J'avais passé la journée entière sur mon canapé, enroulée dans la couverture, humant l'odeur de Shay quand les moments étaient trop difficiles pour contenir ma peur. J'avais mangé une pomme et bu deux thés. Je m'étais alors rendue compte que j'avais complètement oubliée de donner les restes de notre dîner à Shay. Les heures me paraissaient étrangement -ou non- longues et ennuyeuse. Un policier était venu frapper à ma porte toutes les heures et un homme était venu réparer ma fenêtre et installer un système de sécurité au niveau de mes fenêtres : si celles-ci s'ouvraient de l'extérieur, une sonnerie stridente retentissait. Tout cela avait pour but de me rassurer davantage. Au final, j'avais beaucoup dormi. Les nuits que j'avais eu précédemment étaient loin d'être les meilleures de ma vie, si bien que la fatigue s'était accumulée franchement. J'avais pu recharger mes batteries, après avoir prévenu le policier de me laisser dormir et de ne pas venir toquer toutes les heures. Julian m'avait appelé à sa pause déjeuner, pour savoir comment s'était passée la nuit. Je lui avais dit que nous avions eu une petite frayeur, mais qu'Adkins avait été là et qu'il avait passé la nuit dans l'appartement. Je l'avais prévenu de ma journée récupération de sommeil, si bien qu'il comprit que venir me voir n'était pas possible ce soir. Il avait l'air ennuyé, mais m'avait dit qu'il repasserait sûrement plus tard. Cela me ferait plaisir de le voir. Demain, je devais reprendre le travail. On ne peut pas dire que j'en étais heureuse, que je m'en sentais capable, mais il le fallait car Jim n'était au courant de rien et que de toute façon, je ne voulais absolument pas finir enfermée dans cet appartement, aussi chouette soit-il. J'avais dormi très exactement de 12h30 à 19h45. Autrement dit, j'avais beaucoup dormi et je détestais me réveiller vers ces heures là, après avoir autant dormi. J'allais peu ou pas dormir cette nuit.

Le fait de dormir autant, m'avait au moins permis de ne pas trop penser à Shay et cette histoire. L'histoire d'un rapprochement platonique hier soir, ici, et puis d'une distance de sécurité à respecter entre le policier et la victime, laissant l'homme et la femme, loin derrière. Il m'avait fait comprendre qu'il prévilégiait sa carrière et son statut de policier, d'accord. Je me devais de respecter son choix, même si clairement, ça me faisait chier car... à force d'y penser, de retourner la situation dans tous les sens et de m'y casser les dents, je devais bien me rendre à l'évidence : je n'étais absolument pas indifférente aux charmes d'Adkins. Mais je me bourrai le crâne depuis le début de la journée avec des "il n'est pas fait pour toi", "ce n'est que pour l'enquête" bla bla bla. Une douche chaude et relaxante plus tard, alors que j'étais dans ma chambre, on toqua à ma porte. Trois petits coups. « C’est Shay, ouvres moi s’il te plait. » Je soupirai. J'avais envie de l'ouvrir cette porte, de lui sourire de toutes mes dents, mais en même temps... Je n'avais pas envie de retomber dans ce piège que l'on s'était instauré : se plaire, se séduire presque et puis se dire non. Un jeu, tout ceci était un jeu pour lui, pour moi, c'était autre chose. Je serrai la serviette de bain autour de mon corps, avant d'aller ouvrir la porte. Je vis d'abord son visage, il souriait. Il portait une chemise, ce qui me faisait bizarre étant donné que c'était la première fois que je le voyais de la sorte. Où allait-il? « Alors tu prends tes clés, tes affaires, tu mets des chaussures à tes pieds ça pourrait t’être utiles et tu viens avec moi on y va. » Mais qu'est-ce qu'il racontait? Je fronçais les sourcils. Avais-je le droit de sortir de mon appartement? Il m'avait dit lui-même hier qu'à présent, c'était interdit de sortir, seule ou avec Julian. Il fallait que je sois accompagnée d'un flic à chaque déplacement. Okay, c'était un flic. Je le regardais, sans rien répondre du tout et je lui obéissais. Pour être honnête, je n'avais pas envie de rester seule dans cet appartement pour la soirée, j'avais besoin de voir l'extérieur, respirer de l'air frais et puis, voir du monde. Voir que la vie était bien, calme, normale et apaisante pour tout le reste du monde. Que le monde continuait de vivre et ce, de façon heureuse. Ca m'aiderait à me battre, à reprendre confiance, espoir et peut être le sourire que j'avais perdu. Au final, je trouvais cette idée bonne. Je souris faiblement une fois que je remontais les escaliers pour accéder à ma chambre. Si Shay avait mise une chemise, j'allais éviter le jeans - baskets. Je portais rarement de jeans, j'étais plutôt robes ou jupes. J'optais pour une robe violette, un peu moulante mais absolument pas provocante. La poitrine n'était pas dévoilée et elle m'arrivait au dessus du genoux, mais de façon non vulgaire. Mes cheveux se retrouvèrent dans un chignon banane et mon maquillage fut très léger, comme d'habitude. J'optais pour des talons noirs et je descendis les marches, espérant ne pas en avoir trop fait non plus. J'avais pris une pochette bleu éléctrique et je l'ouvrais une fois en bas, pour y mettre mes clefs, mon téléphone et ma carte bleue. Je me retrouvais donc en bas, près de Shay qui m'avait attendu. Je levais mon regard vers lui, timidement. C'était la première fois que je croisais son regard depuis hier soir et son joli vent. « Je suis prête » lui murmurais-je d'une voix douce. Prête à le suivre, impatiente de savoir où est-ce qu'il m'emmenait, mais surtout impatiente de voir le monde dehors.

