Voilà, ça fait quelques jours que tu es rentré chez toi, accompagné de la seule personne à laquelle tu as pensé tout le temps. Qui te torturais l'esprit par son absence et que tu n'as même pas pris la peine de recontacter pour la rassurer. Heureusement qu'il est là, lui, sinon comment tu aurais fait ? Si tu avais décidé de le laisser tout seul comme tu l'avais fait la première fois, ça se serait passé comment à l'hôpital ? Très mal, certainement. Tu en aurais eu le coeur déchiré, tu aurais juste eu l'impression de mourir. Comme tu as eu l'impression de mourir à chaque fois qu'il t'appelait pendant que toi, tu travaillais pour te vider l'esprit, pour ne pas penser à lui. Et tout ça pourquoi ? Pour une histoire de drogue. Tu l'as laissé seul alors qu'il avait besoin de toi, tu l'as laissé avoir cette impression constante de crever, comme toi tu l'as eu tout en te disant que c'était pour la bonne cause. Mais c'est ta faute, c'est toi qui l'as abandonné. C'est toi qui l'as laissé seul à son sort, alors qu'il n'aurait pas dû être seul. Il n'aurait pas dû se retrouver sans toi. Tu le sais, et tu t'en veux. Tu t'en voudras toujours.

Ta jambe brûlée et reconstituée grâce à une greffe de peau a été un prix à payer pour le retrouver. Et la douleur que tu ressens l'est aussi. Dans le canapé, tu es allongé, tu es tranquille parce que tu sais bien que ton frère est à la maison. Et ça te rassure qu'il soit près de toi, même si tu le mérite pas. Alors tu le regardes préparer du café d'un air absent, en tentant d'oublier la douleur que tu ressens à ta jambe. Tu serre les dents en te traitant de con parce que tu n'as même pas eu le courage de lui dire à quel point tu t'en voulais. Tu as juste préféré laisser le bonheur des retrouvailles te submerger plutôt que de t'excuser mille fois auprès de lui. Il te regarde, tu lui souris et puis tu grimace quand tu bouges pour t'asseoir correctement, lui laissant une place pour qu'il vienne s'installer à côté de toi. Tu laisses ta jambe tendue en face de toi et tu regardes la plaie sans vraiment la voir. Tu es plongé dans tes pensées jusqu'à ce que tu sentes ton frère s'asseoir à côté de toi, et la douleur te piquer à vif de nouveau.

Tu le remercies pour le café qu'il vient de te faire puis tends la main pour attraper le flacon d'anti-douleurs que t'a prescrit le médecin. Tu l'ouvres pour t'apercevoir qu'il n'en reste plus un seul, puis soupire longuement. Mais tu ne veux surtout pas que ton frère sache que tu souffres, alors tu lui souris simplement et secoue la tête face à sa mine inquiète. « C'est rien, j'ai juste ... J'ai mal au crâne. C'est pas grave. » Tu lui mens ouvertement, mais tu es persuadé que c'est pour son bien. Alors qu'au fond, tu sais qu'il sait que c'est ta jambe et pas ton crâne qui te fait souffrir. Pour réprimander une grimace, tu bois une gorgée de ton café, mais tu t'étrangles avec à cause d'un nouveau pic de douleur qui vient, celui-ci plus fort que les autres. Tu poses ta tasse, tousses un peu et crispes ta main sur ta cuisse sans pouvoir t'empêcher de grimacer. Alors, comme un con, tu tournes la tête à l'opposé de ton frère pour le lui cacher.

Ton mensonge, il n'en croit pas un mot. Tu as peut-être changé, mais tu restes Loup, le gars qui ne saurait même pas mentir à un enfant. Cette situation te désespère, tu en as marre de voir ton frère mal à l'aise à cause de ta blessure. Tu aimerais seulement lui dire que ça va, que tu gères, mais tu ne peux même pas faire ça. Parce que tu sais qu'au fond, tu as besoin de lui, besoin de son aide, de sa présence, qu'il prenne soin de toi. Le fait de l'avoir fuit pendant quelques temps te rend dingue, tu culpabilises pour ça, et maintenant qu'il est là, tu veux profiter de sa présence au maximum. Parce que tu sais pas ce qui pourrait arriver. On sait jamais ce qui peut arriver, et tu en as eu la preuve il y a quelques jours. «Je sais que ce n'est pas ton crâne.» Évidemment qu'il le sait, il n'est pas con. Tu soupires et hausses les épaules. « Je sais bien. J'essaie juste de ... Enfin, laisse tomber, c'est rien. » A nouveau tu soupires. Comment lui dire que tu essaies juste de le rassurer ? Même si tu ne sais pas mentir, et surtout tu ne sauras jamais lui mentir à lui.

