Parfois, on se demande comment serait la vie si celle-ci nous avait un temps soit peu épargné. Malheureusement, la vie n'épargne personne. On pense toujours que c'est aux autres que tous les malheurs arrivent. Lorsqu'on voit une photo d'un accident de voiture dans le journal par exemple, on se dit " ouf, ce n'était pas mon tour cette fois-ci " Hélas, un jour c'est à vous d'y passer, ou à un membre de votre famille, ou encore à un ami proche.. Orchid n'était pas encore né lorsque sa mère avait eu son accident de voiture, et le jeune homme se disait qu'heureusement, car il n'aurait probablement pas supporté le coup de téléphone lui annonçant que sa mère était à l'hôpital et qu'elle allait sûrement perdre l'usage de ses jambes. Au moins, il était habitué à son handicap depuis tout petit. Il était habitué à devoir s'occuper d'elle en permanence et cela ne le dérangeait pas du tout. Lorsqu'il était plus jeune, le plus dur à supporter c'était surtout les félicitations permanentes des autres adultes. " c'est bien tu es un bon garçon c'est courageux de t'occuper de ta maman comme tu le fais ", disaient-ils tout en accompagnant cela d'un pincement de joue affreux ou de quelques tappes sur l'épaule du garçon. Combien de fois Orchid aurait-il aimé avoir assez de courage pour leur répondre " si seulement vous aussi vous aviez assez de courage pour nous aider, mais non, c'est plus facile de fuir et me laisser me débrouiller seul avec elle " Mais il n'a jamais osé. Peut-être un jour arrivera-t-il enfin à crier cette phrase au monde entier ?

Aujourd'hui nous sommes une belle matinée de fin juillet, le soleil brille dans le ciel, les oiseaux chantent, bref le tableau parfait pour commencer la journée. Orchid n'a aucun rendez-vous prévu ce matin et il s'est donc levé aux alentours de dix heures puisqu'il doit passer voir sa mère. Le jeune homme essaye en général de lui rendre visite au minimum trois fois par semaine même si la plupart du temps c'est plus que ça. Et à chaque visite sa mère lui répète de ne pas s'inquiéter, qu'il doit sûrement avoir des tas d'autres choses à faire que de s'occuper de sa vieille maman toute cassée, mais il ne l'écoute jamais. Elle est comme ça sa mère, elle n'accepte pas être trop aidée par tout le monde et préfère être à la place de la personne qui aide les autres. Elle têtue.. tout comme son fils.

En chemin Orchid s'arrête chez un fleuriste pour lui prendre un pot d'orchidées. Blanches bien entendu. Ce sont les fleurs préférées de sa mère, même si vous l'aurez forcément deviné de part l'appellation de son fils !
On dit qu'offrir des orchidées blanches est symbole de pureté, d’innocence et de gaieté. On dit aussi que cela évoque la beauté et la perfection de la personne qui les reçoit. Le blanc, couleur pure, incarne à merveille la joie et la confiance.

Lorsqu'il ressort du magasin, tout fier de son achat et perdu dans ses pensées -comme toujours- le jeune homme se cogne contre quelqu'un qui semblait vouloir entrer à son tour, et ne peut s'empêcher de lâcher le pot qui se brise en mille morceaux à ses pieds.

J'ai toujours vécut à 100 à l'heure, personne n'a jamais réellement réussi à me suivre. Je suis un mirage dans le monde actuel, avide de connaissance et de découverte. J'ai toujours eu une passion terrible pour l'aventure, les voyages et les animaux. Sans attache, je parviens à m'imposer n'importe où je vais, et à disparaitre du jour au lendemain, laissant dans les mémoires un souvenir coloré et plein de vie. Je n'arrive pas à être sédentaire, bien que je reviens sans cesse à mes sources. Après tout la terre est ronde, et le bout du chemin est souvent chez soi. Mais aujourd'hui, j'avais noué des liens plus étriqués avec des gens, Terry d'abord, qui m'avais recueillis chez lui par gentillesse, alors que j'étais en plein trek zoologique. Étrangement sa personnalité mystérieuse me donnais l'envie de percer sa carapace pour savoir ce qu'il s'y cachait. Il y avait Ciaran, une trace de mon passé qui me suivais sans cesse, mais que je refusais de m'attarder. Cet amour que j'avais toujours refusé mais qui s'était révélé à moi sans que je le veuille. Je ne regrettais jamais mes gestes, et le quitter pour toujours fut mon meilleur choix, il m'emprisonnait avec ses non-choix. Puis il y avait aussi Orchid.
Sur mon Skate-board, je slalomais entre les gens, un sourire aux lèvres. J'adorais sentir le vent dans mes cheveux colorés, je me sentais aussi libre qu'un oiseau. A vrai dire, j'étais libre, et c'est ce qui faisait rêver les autres, je ne m’enfermais pas dans la routine habituelle, chaque jour était différent pour moi. Comme mes cheveux qui changeait fréquemment de couleurs. Aujourd'hui, j'avais du vert, la couleur de l'espoir, et avec ce soleil la couleur détonnait. Cette soudaine liberté me fit penser à Orchid qui lui manquait cruellement de ce bonheur avec sa mère malade. Notre correspondance depuis des années avait tissé des liens inexplicables entre nous, je lui avais envoyé des lettres du bout du monde, m'étais confié à lui comme jamais auparavant et la réciproque était la même. Mais ni l'un ni l'autre n'avions osé sauter le pas de se rencontrer. Peut être par peur de l'inconnu, peur de ne pas se correspondre. Perdue dans mes pensées, je perdis légèrement l'équilibre et sautais de mon skate pour le rattraper, non sans bousculer une personne en passant. Je vis un pot de fleur tomber, et j'essayais -en vain- de le rattraper. Il se brisait en mille morceaux aux pieds du jeune homme, et je me confondais en excuse face à lui.