On venait de sortir de la voiture. Adkins m'avait emmené dans le centre ville. Il y avait beaucoup de monde, la nuit n'était pas encore tombée, l'ambiance de cette soirée me plaisait. En fait, rien que d'être dehors, me faisait du bien. « Je sais que cuisiner te permet de te changer les idées, mais ce soir tu ne vas pas cuisiner dans un restaurant mais plutôt y manger. » Je gardais mon silence, un timide sourire coincé au bout de mes lèvres. En fait, je savourais cet instant. J'étais à l'air libre, dehors et je ne pensais pas à Skyler, du moins pas les 10 premières secondes, ce qui m'avait fait un réel bien fou. Je me sentais bien. Voir le ciel, entendre les voix des gens, les bruits du centre ville, les odeurs, tout m'avait manqué. Je redécouvrais la ville et ses libertés. Je me sentais bien. De plus, je trouvais Shay vraiment mignon. Il était bien habillé, je le trouvais sexy. Mais justement, ça me faisait presque chier. C'est aussi pourquoi j'avais mis une belle robe. Autant lui rendre la monnaie de sa pièce pour ce sujet là. Mais il était également mignon, dans son attention. Il avait organisé cette soirée, juste pour moi. Pour me faire du bien et me faire plaisir. Mais dans quel but? En fait, je n'arrivais pas à comprendre ce que j'étais pour lui : il en faisait trop, pour une simple victime mais en même temps, quand on se rapprochait un peu plus, il reculait. Je n'arrivais pas à cerner ce qu'il voulait. Je ne savais pas comment me comporter avec lui, comment devais-je être? La femme ou la victime? « Par contre tu ne m’en veux pas, mais pour ce soir on ne mangera pas au restaurant où tu travailles, puisque j’ai réservée une table au Madisons Grill. » Ca m'allait très bien. J'adorais ce restaurant et puis je n'avais pas très envie de croiser mon patron ou mes collègues ce soir, alors que j'étais avec Shay. Ca m'aurait mis très mal à l'aise personnellement. Le Madisons Grill était un très bon restaurant, un peu chic, mais pas trop. Du coup, nous pourrions être à l'aise tout en passant un bon moment. C'était l'idéal et ça lui permettrait de découvrir cet endroit mythique de la ville. « Et bien sûr après un bon repas on se prendra une glace à l’un des marchant et on la mangera sur cette place… » Il m'annonçait le déroulé de la soirée, comme un enfant annonce à ses parents qu'il a bien travaillé à l'école. Ca me touchait, car j'étais une grande naïve, mais ça me confortait dans l'idée que je ne savais pas ce qu'il pensait, attendait de moi : une amie? Une victime? Qu'est-ce qu'il comptait faire exactement? Je ne comprenais pas le but de cette soirée, je ne comprenais pas pourquoi il faisait tout ça. Dans quel but? A quoi pensait-il? Que voulait-il vraiment? J'étais un peu paumée et pour le coup, comme je ne savais pas comment me comporter ni à quoi m'attendre, je ne souriais pas, je n'étais pas décontractée. Il me fallait des réponses... pour savoir à quoi m'attendre, c'était tout ce dont j'avais besoin. On s'était mis à marcher en direction de la Place centrale de WOS, là où les gens se réunissaient, des musiciens amateurs aimaient venir jouer pour les gens, où les joueurs d'échecs se rencontraient aussi. J'aimais cette place, elle grouillait de vie. « Ah… J’ai oublié de te dire, ce soir on oublie tout et je veux voir ton sourire, il te va tellement bien. » Je ne pu m'empêcher de lever les yeux vers lui, alors que l'on marchait encore et de m'arrêter subitement, esquissant un léger sourire. Il fallait que je lui demande clairement de ne pas tourner autour du pot. Je ne comprenais pas le sens de cette soirée. Hier, il m'avait bien fait comprendre qu'il ne voulait pas franchir la fameuse ligne mais ce soir, il était sur le point de la franchir à nouveau. Si c'était pour me dire, au dernier moment, et bien non ma petite, ça ne me convenait pas. Je n'avais pas envie de vivre une belle soirée, de me faire des films pour qu'il finisse par me dire que non, ça ne se passera jamais. Alors je pris mon courage à deux mains pour lui demander, toute en hésitation : « Je souris pas car... je ne sais pas à quoi m'attendre avec toi Shay. Ca rime à quoi tout ça? J'ai du mal à te suivre, entre hier soir et... maintenant » C'était dit, c'était clair. J'avais mon coeur qui battait à tout rompre, la chamade. Je sentais mes jambes trembler. Je voulais entendre sa réponse et j'espérais au fond de moi, que du positif ressortirait de cette conversation, mais et si non? Et bien je prendrais ce qu'il me donne, mais dans les limites d'une relation bien définie et non plus, ambigue comme ces derniers jours. Il n'avait pas le droit de jouer avec moi et de toute façon, je ne le laisserai pas faire. Mes yeux se levèrent péniblement vers lui, dans l'attente de sa réponse. Je n'attendais pas de lui une réponse catégorique, un baiser, ou bien alors un rateau. Juste, qu'il me dise ce que j'étais pour lui : une simple victime (alors nous ne passerions pas la soirée ensemble), une amie (alors oui), un jeu (alors il irait se faire foutre), une aventure (ça ne m'intéressait pas) ou alors, une personne qui lui plaisait, mais avec laquelle, c'était compliqué à plein de niveau et qu'il était totalement perdu (et là, nous passerions une partie de la soirée a en parler, probablement). Bref, je voulais vraiment passer une bonne soirée, mais pour ça, il fallait que ça soit clair entre nous. Je pense que ma réaction était légitime et plutôt raisonnable. Non?

Je me sentais en suspens, pendue à ses lèvres dans l'attente de sa réponse. Il évita mon regard, dans un premier temps, pour finalement commencer « Honnêtement, je n’en sais rien du tout… ». Je sentais mon coeur battre vite et résonner dans mes tempes, mes yeux fixaient son visage, son attitude, pour y déceler des traces, des indices de réponses. Il avait l'air mal à l'aise, gêné, peu sûr de lui. « Tout ce qu’il se passe entre nous, c’est la première fois que ça m’arrive… Jusqu’à présent, j’ai toujours réussi à séparer ma vie privée de ma vie professionnelle. Avec toi c’est tellement… Différent. » Quand il prononça ces mots, son regard se tourna vers le miens, pour ne plus me lâcher. Je sentais ses yeux bleus clairs sur moi, je détournais d'abord le regard, avant de l'affronter, tandis que ma main rejoint mon coude, ne sachant que faire de mes bras. Il disait qu'entre nous, c'était différent. Différent de ses autres relations avec les victimes? Cela voulait dire qu'il n'était pas comme ça avec les autres et d'un côté, je crois que cela me fit du bien. Allez savoir pourquoi. « Tu me plais Lorah, tu m’attires et j’apprécie énormément passer du temps avec toi… J’ai envie de passer du temps avec toi, de te permettre de te changer les idées, te permettre de sourire un peu et de rire, je me serais écouté cette nuit je serais venue dormir avec toi pour te permettre de te sentir en sécurité et parce que j’en avais envie… » A partir de ce moment là, je n'en revenais pas trop. Il venait de dire que je lui plaisais, qu'il me trouvait attirante et qu'il aimait passer du temps avec moi. Pourtant, ce qu'il avait vu de moi, c'était un peu beaucoup, le pire de moi-même justement. Mais dans le fond, l'entendre me dire ces mots, droit dans les yeux, à ce moment très précis, ça me faisait quelque chose. Comme des millions de papillons qui s'envoleraient dans le vent, comme une grande sensation de chaleur qui envahirait mon corps. Je sentais tout cela en moi. Je sentais mon corps réagir à ces paroles là. Réagir à ses paroles. Sa voix n'était pas sûre, il avait une gestuelle rapide et maladroite, cela montrait qu'il n'était pas à l'aise et pourtant, on se regardait, à quelques centimètres l'un de l'autre, et on parlait de ça, de nous. De ce qu'il s'était passé depuis notre première rencontre. Qui aurait pu prédire que cela se passerait de cette façon? Qui aurait pu prédire, que l'on se plaise? Parce que je lui plaisais et je pensais bien que lui aussi, me plaisait. J'aimais être avec lui, j'avais envie d'être avec lui et quand ça n'était pas le cas, je pensais au moment où j'allais me retrouver avec lui. J'adorais ses yeux, sa voix, sa façon de me parler, sa façon aussi de rire et de sourire. J'aimais ses blagues maladroites qui montraient sa fragilité. J'aimais quand il m'observait. La façon dont il le faisait. J'aimais son comportement, celui qu'il avait en ma présence, avec moi. C'était un garçon adorable et même si cela ne faisait que quelques semaines que l'on se fréquentait régulièrement, nous avions appris à nous connaître et quelque chose ressortait de tout ça. Un quelque chose qui n'avait rien à voir avec l'enquête. Un papillon dans mon ventre qui grandissait de jour en jour. « Mais je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qu’il pourrait se passer après, ta vie est ici alors que moi je retournerais à Miami une fois cette enquête terminée… Et puis pour être vraiment sincère, j’ai l’impression qu’en venant me rapprocher de toi, que je franchis une limite que jamais je n’aurais pensé passer, pour moi c’est comme si je profitais de toute cette situation… » Mais il avait raison. Il allait repartir pour Miami dès que l'enquête serait terminée. Sa vie était là-bas. Et moi... je devais au moins finir mon année ici pour le reste... Si j'avais quitté