Hi, dear enemy. •• Oscassie.

Oscar avait passé la journée à tourner en rond comme un lion en cage dans son appartement. Le temps lui paraissait si long, il en devenait encore plus fou que d’habitude. Alors qu’il tirait sur une cigarette, la troisième dans l’heure, le jeune homme se souvint de ce que lui avait dit Cat. Il devait passer au bar où il travaillait afin de donner des nouvelles et recommander un bon remplaçant. Oscar trouvait ça assez ironique qu’on lui demande son avis sachant qu’il n’avait rien de très aimable avec les clients. Son talent derrière le bar était inversement proportionnel à sa manière de gérer le relationnel. Dans un soupir, il se leva de son canapé. Le brun n’était plus qu’une silhouette longiligne, l’ombre de lui-même. Il ne mangeait plus beaucoup, ses médicaments lui coupaient la faim. Il se dirigea vers sa salle de bain puis prit sa douche. Il passa un sweat-shirt bordeaux ainsi qu’un jean brut. Il n’avait pas fait beaucoup d’efforts, Oscar était bien trop fatigué pour cela. Et puis, depuis l’accident, il était devenu bien moins superficiel. Son obsession de bien paraître lui était complètement passée. Le garçon attrapa sa veste en cuir, enroula une grosse écharpe autour de son cou et claqua la porte de chez lui, non sans éprouver une profonde flemme.

Dehors, ce fut une complète désillusion. Après être avancé de quelques pas, profitant du soleil givré de White Oak Station, Oscar se rendit compte qu’il n’avait aucune idée d’où il allait. Lui, si fort et courageux, sentait peu à peu les larmes lui monter en même temps que la panique le gagnait. Ses deux perles azures défilaient sur les bâtiments sans qu’il ne sache où se diriger. Gauche? Droite? Il n’en avait aucune foutue idée. Il ne savait plus où il travaillait. Ses pertes de mémoire lui avaient semblé dérisoires jusqu’ici mais il avait pensé bien trop vite. Plusieurs fois, l’oeil perdu, il se dirigea vers des personnes pour demander sa route mais se ravisa. Oscar sortit son téléphone et appela son amie Cat, son guide depuis l’overdose. D’une voix tremblante, il lui expliquait le problème tandis qu’elle essayait de le calmer et de l’aider. Le jeune homme poursuivit son chemin, touché dans son ego. Il en avait plus qu’assez d’être ce château de sable dont il ne restait presque plus rien, simplement parce qu’une petite vague avait décidé de l'emporter. Oscar prit à droite comme elle lui avait indiqué. Pour être sûr, il finit par arrêter un homme qui marchait dans la rue. « Excusez-moi, je cherche l’Eagle and child. » Demanda-t-il dans une intonation froide, la gorge serrée par l’angoisse. Le type prit une tête désabusée et lui indiqua le bar, sans comprendre ce qu’il lui voulait. Oscar comprit l’erreur qu’il venait de faire; il s’agissait d’un habitué qu’il n’avait pas su reconnaître. « Oh putain… » Grinça-t-il entre ses dents tout en accélérant le pas, décidé à passer rapidement à autre chose. Ce mois de janvier était le pire de toute sa vie.

Oscar arriva enfin à destination et poussa la porte du bar avec une timidité qu’on ne lui connaissait pas. La satisfaction d’être arrivé à bon port prit rapidement le dessus. Il avança de quelques pas dans l’établissement qui était complètement désert à cette heure-ci. Rien d’étonnant. Il se demanda un moment pourquoi le patron ne l’avait pas mis sur cet horaire pour qu’il ait la paix. Tout en haussant une épaule, il s’assit au bar. Il n’y avait personne pour l’accueillir. Dans un petit soupir, il se leva et se servit lui-même un grand café avant de retourner à sa place. Oscar n’avait pas eut envie de mettre les pieds dans l’arrière boutique pour dire bonjour, il avait préféré attendre. Soudain, une jolie brune fit son apparition alors qu’il avait le nez dans sa tasse. Il lui lança un regard assassin, peu soucieux de ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire. « Merde, en un mois il n’a pas eu l’idée de te virer, la déception se lit sur mon visage. » Argua-t-il avec un ton prétentieux à souhait. Oscar ne supportait pas Cassie. Leurs deux forts caractères avaient eu raison d’eux, ils ne s’étaient jamais entendus. Vu que le garçon ne communiquait pas avec elle, il n’avait aucune idée de si toute l’histoire de l’accident était parvenue à ses oreilles. Alors, il décida d’essayer d’agir le plus normalement possible. « Si seulement je pouvais prendre un petit remontant pour oublier ta présence. » Grinça Oscar avant de boire une nouvelle gorgée de son café.