Tu écoutes ses paroles, toujours aussi crispé à cause de la douleur, mais tu tournes la tête pour le regarder et lui sourire doucement. Tu aimes le voir comme ça, aussi attentionné. Ca te fait chaud au coeur. Tu ne t'étais jamais imaginé qu'il pourrait être aussi gentil un jour. « T'es adorable quand tu joues les mamans poule. » Tu ris légèrement, ce qui te permet de faire un peu abstraction de ta douleur. Ca te fait du bien de rire avec lui, tu te sens mieux depuis que tu l'as retrouvé, depuis que tu as retrouvé cette complicité avec lui que tu avais perdu quand tu as fait le con avec Oscar. Ta main se décrispe et tu secoues la tête. « Non ça va. J'ai besoin de rien d'autre. » Tu lui souris de nouveau et reprends ta tasse de café pour en boire une gorgée. Cette fois, la douleur ne t'étrangle pas, c'est déjà un bon point. Tu reposes ton regard pensif sur la télé puis tu réfléchis.

« Tu sais s'il fait bon dehors ? Je voudrais qu'on sorte un peu. » Tu en as juste marre de rester là à ne rien faire, passer tes journées sur le canapé à regarder la télé, c'est pas ton fort. Alors, tu as juste décidé d'y mettre un terme en sortant faire une petite balade. Balade peu pratique vu ta blessure qui t'impose tes béquilles, mais tu as trop envie de sortir pour t'en soucier. « On pourrait aller au centre ville, il faudrait que je voie pour remplacer mon ... » Tu n'as pas le temps de finir ta phrase qu'un gémissement sort de ta bouche. Ta main se crispe de nouveau et tout ton corps se tend sous la douleur que ta blessure t'impose. Tu grimaces de nouveau et serres les dents, puis tu essaies de te détendre et repose le regard sur ton jumeau. « Tu veux bien me donner un anti-douleur avant s'il te plait ... Ca fait un mal de chien. »

Tu n'avais juste pas envie de l'inquiéter plus que ça. Tu sais bien qu'il ne croit pas à ton mensonge, et le fait que tu essaies de te justifier n'est pas une bonne chose, tu le sais. Tu aurais mieux fait de te taire. Qu'est-ce que tu vas bien pouvoir lui dire, maintenant ? Que tu essaies sans grande conviction de le rassurer, de lui dire que tout va bien alors que ça n'est pas le cas ? Il ne faut pas qu'il s'inquiète, parce que même si tu as mal, tu es bien parce qu'il est enfin là dans la manière que tu veux. Lui qui ne s'était jamais montré si avenant, tu adores ça maintenant, qu'il se montre avenant. Tu as juste envie de le lui dire et tu viens de le faire d'ailleurs, mais tu as aussi envie qu'il arrête de se faire un sang d'encre pour toi. Et tu comprends désormais ce qu'il devait ressentir quand tu étais toujours sur son dos à lui reprocher ses moindres faits et gestes. « Parce que c'est ridicule, Maël. J'essayais juste de te rassurer. » Tu hausses les épaules et soupire doucement. Tu voulais pas tout gâcher mais en même temps tu peux pas lui mentir. Tu peux pas lui cacher tes intentions.

Bon dieu qu'est-ce que ça te fait du bien de plaisanter avec ton jumeau. C'était pas arrivé depuis longtemps, mais maintenant, tu as juste l'impression que ça va recommencer comme avant. Comme quand vous vous compreniez parfaitement et qu'il n'y avait plus qu'une seule chose qui comptait à vos yeux : l'un et l'autre. Tu regardes attentivement son sourire qui te fait plaisir à voir, tu ris une nouvelle fois en secouant doucement la tête en l'entendant. Voilà ce qui te fait sentir tellement mieux. Voilà tout ce dont tu avais besoin pour revenir au bonheur. Tout ce qu'il te fallait pour oublier tous tes tracas, y compris ta jambe. Alors tu y vas de bon coeur avec lui, et tu en oublies ta douleur, allant même jusqu'à proposer d'aller faire un tour dehors. Mais ta phrase fut brisée par un gémissement de douleur qui t'échappe. Ton corps se tend, tu essaies pourtant de te détendre et demande à ton frère de te donner un anti-douleur. Tu tiens vraiment à sortir un peu aujourd'hui, tu as juste vraiment envie de profiter de la présence de ton frère pour faire autre chose que chiller sur le canapé.

« Il n'y en a plus, Loup. » Une nouvelle grimace apparaît sur ton visage à cette annonce. Tu savais qu'il n'en restait plus dans le flacon sur la table basse, mais tu pensais qu'il en restait un quelque part. Tu te serais trompé dans tes comptes, tu avais prévu d'en avoir assez jusqu'à demain pourtant. Cette situation t'agace fortement et te rappelle justement à quel point tu as besoin de calmer la douleur. Alors tu attrapes ta béquille et te relèves difficilement pour aller dans la cuisine. Tu fouilles un tiroir et soupire ensuite en le refermant, les dents toujours serrées pour tenter de résister à la douleur qui devient plus forte. « Merde ... C'est pas vrai, je croyais qu'il en restait ... » A nouveau tu soupires, tu voudrais juste que ce ne soit qu'une putain de mauvaise blague. Parce que là, tu es juste en train de te mettre dans tous tes états parce que tu as mal. Tu clopines jusqu'à la salle de bain et fouilles partout en te foutant du bordel que tu peux faire, tu as bien trop mal pour y penser. « Non non non non ... PUTAIN ! » Tu commences à désespérer, alors tu laisses ta béquille tomber sur le sol et te prends la tête dans les mains en essayant de te calmer.