Miami, c'était à cause de Skyler. Il est vrai que ma famille vivait ici, mais ici ou ailleurs, je pourrai me déplacer. Si j'en avais seulement une bonne occasion, je pourrai le faire. Mais tout allait trop vite. On se connaissait depuis peu, je ne pouvais pas jouer un coup de poker sur ce qu'on avait vécu jusqu'à présent. C'était bien trop peu. Ca n'était même, rien... Quelques semaines. Je ne pouvais pas prendre une décision aussi importante, en me basant juste sur ça, non. Notre désir l'un envers l'autre, n'était pas possible. Je ne m'offrirai pas à lui pour une nuit, pour ensuite ne plus le revoir. Non. Et il ne pouvait pas succomber et me faire des promesses d'amour. Alors l'un dans l'autre, nos vies ne nous permettaient pas de nous lier indéfiniement. Elles nous avaient permis de nous rencontrer et de nous rapprocher, mais pas de nous lier. C'était comme ça, il fallait faire avec. Néanmoins, la dernière partie de sa phrase me laissa perplexe. Il n'avait en aucun cas, abuser de moi et j'allais le corriger immédiatement. « Tu n'as jamais abusé de la situation Shay. Tu t'es toujours bien comporté malgré tout. On ne savait pas où l'on mettait les pieds, on agissait seulement selon nos désirs mais quand on réfléchie tu as raison. Nos vies si différentes nous ont permis de nous rencontrer, mais pas de nous lier. Je ne peux pas t'offrir une nuit et tu ne peux pas m'offrir plus que ça...» Je soupirai. Comme soulagée d'un poids mais en même temps, déçue. Seulement voilà, il me plaisait aussi et je n'avais pas envie de passer nos moments ensemble, à penser à une vie imaginaire. Nous vivions notre vie, telle qu'elle était et il fallait juste profiter des moments, quand ils se présentaient. Quand il partirait, ça serait la fin. Mais aujourd'hui, ce soir, il est encore là. « C'est comme ça Shay... Même si tu pars, pour le moment, tu es encore là. Profitons juste... d'accord? » Bien entendu, sans franchir cette ligne qu'il ne souhaite pas franchir pour son métier et que je ne veux pas franchir par principe. Ma main s'était alors liée à la sienne, nous rapprochant un peu, sans pour autant être trop proche. On se regardait et enfin, je pu lui sourire. Un vrai sourire. Mélancolique. C'était bel et bien le miens celui là. Un sourire entre la joie et la tristesse, c'était ce qui me résumait le mieux. J'étais à la fois soulagée, mais à la fois tellement triste de me dire que non... Ca ne serait pas lui, pas cette histoire. Mon bonheur devait encore attendre. « Lorah? » Une voix que je connaissais bien m'appelais. Je réagis tout de suite à l'écoute de cette voix, lâchant la main de Shay pour regarder qui pouvait bien m'appeler. Et là, seulement à quelques mètres de nous, je vis arriver mes parents. Mr & Mme Seyton, bras dessus - dessous, qui étaient ravis de me voir. Ils s'approchèrent très rapidement pour m'embrasser et saluer Shay, ma mère le reconnu tout de suite. « Maman, Papa, voici Shay... Un ami de Miami qui est venu passer quelques jours à WOS » « Enchanté Shay ! » Répondit mon père en lui serrant la main, comme pour tester l'homme en face de lui. « Oui oui, je me souviens, il est passé à la maison je te l'avais dit ! » Ajouta ma mère. Pendant tout cet instant, j'avais le sang qui ne faisait qu'un tour, mes joues devaient être en feu, mon sourire totalement crispé et je ne savais plus où me mettre. Mes parents étaient arrivés au seul moment où ils n'auraient pas du. J'étais mal à l'aise pour Shay. Mal à l'aise de cette rencontre imprévue. Mes parents nous posaient tout un tas de questions, comme à leur habitude : « Vous vous baladez? » « Vous avez dîné? » « Vous allez manger où? » « WOS vous plait Shay? » « Vous restez combien de temps au Canada, ça vous plait? » « Lorah, tu ne réponds pas au téléphone, est-ce que tout va bien dans ton appartement? Et au travail? » Bref, j'avais honte. Mes parents étaient hyper collants et protecteurs. Voilà ce que ça donnait. Je ne savais plus où me mettre et j'avais l'impression d'avoir 5 ans. De plus, c'était la toute première fois de toute ma vie, que mes parents me voyaient avec un garçon. Gé-nial. Je lançais un coup d'oeil a Shay, comme pour m'excuser par avancer pour tout ça, lui montrer que je ne contrôlais pas ça et que ça me gênais vraiment énormément.

Mes parents dans toute leur splendeur, ou tout le contraire plutôt. Franchement, j'avais honte. J'étais très mal à l'aise. Mes parents souriaient et semblaient heureux de me voir, il est vrai que je m'étais fait absente depuis le début de toute cette histoire qui était arrivée quelques jours seulement après mon arrivée à WOS. Finalement, ils n'avaient pas compris la seule chose que j'essayais de leur faire comprendre depuis plusieurs années maintenant : mon besoin d'air. A chaque fois que je les voyais, c'était la même chose : des dizaines de questions, sur tout. Ils cherchaient toujours à tout savoir, ils étaient si intrusifs que cela en devenait fatigant, mais je n'avais pas la force de leur dire et surtout pas en ce moment, avec l'enquête en cours et tout ce qui arrivait en plus de cela. Mon regard se dirigeait vers les pupilles bleues de mon camarade, il avait l'air totalement submergé par la vague Seyton. Moi, j'étais habituée, j'avais réussi à nager parmi ses déferlantes, mais pour lui, qui n'était pas habitué ni à eux, ni aux relations familiales d'après ce que j'avais compris de sa relation avec son père, cela était synonyme de mort iminante. Il fallait que je trouve un moyen pour me débarrasser de mes parents, mais je n'avais aucune envie de leur faire de la peine, je leur en faisais déjà suffisemment comme ça, à mes yeux. « C’est de ma faute, il y a tellement de chose à visiter que Lorah n’a pas eu beaucoup de temps pour elle ses derniers temps, mais on allait diner, vous voulez vous joindre à nous ? » J'écarquillais les yeux tout en le regardant, vivement. Que faisait-il? J'avais envie de lui donner un coup de coude ou de marcher sur son pied. Il ne fallait JAMAIS proposer ça à mes parents car ils étaient du genre à accepter ! Ils accepteraient tout, si c'était pour passer du temps avec leur fille et en apprendre davantage sur sa vie, ses amis et encore plus s'il s'agissait de l'épisode passé sous silence de sa vie à Miami. Shay était complètement inconscient et fou. « Oh, ça aurait été avec plaisir mais nous sommes invités à dîner chez les Maddison. On était venu chercher le dessert à la Patisserie ! » Sentiment immense et intense de soulagement imminent. Nous venions de l'échapper belle, moins une même ! Je ne pu m'empêcher de sourire à Shay qui semblait lui aussi, content du refus de mes parents. Alors pourquoi est-ce qu'il leur avait proposé? Je souris et décidais de mettre un terme à cette conversation « Ne vous mettez pas en retard. J'essaie de passer la semaine prochaine pour dîner, si ça vous va? » « Mais bien sûr ma chérie, tu sais que tu es chez toi à la maison » Répondit mon père. Ce dernier prit le coude de ma mère, lui disant alors qu'il fallait y aller pour ne pas arriver en retard à leur dîner. Ma mère m'embrassa moi et puis Shay -ce qui me laissait un peu honteuse, d'où elle l'embrassait comme si elle le connaissait depuis toujours?- et finit par rejoindre mon père, nous faisant de grands gestes tout en s'éloignant. Là, j'avais vraiment honte. En fait, je me sentais tellement nulle et humiliée que la seule réaction que j'ai eu était de me tourner vers Shay -après que mes parents soient vraiment loin- pour lui lancer un regard en coin, histoire de tater un peu le terrain : était-il aussi choqué que moi, sinon plus? Puis, sans se concerter, mais seulement grâce à ce regard, on se mit à exploser de rire. Ce moment avait sans nul doute été le plus gênant que nous ayons du subir depuis notre rencontre. Le genre de moment où tu ne peux rien faire hormis prier pour que ça se termine au plus vite et à vrai dire, ça avait été plutôt rapide au final. Tout en rigolant aux éclats, ma main passa dans son dos, pour me rapprocher de lui, sans penser à mal ou rien d'autre. On continuait de rire et cela me faisait vraiment du bien. On s'était rapproché encore un peu plus, à présent, je l'encerclais de mes bras et ce n'est que lorsque nos visages se trouvèrent assez proches que je me rendis compte de notre position. Seulement, j'étais bien. J'étais vraiment bien. Je regrettais tellement qu'il ne veuille pas se lancer. J'en avais tellement envie à ce moment. Ne penser à rien, ne pas penser au fait qu'il allait partir. J'observais ses lèvres, j'avais tellement envie qu'il m'embrasse. De goûter à ses lèvres, sans penser à rien d'autre, ni à demain. Je me sentais tellement bien. La peur ne faisait plus partie de mon corps. Voir mes parents, rire aux éclats, être ici ce soir, tout cela l'avait fichu dehors, à coups de pieds. Je me sentais bien, paisible, presque normale et heureuse et cela faisait réellement du bien. « Je me sens tellement bien... » Lui murmurais-je alors dans un sourire. Nos rires s'étaient calmés, pour qu'on finisse collés l'un à l'autre au milieu de cette place, à se bouffer des yeux, sans pour autant en faire davantage. J'aurai tellement aimé qu'il ne soit pas Américain. Tout aurait été tellement plus simple. Mais au final, rien n'aurait jamais été possible.