« Moi aussi je suis contente de te voir. » Oscar arqua un sourcil plein de mépris sans même lui adresser un sourire. Le ton joyeux de la jeune femme avait encore plus le don de l’agacer. Il avait sincèrement envie de lui dire que son hypocrisie, elle pouvait se la garder, il n’en voulait pas. Le garçon n’avait pas l’habitude de mâcher ses mots mais la fatigue l’affaiblissait il prit le parti de l’ignorer comme il se devait. Oscar se saisit de sa tasse puis bu une gorgée de son café. Sa relation avec Cassie était épidermique. Il n’avait même pas pris le temps de la connaître, il l’avait directement classé dans les gens qu’il ne supportait pas, c’est tout. « Si tu ne voulais pas me voir, qu'est-ce qui t'amène ici ? » Le questionna-t-elle d’un regard inquisiteur. Il n’avait guère conscience que Nolan était parti en cédant les actions à la jolie jeune femme. Oscar avait prévenu par téléphone de son absence au début du mois puis avait envoyé son certificat médical par courrier, Cat s’était chargée de poster la lettre pour lui. Comme tout le reste. La blonde s’était retrouvée malgré elle à gérer la totalité de ses affaires pendant que lui tentait de retrouver un temps soit peu d’énergie ainsi que sa tête. Oscar n’avait donc aucunement conscience qu’il parlait à sa supérieure et poursuivait son petit jeu insolent habituel. Alors qu’il promenait ses yeux bleus sur absolument tout sauf Cassie, il poussa un soupir puis secoua la tête en signe de négation. Sûr de lui, il ne remarquait même pas qu’il fonçait droit dans le mur. « Je venais voir Nolan pour savoir si il voulait me remplacer ou si tout allait bien. » Commença Oscar. Ce dernier avait beau sembler être un odieux personnage, il avait une grande conscience professionnelle et détestait ralentir une entreprise pas sa faute. Il adorait son métier. D’ailleurs, cela lui manquait, de ne plus être derrière un bar. Cependant, on ne pouvait pas en dire autant de la relation clientèle. La psychologie de comptoir ça n’avait jamais été son truc. Imaginer Cassie dans cet exercice le rendait d’ailleurs très heureux puisqu’il comparait cela à une douce torture. « Tu n’es pas le centre du monde, tu sais. Ou peut-être que tu ne le sais pas mais dans ce cas, réveille-toi. » Il accompagna sa phrase d’un petit sourire carnassier. À ce rythme, elle allait peut-être avoir l’occasion de le virer. Oscar pouvait rapidement dépasser les limites. « Tu ne manques pas de culot quand même toi. » Oscar ouvrit la bouche et mima quelque chose qui ressemblait à gnagnagna avant de boire une nouvelle petite gorgée après avoir rajouté du sucre dans le fond de son café. Il constata qu’elle ne comptait pas décamper. Quelle joie. « Il paraît. Tu pourrais me dire où je peux le trouver ou tu veux que nous prenions le goûter ensemble? » Appuya-t-il. Sa chute ne lui avait pas fait perdre son mordant, c’était le moins que l’on puisse dire. Il tapota ses doigts contre le comptoir, impatient. « Tu as l'air fatigué. Faut que t'arrête de faire la fête. » Son coeur se serra. Cassie, sans le vouloir, tapa là où cela faisait mal. Son visage se ferma alors qu’il baissait son regard vers la tasse vide, essayant d’y trouver une potentielle issue de secours. Il était bien trop au courant qu’il ne ressemblait plus à rien. Il se sentait comme un de ces oiseaux mazoutés qui avaient perdu de sa superbe. Il releva ses deux perles bleus sur Cassie, l’air en colère. « C’est parce que je ne la fais plus que j’ai cette tête. » Grinça-t-il. « Et puis, mêle-toi de tes affaires, veux-tu? »