ronflait dans son lit. J'HALLUCINE ! Hurla-t-elle, plus furieuse que jamais. Elle attrapait ses draps et les tirait pour découvrir le corps de Mérovée, qui pionçait tranquillement, en caleçon. Elle se mit à le "frapper" avec ses draps, hors d'elle. DEBOUT SALE PETIT ENFOIRÉ ! Comment avait-il pu ?! Elle l'accueillait, elle lui faisait confiance et c'était ainsi qu'il la remerciait ? En saccageant son bar ? Et en agrandissant son découvert à la banque ? Quelle idée aussi de vouloir jouer les bons samaritains. Ce n'était pas dans ses habitudes et elle comprenait mieux pourquoi maintenant. QU'EST-CE QUE T'AS FOUTU ?! Complètement enragée, elle ne parvenait pas à se calmer et ne décolérait pas. Elle n'allait pas le laisser filer. Il lui devait des explications. Des excuses. Et du pognon.
Impossible d'organiser une soirée dans mon petit appartement. Les voisins hurlent au moindre bruit et il y avait de toute manière trop de personnes présentes ce soir pour ne serait-ce qu'envisager le choix. Où alors ? Où accueillir tous ces gens assoiffés, hâtifs de se perdre un instant dans la débauche et oublier le temps. Tous ces gens éperdument enragés, insatiables de vivre leur existence dans un flou continu qui leur permettait d'être. Ne plus faire attention aux conventions sociales, perdre leur timidité, exhiber leur folie, danser jusqu'à l'épuisement de leurs rêves et jusqu'au bout d'une énième nuit inscrite dans le temps. Voyager vers l'inconscience, se noyer dans les étoiles d'une fureur nocturne enflammée et sentir l'engouement d'une révolte qui ne s'exprime aujourd'hui que par la drogue, le sexe et l'alcool. Au final, c'était beaucoup de responsabilité d'organiser une fête. D'endosser ce rôle de vendeur de rêve pour une nuit et recevoir les sourires de ces gens qui s'effaceront demain à force d'avoir trop exister ce soir. Par chance, par heureux hasard, j'avais l'endroit parfait. Sam n'était pas là, le bar était fermé avec les clés dans mes mains, ça semblait même trop beau pour être vrai. L'endroit idéal, un bar, avec son appartement à l'étage pour pouvoir dormir ailleurs que sur le sol. Le plan était parfait, j'avais dégagé toute culpabilité en me confortant dans l'idée que j'aurais terminé de tout ranger avant qu'elle ne rentre. Chaque personne viendrait avec son alcool, au pire il y aurait quelques petits détails mais rien d'insurmontable. Je me sentais grand et responsable, capable de veiller sur ce vieux taudis sans m'inquiéter de quoique ce soit. L'adresse envoyée, il n'y avait plus de retour en arrière possible. Ce soir, je mettais en place la scène pour le théâtre de la démence, l'ivresse, à son apogée, coulant dans le sang de tous ces acteurs d'un soir aux pupilles dilatées.
* * *
Il y eut d'abord le claquement de la porte qui vint fracasser mon état grommelant de sommeil. Les cris vinrent ensuite déclencher le deuxième râlement d'un réveil forcé. Puis, enfin, le retrait tactique des draps qui revenaient alors bien assez vite, fouettant mes jambes dans l'excès de rage de Sam. Les yeux à peine ouverts et le bruit de ses hurlements qui résonnait comme un écho dans le creux de mon mal de crâne massivement assommant. Je posais mon regard embrumé sur elle le temps d'un instant, puis, sans un mot, je laissais mon corps retomber sur son lit, enfouissant ma tête sous les oreillers.
« J'ai pas entendu le réveil. Je vais ranger, relax. Je finis ma nuit tranquille et après, au boulot. »
Grommelant quelques mots dans un bâillement incontrôlé, je sortais un œil dans le creux des oreillers. Elle criait à nouveau, elle ne semblait pas accepter ma requête alors je sortais la tête pour me redresser. Je grattais mon crâne, laissant mes cheveux s'égarer dans tous les sens dans des figures totalement libres. Je pouvais sentir l'alcool remuer dans mon ventre, la drogue s'abattre sur mon esprit encore dans le brouillard et tous mes membres semblaient refuser de se mouvoir. À nouveau mes yeux regardaient Sam, la demoiselle voulait des explications. Vraisemblablement, je n'avais pas prévu de la voir si tôt et c'était à peu près la seule chose qui me venait à l'esprit pour l'instant.
« Tu devais pas être chez tes parents ? Tu sais, normalement, j'aurais rangé avant que tu reviennes. T'en fais pas, je remplacerais les deux trois bouteilles qui manquent. »
Fouillant autour de moi pour attraper mon paquet de clope et m'en allumer une. Mes yeux voyageaient dans l'appartement et le chaos régnait en maître. Des fringues sur le sol, des bouteilles, des cendres, probablement du verre cassé et j'espérais pas trop d'objets cassés. Je grattais à nouveau mon crâne en inspectant l'étendue des dégâts et j'imaginais alors que le bar en bas ne devait pas être dans un meilleur état. J'essayais de refaire le fil de la soirée, tentant de trouver où ça avait pu déraper mais je me retrouvais incapable d'avoir des souvenirs clairs et précis de la veille. Une épiphanie s'éprenait de mon brouillard et je montrais les draps du doigt.
« Tu ferais mieux de me les passer, je vais les laver. » Une grimace d'enfant sur le visage, des yeux plein de douceur, une tentative probablement vaine de paraître trop mignon pour être éventré sur place. « Désolé, Sam. »
Elle avait tous les droits d'être en colère. J'avais merdé, mais ça n'était pas la première et sûrement pas la dernière fois. Je m'étais cru responsable, je ne l'avais pas été, obscurci par la débauche. Malgré tout, ce n'était pas si grave, je rangerais tout rapidement et ça ne sera qu'une anecdote amusante pour le futur. Je me redressais pour enfiler un pantalon et un t-shirt, ramassant quelques bouteilles de bières.
« Tu vois, tout s'arrange. Tu as été... Tu es jeune, tu sais ce que c'est. »
Il valait mieux que je ne dise plus rien peut-être. J'essayais de m'en échapper doucement, calmement mais je sentais que ça n'irait nulle part. Et je n'avais jamais réussi à bien réagir contre l'autorité, contre ma culpabilité, contre la colère. Je me défendais avec la légèreté et j'attaquais avec la colère. Maintenant, ça passait ou ça cassait.
CSS par Gaelle
tornade vs ouragan. (mérovée)
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