Nos rires résonnaient l'un avec l'autre, comme deux accords magiques d'un stradivarius oublié depuis des siècles. Une mélodie que l'on reconnait immédiatement, par sa tendre magie; une mélodie qui nous fait frissonner par autant d'éclat et de nouveauté. Mes mains s'étaient placées sur son corps, comme si c'était à cet endroit qu'elles devaient être. Comme si ces gestes étaient naturels, simples et qu'il était impossible qu'une fin tragique les mettent en péril. En cet instant, il n'y avait pas de Skyler, pas de pays différents, pas toutes ces différences qui nous avaient unis et qui allaient aussi nous séparer. Pour le moment, en cet instant quasi magique, nous étions ensemble. Deux personnes ressentant une joie à être avec l'autre, voulant que cet instant continue, sans penser au reste. Vouloir juste en profiter à fond. C'était sans doute la seule fois de ma vie que je ne réfléchissais pas. Je ne pensais pas aux conséquences de mes actes, à leurs impacts. Je m'en foutais. A vrai dire, je me sentais tellement bien. Comme sur un lit de coton, couverte d'une brume euphorisante, entourée d'un jardin merveilleux et fantastique. Je n'avais envie d'être nul part ailleurs qu'ici, à cette seconde précise. Les gens autour de nous marchaient, parlaient, rigolaient, nous observaient pour certains, mais rien n'avait d'importance. C'était comme être dans une bulle où seul mon coeur bat, où seuls nos soufflent s'entremêlent, où seuls nos corps se rapprochent davantage. Plus aucun autre son ne me parvenait aux oreilles, plus aucune image n'était visible, hormis les traits de son visage. Carré, dur, impassible. Ses yeux, ses deux cascades d'eau pure comme j'aime tant les comparer se fondaient dans mes yeux. Nous ne détachions pas notre regard de l'autre. Absorber par ses yeux, tels deux astres lointains qui venaient de me happer dans un nouveau monde, totalement inconnu, immense, sans frontière ni limites. Le temps, l'espace, le reste du monde ne comptait pas, n'existait pas. Il n'y avait que ses deux étoiles bleues, son sourire en coin, son corps fort devant moi. Je sentais un peu plus à chaque seconde, son souffle contre mes lèvres. Je voyais ses yeux se baisser jusqu'à mes lèvres entrouvertes. Je ne cessais de l'observer, de le manger du regard. Chaque détail de son visage m'obsédait, me possédait. Mes mains se faisaient plus pressantes contre lui, alors que l'une des siennes vint se poser sur ma joue. Je fermais les yeux, souriant tendrement. C'était ça, c'était lui, c'était nous. Je sentais sa chaleur, je sentais sa tendresse et son envie et rien que cela me rendait heureuse. Malgré tout ce que je pouvais vivre en ce moment, il existait cette petite bulle, offerte par lui, qui me revigorait au plus profond de mon être. Sa main caressa ma joue, j'ouvris à nouveau les yeux. « Je suis bien avec toi aussi… » Venait-il de me dire. Je sentais mon coeur s'emballer dans ma poitrine, mes jambes trembler tellement mon corps était sous adrénaline, était sous tensions. Je sentais mon coeur battre dans mes tempes et mon estomac. Je sentais que le reste de mon corps devenait flou, presque inexistant. Je m'accrochais davantage à cet homme devant moi, toujours mes yeux plongés dans les siens. On se rapprochait encore. Nos lèvres étaient sur le point de se toucher. Je sentis une dernière seconde d'hésitation avant qu'il ne vienne m'embrasser. A cet instant, c'était comme une explosion à l'intérieur de moi, une explosion de sensations, d'émotions, de bien-être. Mes mains agrippèrent sa chemise pour me retenir à lui, comme pour me rassurer qu'il était bel et bien là et que nous étions bel et bien en train de nous embrasser. Nos lèvres l'une contre l'autre, jouaient ensemble tendrement, sans aucune pression ni maladresse. Comme si elles avaient toujours été faîtes pour se rencontrer elles aussi. L'une de mes mains vint entourer le bras de sa main, celle qui était toujours sur ma joue. Je ne voulais pas que cet instant se termine. Je voulais rester ainsi encore. Je voulais le retenir contre moi, tant que je le pouvais encore. Oublier le reste. Je souriais contre ses lèvres, me sentant heureuse. A cette seconde, le monde n'existait plus. Skyler n'était rien de plus, qu'une infime poussière envoyée à l'autre bout de l'univers. Il n'y avait que Shay et moi. Que ses lèvres tendrement contre les miennes. J'attrapais sa langue inférieure, la laissant rebondir sur elle même. Nos bouches s'entrouvrirent légèrement, mais assez pour prolonger ce baiser encore quelques instants, de façon moins conventionnelle. Les gens pouvaient nous regarder, outrés, ils n'étaient plus là à mes yeux depuis déjà longtemps. Nos langues s'apprivoisèrent lentement, faisant monter une sensation particulière en moi. Je me collais un peu plus contre Shay, pouvant à présent monter une de mes mains jusqu'à ses cheveux. Courts, mais tellement doux. Je sentais sa barbe piquante contre ma peau. Mais bientôt, nous mîmes fin à ce baiser un peu trop passionnel, ma main dans ses cheveux, tomba sur son épaule alors que nos visages se décollèrent pour pouvoir permettre à nos yeux de se rencontrer à nouveau. Je manquais de souffle, j'étais presque revenue sur terre après un voyage indéterminé dans l'espace. J'étais ailleurs, encore très loin. Perdue dans ses yeux, dans son souffle, entre nos deux corps avait été créé un monde et je m'y trouvais encore, bienveillante, heureuse et complètement innocente. Je lui souris alors. Je pensais dans ma tête : « Waouw » mais je n'osais pas le dire à voix haute. Vu mon expression et le baiser que l'on s'était échangé, il avait sûrement deviné et j'espérais que pour lui, il en soit de même. Finalement, comme pour revenir sur terre après cette aventure, ma tête vint se poser contre son torse, se serrant une dernière fois l'un contre l'autre. Je sentais son coeur battre. Il battait vite et cela me fit sourire. Je me sentais tellement bien. Je n'avais aucune envie de bouger pour le moment, mais je savais que nous ne pouvions pas rester comme ça. Je me reculais alors, lui souriant toujours et ajoutant, d'une voix douce : « Nous devrions peut être avancer vers le restaurant, qu'est-ce que tu en penses? »