- Je suis réellement désolée ! Je peux être maladroite parfois ! Attends bouge pas, je vais réparer mon mal !

Je regardais brièvement l'orchidée blanche, puis courrais dans le magasin en racheter une pour réparer mes tords. Je pris la plus belle du magasin et revenais devant le jeune homme tatoué, puis la lui tendit en signe d'excuse.

Orchid resta muet un instant, le temps de reprendre ses esprits et de se rendre compte de ce qui venait de se passer. Le pot était à ses pieds, brisé en mille morceaux et la terre s’était répandue sur le trottoir. Il releva la tête pour enfin voir la visage de la personne avec qui il s’était cogné : c’était une jeune femme avec une chevelure exceptionnelle. La couleur rayonnante de ses cheveux sauta immédiatement aux yeux d’Orchid et ne pu l’empêcher de lâcher un sourire.

En fait, cette petite tête de licorne lui avait fait penser à Scar, sa correspondante. Il ne l’avait jamais vu en réalité, et il n’avait même jamais vu de photo d’elle, mais il savait qu’elle changeait souvent de couleur de cheveux, et qu’elle ne faisait pas vraiment dans la normalité. C’était un choix des deux individus de ne pas s’envoyer de photo, malgré le fait que le correspondance durait maintenant depuis plusieurs années. C’était sûrement par timidité qu’ils avaient décidé cela, ou alors pour conserver la magie de l’écriture sans avoir d'apriori sur leurs physiques respectifs. Pourtant, lorsqu’Orchid essayait d’imaginer Scar à l’aide de ses descriptions, elle paraissait tout à fait être le genre de femme qui attire le jeune homme.

L’inconnue s’excusa assez rapidement et s’empressa d’aller racheter un pot d’orchidées pour le jeune tatoué, sans qu’il n’eut le temps de prononcer un seul mot. Le fait qu’elle l’ai tutoyé tout de suite le fit sourire de plus belle. Orchid n’était pas du genre à aimer les politesses, même si il restait quelqu’un de très poli lorsque c’était nécessaire.

Il se retrouva bête, tout seul sur le trottoir pendant l’espace de cinq minutes. Il se pencha et commença donc à ramasser les plus gros morceaux du pot pour ne pas laisser tout ce bazar devant la boutique. L’inconnue ressortit de la boutique avec un pot d’orchidées encore plus gros que celui qu’il avait acheté. Elle lui tendit et il le prit délicatement pour éviter une nouvelle catastrophe.

Merci ! Si tu étais partie moins vite je t’aurais dit que ce n’était pas la peine de m’en racheter, c’était un accident. Il lui sourit un peu tout en la regardant dans les yeux.

En tout cas tu m’as pris un pot encore plus gros, ma mère va être ravie ! dit - il en rigolant.

J'avais souvent été maladroite, la tête dans les nuages à ne pas regarder où j'allais réellement. Et souvent j'avais provoqué ma chute ou celle des autres. Je rêvais souvent d'un autre monde, un autre univers, ou alors à ce que je m'apprêtais à faire et j'avançais dans la vie sans réellement me soucier des conséquences et des suites de mon inattention. Et ce matin sur mon skate, j'avais percuté un jeune homme, une belle orchidée à la main, et avait provoqué ma presque chute, et surtout la mort du peau et de la plante. Pour sauver les pots cassées, et c'est le cas de le dire, je m'étais fait pardonné en rachetant un plus gros. Et je riais à ses mots, le regardant de plus près. Il me faisait penser à mon correspondant de toujours Orchid, cet air un peu perdu, tatoué de la tête aux pieds, mais un sourire si vivant. J'ignorais totalement à quoi il ressemblait, par pudeur nous avions continués à converser sans jamais osé se demander comment l'autre était, il n'y avait eu que des dessins de nous ou des mots pour mettre un visage, et c'était très bien comme ça. J'avais toujours eu peur que si nous nous verrions pour de vrai, tout s’effondrerait, même si j'étais persuadée dans le fond que ça décuplerait tout. Je souriais à ses mots, mon skate sous le bras, lui répondant :

"- Un accident qui va provoquer la peine de quelqu'un visiblement. Et je ne veux pas qu'elle soit malheureuse, le monde l'est déjà bien assez !"

Je lui souriait très sincèrement, puis riais de ses mots, j'allais faire le bonheur de quelqu'un sans qu'elle le sache et c'était cool. J'aimais voir les gens autour de moi heureux. Surtout en ce moment où je vivais un rêve éveillée. Je le regardais puis lui fit une révérence avant de lui tendre ma main et de me présenter.

"- Je m'appelle Scar."