Adkins approuva mon choix, bien que l'envie de continuer nous brûlait les lèvres. On se décolla difficilement l'un de l'autre. Sentir l'espace ainsi vide entre nous, après un tel échange, n'était pas agréable. Adkins, comme à son habitude, devait lire dans mes pensées, puisqu'il s'avança lentement pour déposer un baiser sur mon front. Comme un geste protecteur, un geste tendre et rempli d'affect. Je fermais les yeux, souriant. Je me sentais réellement bien et ce soir, juste ce soir, rien mis à part lui, n'aurait d'importance. Je ne voulais pas vivre pour Skyler, pour les autres, pour qui que ce soit d'autre. Non, ce soir, il était à moi et j'étais à lui, dans une simplicité des plus communes. On finit par se mettre en marche vers le restaurant. Il y avait du monde, à dire vrai, le restaurant était blindé. La nuit tombait lentement sur nous, nous enveloppant d'un vent frais. Je n'avais pas pensé à prendre de veste, ça n'était pas dans mes habitudes. Le serveur en charge de notre réservation, nous installa à une table. Nous n'étions pas au meilleur emplacement, mais je m'en fichais. Totalement. On s'installa alors et très rapidement, Shay prit la parole. « Je suis vraiment désolé d’avoir invité tes parents tout à l’heure, j’ai… C’est sortie tout seul. » Je mis un temps avant de comprendre de quoi il parlait. Pour être honnête, j'étais encore dans l'ambiance de notre baiser, un peu flottante, perdue dans les airs. Il m'avait fallu une petite grimace, pour comprendre qu'il parlait bel et bien de mes parents. Je souris alors, posant mes coudes sur la table pour venir relier mes mains et y déposer mon menton. Je l'observais avant de répondre « Tu ne les connais pas, mais face à eux, évites ces propositions car ils accepteraient. » Mes parents étaient comme ça. Avec le temps, avec mon cousin, on avait fini par en rire en repensant à tout ce qu'ils avaient pu faire. Aujourd'hui, c'était un peu plus compliqué, parce que j'avais grandis, que j'avais 23 ans et je voulais prendre et diriger ma vie seule et qu'ils avaient encore du mal à l'accepter. En même temps, j'étais partie à 18 ans, pour eux, le temps s'était arrêté. Mais plus les jours, les semaines passaient depuis mon retour de Floride, et plus je me disais que je devais avoir une conversation avec eux, pour mettre les points sur les i. Je ne voulais pas leur faire de mal, mais à ne pas parler de ce problème, c'était à moi que j'en faisais. « Ils ne sont pas méchants hein. Juste hyper intrusifs, possessifs et collants. Ils n'ont toujours pas réalisé que je n'étais plus une enfant » Pouvais-je leur en vouloir? C'était moi et moi seule qui avait fait le choix de partir pour Miami, de les laisser pendant 5 ans. Ca n'avait pas été facile pour eux, vraiment pas. Mais c'était ainsi. Le serveur arriva ensuite avec une carte, nous proposant un apéritif. Je levais les yeux vers Adkins. Je n'en prenais un, que s'il en prenait un aussi. Je ne buvais pas trop d'alcool alors s'il n'en prenait pas, je ne le ferai pas non plus. Finalement, il en prit un, je choisi donc un cocktail maison à base de Goyave. Le serveur nous déposa tout de même les cartes pour le Menu et nous laissa. Il revint de longues minutes pour amener nos boissons et puis prendre notre commande. Adkins commença et quand à moi, après une lecture méticuleuse et appliquée des plats, j'optais pour une dinde au bacon sur son lit de riz aux petits légumes. Quelque chose de simple mais efficace. Pour le dessert, nous verrions après le dîner.

HRP : Désolé, c'est une petite réponse pas très intéressante, mais comme je pense qu'Adkins va embrayer avec l'enquête, j'voulais pas trop partir dans tous les sens et lui amener l'opportunité d'en parler s'il voulait :)

Nos verres se rencontrèrent pour trinquer, dans un sourire. Je me sentais bien ce soir avec lui, cela faisait des jours que je ne m'étais pas sentie normale, légère, loin de tous les tracas de l'enquête dans laquelle j'étais mêlée. Je passais un début de soirée plus que merveilleux, mais quand Shay me lança « Je voulais attendre demain pour te le dire, te permettre de profiter de cette soirée au maximum, mais il y a quelque chose que tu dois savoir. », je ne pu laisser une grimace apparaître sur mon visage. Ca devait avoir un rapport avec l'enquête, ils avaient du découvrir quelque chose et il voulait me mettre au courant. Sa main vint se poser sur la table, ma main la rejoignit alors, jouant avec ses doigts. Je l'observais, dans l'attente d'une réponse plus précise, sur ce qu'il avait découvert, cela devait être important pour qu'il veuille me mettre au courant dès ce soir. « On a passé la journée à vérifier ce que tu me disais hier soir, sur un potentiel complice, on a trouvé une piste sérieuse, tout correspond entre les deux… ». Sa voix était calme. Je l'observais toujours. Décidément, où que j'aille et quoi que je fasse -et avec qui- Skyler revenait toujours. Il était toujours là pour tout gâcher, pour allumer une lumière sur cette épée de Damoclès au dessus de moi, que j'avais oubliée le temps de ce début de soirée. Skyler était là, tapis dans l'ombre et il voulait que je le sache. Mes doigts s'étaient un peu serrés sur ceux d'Adkins, quand il m'avait apprit cette nouvelle. J'étais à la fois, inquiète car maintenant, il était très certain qu'il y est deux personnes au monde qui veuillent ma mort. Mais j'étais aussi contente, car les travaux que j'avais fait, mêlés à ceux d'Adkins et de son équipe, avaient enfin payé. Oui, notre travail servait à quelque chose, on avançait. Nous n'étions plus à la ramasse. On avait une chance de le coincer. Parce que Skyler ignorait totalement que nous avions découvert son complice et au fond de moi, j'avais l'intime conviction qu'il ne s'en doutait absolument pas. Nous avions rattrapé notre retard et nous allions pouvoir réfléchir à quelque chose, enfin. On allait mener la danse, pour la première fois dans cette enquête. Cette nouvelle s'avérait alors, un soulagement. Depuis le système de sécurité installer chez moi, je me sentais plus en sécurité. « Son complice à prit l’avion le même jour que toi, c’est de cette façon qu’il a su que tu n’étais plus à Miami. » J'avais gardé le silence, pour écouter attentivement les paroles et les explications de Shay. A présent, il attendait une réaction de ma part. Je fini donc par lui dire, d'une voix fragile et douce « Je suis contente Shay. Je suis contente parce qu'on avance enfin dans cette enquête et que pour la première fois, je sens une lueur d'espoir... » J'étais contente, c'est vrai. La joie prenait le dessus sur la peur. Peut être à cause de ce baiser, qui m'avait complètement chamboulé, de cette soirée magique aussi. Au final, tout cela avait fait passer la pillule. Avec les équipes présentes et les équipements mis en place, je ne craignais rien, je le savais et Adkins veillait sur moi. Il n'y avait pas de doutes. L'enquête avancerait, on allait enfin les coincer et je pourrai retrouver une vie normale. Enfin... Je souris alors, timidement, tandis que mes doigts jouaient avec ceux d'Adkins. On échangea un sourire complice, avant que je ne lève mon verre en sa direction : « A votre excellent travail, lieutenant Adkins » Je souris et bu une gorgée, avant de reposer mon verre sur la table. L'enquête était en bonne voie, pour la première fois et cela me faisait un bien fou de le voir, de le vivre. C'était rassurant pour l'avenir, mon avenir. Même si cela sonnait le départ d'Adkins, je ne pensais pas du tout à tout ça pour le moment. Nous n'y étions pas encore.

« On va les coincer Lorah, je ferais tout pour que Skyler et son complice payent pour tout le mal qu’ils ont fait et que tu te sentes à nouveau libre. » Etre à nouveau libre, cette idée me paraissait tellement plus réalisable ce soir, alors qu'avant, c'était un concept qui commençait à m'échapper. La traque de Skyler -et de son complice- m'avait poussé à abandonner ma vie de tous les jours, pour une vie nouvelle, différente, qui me plongeait dans une obscurité assourdissante. Je ne pouvais pas vivre comme je l'entendais depuis des semaines, prise par la peur, par le danger qui pouvait venir à chaque instant de nul part. Mais une fois que j'aurai retrouvé ma liberté, je devrais en profiter seule. Puisque le bel âtre devant moi allait repartir dans son pays. J'étais dans une position délicate, mais j'essayais de ne pas y penser. Comme si je venais de construire un mur, solide, tout autour de cette soirée, pour que rien ne vienne l'atteindre. Je ne voulais pas qu'on y touche, qu'on l'abîme, qu'on la gache. Pas cette soirée, pas cette bouffée d'air frais. Mes yeux quittèrent quelques instants Shay, pour se balader dans le restaurant. Il y avait beaucoup de couples, de familles, qui étaient réunis pour dîner ici. Les gens semblaient tous heureux, serreins et j'avais envie d'être comme eux ce soir. Voir du monde, des visages différents et sortir de mon appartement et de mon restaurant m'avait fait du bien, me faisait du bien. Je m'en rendais compte maintenant. J'étais à l'aise et la main de Shay sur la mienne me rappelait notre baiser échangé tout à l'heure. Je n'en revenais pas. C'était, électrique. Comme si quelque chose nous dépassait complètement, une folle attirance. Un désir profond. Mais le désir est souvent source de danger. Nous ne pouvions pas en profiter sans réfléchir, étant donné la fin de notre histoire. Nous savions qu'elle allait se terminer, nous ne savions pas quand, mais nous étions au courant qu'il n'y avait aucun avenir pour nous. C'était triste, déstabilisant et la plupart des gens raisonnables préféreraient ne pas rendre la chose plus difficile encore. J'étais comme ça normalement, mais là, je perdais mes moyens. Je ne coucherai pas avec lui, notre relation en resterait à ce stade, complètement platonique, mais ça n'enlevait rien à son charme. Seulement, à ne pas penser à demain, je me rendais vulnérable. J'allais être très triste quand il serait amené à partir. Je le sentais au fond de moi, mais je le taisais. Je ne voulais pas que cela nous prive de profiter. Après tout, on sait qu'une chanson se termine, mais ne nous privons pas de l'écouter pour autant.
« A ton courage surtout. » Je souris. Mon courage... je ne me trouvais pas particulièrement courageuse, mais je me sentais plus forte à ses côtés, ça, c'était évident. Il y a encore quelques années, tout aurait été différent. Je n'aurai pas été capable de tout ça, mais aujourd'hui, avec Shay à mes côtés pour me soutenir, je m'en sentais capable. A son départ, est-ce que tout ça resterait ou partirait avec lui? J'en savais encore rien, je n'étais pas devin. J'espérais juste qu'il ne me prive pas de tout en partant. Nous attendions nos plats commandés, quand Shay me posa une question, s'intéressant alors à ma vie. Cela me fit plaisir. « Qu’est-ce qui t’as donné envie de travailler dans la cuisine ? » « Au départ, je cuisinais beaucoup car c'était la seule chose que mes parents m'autorisaient à faire chez moi, sans y fourrer leur nez. Je ressentais une vraie liberté et j'y ai pris goût. C'est un domaine large, créatif, qui ne s'éteint jamais... » Je venais de finir ma phrase devant mon cocktail pendu à mes lèvres, j'en bu une gorgée avant de plonger mes yeux dans les siens. Qu'est-ce qu'il était beau. Je sentais mon envie de l'embrasser, ressurgir encore. Mais non. Pas ici, pas comme ça. Ce baiser que nous avions eu, ne se reproduira sans doute plus. Sinon, cela ferait beaucoup trop de mal quand Shay devrait partir. Mais j'avais tellement envie de sentir à nouveau ses lèvres, son corps rassurant et cette aisance qui nous unissait. Je clignais des yeux, -reprends toi !- pensais-je alors. Je n'avais même pas une mèche de cheveux pour jouer avec. Mais le serveur ne tarda pas à arriver, il nous déposa de l'eau, du pain et puis nos deux assiettes fumantes. Cela sentait vraiment très bon. Le ventre se réveilla d'un coup, affâmé devant une telle assiette. On se souhaita un très bon appétit et on entama notre dîner. Tout le long du repas, les questions s'enchainèrent, naturellement. On rigolait, on se taquinait et on continuait de se découvrir. Aux yeux de tous, nous passions pour un couple normal, un couple peut être complice. Mais nous n'en étions pas un. Nous ne le serions même jamais. Mais pour ce soir, pour ces quelques heures, on endossait ces rôles avec plaisir. Je me sentais bien, tellement bien. Après tout ces évènements horribles, c'était tellement étrange de se sentir aussi bien. Seulement je ne pouvais pas lutter contre cette vague de chaleur qu'il me faisait ressentir en moi. Il était merveilleux, je ne m'ennuyais pas de le voir, l'observer, l'entendre me parler, lui répondre, rigoler avec lui, voir cette focette sur son visage quand il sourit en coin, ce désir qui se consume à l'intérieur de moi quand il fait ça et qui me donne juste envie d'un nouveau baiser.

« Je passe vraiment une bonne soirée avec toi, ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi bien avec quelqu’un. » Je souri davantage. Mais à cet instant, c'était comme dire ce que j'avais toujours rêvé d'entendre, en sachant que ça ne durerait pas. C'était étrange. Ca faisait un baume au coeur, suivi d'un pincement. Moi aussi, je passais une soirée parfaite avec lui et se dire que tout cela devrait s'arrêter à un moment donné était bien dommage. Oui, c'était vraiment dommage. Mais la vie était comme ça. On ne se connaissait pas suffisemment pour prendre le risque de tout quitter et de partir avec l'autre, en aurait-il seulement envie de toute façon? Pas sûr. Je voulais lui répondre, mais le serveur nous interrompit pour nous demander si nous prendrions un dessert. J'adorais les desserts, j'en raffolais même. Je me gardais toujours cette place sucrée à la fin d'un repas, une dose fraîche pour me faire digérer le repas. J'adorais ça. Shay me demanda si on le prenait ici, ou bien si on suivait le plan prévu à la base. A vrai dire, j'en savais rien. Nous aurions plus de choix ici, mais c'est vrai que parfois, les imprévus sont tout aussi bons. « La petite glace sur la place me paraît une très bonne fin de soirée » Je levais la tête vers le serveur pour lui administrer un signe négatif avec la tête, en réponse à sa question. On lui demanda l'addition et on fini par quitter notre délicieuse table afin d'avancer payer la note. Je sorti mon porte-monnaie mais très vite, Adkins me fit comprendre qu'il en était hors de question. Je souris. Je n'avais jamais été invitée au restaurant par un garçon, il jouait au gentleman, ça n'était pas pour me déplaire, mais je n'étais pas habituée. J'étais habituée à vivre seule et à payer mes notes seule. Une fois la note réglée, on remercia le personnel en leur souhaitant un bon courage, avant de sortir dans la fraiche soirée canadienne. Je frissonais un instant, par la différence de température. Les lampadaires étaient allumés, mais le soleil se couchait, laissant une atmosphère rose, oranger dans le ciel. C'était magnifique. Il y avait un musicien (guitariste), il ne restait plus que lui. Il y avait bien entendu des jeunes, des couples et des anciens qui se baladaient encore, rentrant chez eux ou se rendant un cinéma à côté ou dans un bar. Je me sentais bien. Néanmoins, je n'osais pas me comporter librement avec Shay, j'essayais de garder une retenue, pour m'éviter des souffrances inutiles en temps venu. On avança alors vers un stand de glace. On se sourit, comme deux gamins. « Ils ont plein de choix ! » M'enjouais-je alors. C'était impressionnant. Ca allait des parfums normaux, aux plantes, fleurs, et autres variantes. J'adorais ça. J'optais pour un sorbet à la violette. « Tu as choisi? » Demandais-je à mon policier. « Et comme je suis une femme moderne, pour la parité, les glaces sont pour moi » Petite blague, espérons qu'elle ne passe pas à la trape car ça pouvait foirer une soirée ce genre de boulette. On se fit servir très poliment et je régla la note avant qu'on ne reprenne notre route vers le parc. Il faisait frais, mais on était tellement bien à vrai dire. S'enfonçant dans le parc arboré, on marchait tranquillement, je n'avais aucune envie de m'asseoir quelque part, j'étais juste très bien là, avec lui. Je goutais alors ma glace, impatiente de découvrir son goût. « Hum... ce que c'est bon ! » Je fermais les yeux le temps de quelques secondes, comme si ça allait me décupler mes sens. Je proposais alors à Shay de gouter ma glace. La soirée se déroulait à merveille, sans aucune fausse note, sans aucune erreur, sans aucune tâche. Je me sentais bien, je n'avais que rarement ressenti ça. En réalité, n'était-ce pas la première fois?

On passait une soirée délicieuse. Je me sentais vraiment très bien, légère -malgré le repas que je venais d'avaler, plus cette glace- et nous nous entendions tellement bien que c'en était presque triste, dans le fond, de se dire que tout allait quand même prendre fin. « Hum... ce que c'est bon ! »« Je vais vraiment finir par croire que les meilleurs gouts, comme les meilleurs repas sont au Canada. »« Il n'y a pas que ça, les femmes sont aussi meilleures, mais ça... » Tournant alors ma tête vers lui tout en rigolant à ma propre blague, j'attendais sa réaction. C'était bonne enfant, l'ambiance était légère. On arrivait même à rigoler de la situation, ce qui était assez loquace en y repensant. J'avais toujours entendu dire que l'on pouvait rire de tout. Je n'avais jamais été douée pour l'humour, mais j'avais fait des progrès depuis Miami, mais seulement avec les personnes avec lesquelles je m'entendais suffisemment bien entendu. Shay avait donc goûté ma glace, il m'invita -par politesse je pense- à en faire de même. Je ne résistais pas, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas choisi son choix. Je tendais vers la nouveauté, lui, plutôt traditionnel apparemment. Je souris. Je voulu croquer un bout de la glace, quand il enfonça un peu plus son dessert vers moi. Mon nez se retrouva alors bercé d'une douce noix de vanille - noix de pécan. J'eu sans doute une réaction particulière, puisque très étonnée par ce geste, j'ouvris grand les yeux, comme une enfant à qui on vient de faire une mauvaise blague. Je mimais une moue boudeuse. « Je n’ai pas pu résister. » « Mais... mais pourquoi? » Je restais ainsi à l'observer puis finalement, me décida à me venger, à ma façon. Je m'approcha de lui, jusqu'à me hisser sur la pointe de mes pieds afin de pouvoir à peu près arriver à sa hauteur. Il voulait jouer? Etrangement, moi la fille sage, me retrouvait à entrer dans son jeu. Je n'avais pas pour habitude d'agir comme ça. C'était lui, qui me rendait taquine et joueuse. Une de mes mains passa autour de ses épaules, pour que je ne tombe pas -surtout pour ça en fait- tandis que mon autre, lui tendait dangereusement ma glace près de son visage « Si tu bouges, tu vas pouvoir savourer véritablement le goût de la violette » Je savais pertinament que s'il le voulait, d'un geste, il pouvait m'évincer. Il pouvait m'écarter sans problème et me calmer moi et ma vengeance mais il n'en fit rien, entrant dans mon jeu. Du coup, j'approchais mon visage et notamment la pointe de mon nez encore recouverte de vanille et vint lui caresser la joue. Histoire de retirer la glace de mon nez et par la même occasion, de lui rendre la monnaie de sa pièce. On se retrouvait encore proches, comme tout à l'heure. Mais cette fois-ci, je savais que l'embrasser à nouveau serait bien trop dangereux. Et quelque part, nous n'avions pas besoin de ça. Même si le désir me bouffait de l'intérieur, je n'avais pas besoin d'un rapprochement physique pour me sentir comblé de bonheur. Finalement, je déposais mes lèvres sur son autre joue -afin qu'elle ne soit pas jalouse- et me détâcha de lui, reprenant une distance respectable. Je ne pouvais pas lui imposer mes désirs. Après tout, s'il voulait m'embrasser, il pouvait le faire quand il voulait, mais il n'en faisait rien. Très certainement parce qu'il pensait exactement comme moi. En cet instant, je pensais à cet instant, cette soirée. Bientôt, il serait loin de moi, à des milliers de kilomètres et il continuerait sa vie, comme si cette parenthèse n'avait jamais existée. Il rencontrerait une femme, il ferait sa vie et il serait heureux. Même si je lui souhaitais tout le bonheur du monde, je n'avais aucune envie de le savoir avec une autre, en tout cas, pas ce soir non. Mais oui, bientôt, il allait repartir, me laisser là, seule avec tous ces souvenirs. Les souvenirs de ce soir, les souvenirs de nous, les souvenirs d'une relation parfaite, qui n'aura malheureusement, jamais eu sa chance. Ce n'était pas juste, mais c'était comme ça.

« Mais ça j’aimerais savoir comment est-ce que tu le sais, parce que je t’avoue que ça m’intrigue. »« Je le sais, c'est tout, je suis Canadienne moi monsieur. Pas comme vous, les Américains. On ne sauve pas le Monde. On le rend meilleur et en partie grâce à nous, les femmes » Je lui souris alors, mangeant encore un peu de ma glace. Puis, vint le moment où il me fit goûter la sienne, où un bout de vanille s'était niché sur mon nez et où ma vengeance s'était déployée. Etalant la glace à la vanille sur sa joue, à deux doigts de son visage, avec l'irrésistible envie de l'embrasser, nous avions mis fin à ce moment, enfin... c'est ce que je pensais. « Et maintenant comment est-ce que j’enlève la glace que j’ai sur la joue ? » Je venais de manger encore un morceau de la mienne, tout en le regardant dans les yeux, avec une lueur de défi. « Tu fais bien ce que tu veux... Mais je sais qu'au fond, t'es une poule mouillée. Tu n'as pas la carrure pour t'en prendre à moi » Jouais-je alors en retenant un rire, mais laissant mon sourire s'étirer sur mes lèvres. J'aimais notre complicité. Elle devenait de plus en plus grande, chaque jour. Aujourd'hui, elle était encore plus belle car elle n'était pas entâchée par l'enquête ou quoi que ce soit de négatif. Elle était juste là, au naturel, belle comme le jour. J'avais ma glace devant moi, près de mon visage, j'avais arrêté de la manger, mais elle me servait presque de défense, au cas où il m'attaquerait. On se fixait dans les yeux, intensemment et j'attendais le moment où il allait attaquer. Le musicien était pas loin de nous, il jouait un air très ancien, mais ô combien merveilleux. On s'observait en souriant, sans oser rien dire, rien faire. Je savais qu'il préparait un truc, mais pas encore quoi. Soudain, je me mis à courir dans la direction opposée à lui. J'avais cru sentir un mouvement de sa part et c'était ma défense, la fuite. On pouvait nous entendre rire, comme deux gamins complètement attardés. Je quittais le chemin de sable pour courir sur l'herbe. Je jetais mes chaussures à talons pour marcher plus vite, les abandonnant sur le gazon frais de cette soirée. Le vent était frais, mais j'avais chaud. Shay me donnait chaud. Il me rendait vivante, il me faisait vivre, dans cette période de ma vie, tellement obscure, sombre et affligeante. Il était un rayon de soleil, de chaleur, de beauté. Je rigolais comme une enfant, ma main libre détâcha mes cheveux pour les laisser s'envoler au vent. Je sentais Shay vraiment tout près de moi, il allait me rattraper et il me rattrapa. Je sentis ses mains contre moi et bientôt, on tomba sur l'herbe, toujours en rigolant comme des gamins, sans aucune élégance ni classe, tout simplement par pur bonheur, sans se préoccuper des pauvres passants qu'il pouvait y avoir, ou du bruit que l'on faisait. On s'en fichait. On était l'un contre l'autre à nouveau, toujours en train de rire aux éclats, la moitié de nos glaces écrasée par terre, l'autre sur nos vêtements, mais on s'en foutait, on était heureux et le bonheur n'a pas de prix, surtout pas en ce moment.

Après notre course folle, il m'avait rattrapé assez facilement et rapidement, on s'était retrouvé par terre, rigolant comme des baleines. Nos glaces se retrouvaient étalées sur nous en grande partie, c'est sûr qu'elles allaient être bonnes maintenant tiens ! Mais là encore, on s'en fichait, trop prit dans notre fou-rire pour penser à ce genre de détail. Là, maintenant, c'était un conflit Américano-Canadien qui se jouait entre nous et représentant mon pays contre l'envahisseur, j'allais me battre bec et ongles. Il m'avait retenu les mains sur l'herbe, afin que je ne me débatte pas, mais mes jambes n'en avaient pas décidées ainsi. Du moins, avant qu'il ne décolle sa joue de la mienne, après avoir bien étalée la glace collante. Nos nez s'étaient frôlés, entraînant nos lèvres. Ce fut très rapide en soi, mais tellement intense, comme une décharge électrique. Ses lèvres avaient touchées les miennes, juste en surface, très rapidement. J'avais senti son souffle, ça avait duré une seconde ou deux et puis, il s'était reculé. J'en avais le goût de trop peu. Mon regard le fixait. C'était trop tard, j'avais envie de l'embrasser et je n'étais pas assez forte pour passer outre. Beaucoup trop docile face au désir. « Je n’ai toujours pas la carrure pour m’en prendre à toi ? » « Peut-être que je t'ai laissé m'avoir? »« Je ne sais pas si les Canadiennes rendent le monde meilleur… Mais en tout cas elles sont très attirantes. »« Et vous les américains, vous êtes des beaux parleurs... » Ma voix n'avait été qu'un murmure, tandis que je fixais ses lèvres avec envie. Une folle envie qui me prenait le ventre, qui me le torturait et qui faisait battre mon coeur encore plus fort. Avec ma voix, et mon attitude, je sentais que ses mains faisaient moins pression sur les miennes. J'attendis le bon moment avant de lui échapper pour me retrouver à califourchon sur lui. Position dangereuse et je savais qu'il n'allait pas mettre longtemps avant de reprendre le dessus, il fallait que j'agisse vite. Mes mains vinrent se placer entre son cou et sa machoire alors que mon visage s'approcha dangereusement du siens. Je savais que c'était pas une bonne idée, mais je n'avais absolument pas la force de me combattre intérieurement et d'être impassible face à ce jeu, que j'avais par ailleurs, moi-même commencé. Mes lèvres se posèrent sur les siennes, un peu violemment, mais très vite, elles retrouvèrent leur douceur. Il se laissa faire, je souris. Ma bouche s'ouvrit en même temps que la sienne, laissant alors simplement le désir parler pour nous. Il s'était caché, dissimulé toute la soirée, au restaurant, parce qu'on le lui demandait. Mais il était tel un lion en cage, tournant, hurlant, voulant à tout prix qu'on le remarque, qu'on le laisse sortir. A cet instant précis, je me fichais de souffrir, d'aller trop loin, de ne pas me tenir à mes principes. On s'était déjà embrassé tout à l'heure, autant faire durer le plaisir à toute une soirée. Demain, je travaillais, lui aussi, l'enquête avancerait et on allait remettre nos costumes de policier et de victime. Mais ce soir, j'étais la fille qui lui plaisait et il était l'homme qui me plaisait également. Deux personnes qui se plaisent, qui s'entendent aussi bien et qui n'ont aucune raison de ne pas agir comme je venais de le faire. Notre position était scandaleuse, lui allongé dans l'herbe, moi sur lui en train de la happer la bouche. Mais je me fichais des regards extérieurs, pour la toute première fois de ma vie. J'en avais rien à faire de la bonne conduite que mes parents m'avaient inculqué pendant si longtemps. J'avais balayé ma timidité, mon attitude de coincée parce que j'étais à son contact et étant à ses côtés, tout cela disparaissait. J'avais envie d'être avec lui jusqu'au bout, jusqu'à la fin. Le désir était plus fort que la souffrance et puis, ça n'était pas prévu pour demain son départ. Mais ce soir, juste ce soir, j'avais envie d'être à lui, et lui à moi, surtout à moi. Mes lèvres ne voulaient plus le quitter. S'embrassant avec insistance, sentant nos deux corps collés l'un à l'autre, je sentais son souffle, son envie, son attirance et cela me rendait heureuse. On jouait avec le feu et je crois, qu'on venait déjà de se brûler, mais je m'en fichais. Si je devais subir une déception amoureuse à son départ, j'étais prête à la subir. Tout le monde en subi, plusieurs dans une vie, à 23 ans, il était grand temps de commencer à vivre. D'arrêter d'avoir peur pour tout, d'arrêter de trop penser, de trop réfléchir et tout simplement vivre, profiter de ces instants, magiques, que la vie nous apporte sur un plateau et que l'on voit comme des moments normaux. Rien n'était normal entre lui et moi, depuis le début. Rien n'avait jamais été normal et pourtant, notre relation, au delà de son contexte, était tout ce qu'il y avait de plus sein. On était deux jeunes gens qui s'appréciaient vraiment, qui se sentaient bien ensemble, qui s'épanouissaient. J'avais aucune raison de gâcher ça, pour quelque chose qui arriverait dans des semaines, des mois ou des années. Nous n'allions pas arrêter Skyler tout de suite, pourquoi se retenir de vivre quelque chose de beau, d'intense, de magique pour penser à demain? Non, pour la première fois de ma vie, j'effaçais demain, pour n'éclairer que maintenant. L'instant présent. Avant que la rose ne se fâne, je voulais profiter de toutes ses couleurs, de son parfum, tant qu'il m'était possible d'en profiter à son paroxysme.