Même si April et moi partagions la même chambre dans le chalet, il n’en demeurait pas moins que nous prenions toujours soin de ne pas être vus trop souvent ensemble, histoire de ne pas soulever des doutes quelconque concernant le fait que nous nous connaissions bien avant d’arriver en ces lieux et que nous entretenions une relation bien plus développée et passionnée que de simples colocataires de chambre le temps de quelques jours de vacances. Cela pouvait paraître limite paranoïaque, mais compte tenu qu’il y avait de nombreuses gens de White Oak, et potentiellement des étudiants ou autres professeurs de l’université, c’était probablement la façon la plus sûre de s’assurer de ne pas avoir de problèmes une fois de retour à notre quotidien. Personnellement, je ne m’en faisais pas trop, même si cela impliquait que pendant la journée, il arrivait que je me retrouve seul et que mine de rien, le fait de savoir qu’April était si près me frustrait quelque peu. Heureusement, pour le moment, je réussissais à faire passer la chose plutôt bien. Par exemple, pendant l’après-midi, j’avais profité du fait que ma petite-amie était partie skier – activité pour laquelle je n’avais pas grand talent malgré moi – pour aller faire quelques photos des lieux. Après tout, je serais idiot de ne pas le faire, compte tenu que non seulement, j’avais apporté mon appareil pour l’occasion, mais aussi, les paysages étaient si magnifiques que ne pas apporter quelques souvenirs serait complètement idiot de ma part.

Ma tournée des lieux m’avait pris une bonne partie de l’après-midi, ce qui était normal après tout, puisque dès que je commençais à photographier des éléments qui m’inspiraient, j’avais bien du mal à m’arrêter. En fait, ce qui me convainquit de rentrer au chalet, ce fut le fait que je commençais sérieusement à avoir froid, et puisqu’April ne tarderait pas à rentrer, je voulais lui faire une surprise; puisqu’elle avait été sur les pistes toute la journée, elle aurait probablement plus froid que moi, et pour se réconforter, il n’y avait probablement rien de mieux qu’un chocolat bien chaud. Enfin, moi je ne dirais pas non, et je me doutais bien que cela ferait plaisir à April, Enthousiaste par rapport à mon idée, je me mis aussitôt à le préparer. Je fis chauffer de l’eau, sortit le mélange que j’avais apporté, sans penser qu’en fait, ce genre de mélange avait une date d’expiration. En effet, lorsque je voulus le goûter pour savoir si j’avais mis assez de chocolat ou non, je m’empressai de recracher le tout dans le lavabo de la salle de bains; le mélange était clairement périmé, puisque le chocolat était carrément infect. Légèrement embêté, je cherchai rapidement une solution, parce que pour tout dire, je ne me voyais plus accueillir April les mains vides. Enfin, avec un câlin et un baiser, c’était certain, mais ça aurait été mignon, le chocolat chaud, non ? Choisissant de me montrer entêté par rapport à mon idée, je pris mon courage à deux mains, puis je sortis de la chambre, et je commençai à marcher, cherchant une chambre où il pourrait y avoir quelqu’un. Dès que je crus percevoir du mouvement dans l’une d’entre elles, je frappai timidement à la porte qui s’ouvrit quelques secondes plus tard sur une jeune femme qui ne me paraissait pas trop méfiante ou froide. Heureusement d’ailleurs, puisque jamais je n’aurai su lui parler si ça avait été le cas. Déjà que là, je n’étais pas totalement confortable, et ça se vit dans la maladresse avec laquelle je m’exprimai pour lui répondre, à savoir lorsque je lui dis : « Hum, bonjour… En fait… Je me demandais… Vous n’auriez pas du mélange à chocolat chaud dont vous n’avez pas besoin… par hasard ? » Comme un enfant pris en faute, je pinçai les lèvres, et les mains dans les poches, j’attendis une réponse, ne sachant pas trop comment me tenir en patientant tant j’étais nerveux et gêné pour le coup.

Ce fut avec un soulagement plus que grand que j’accueillis le fait que ma requête ne dérangeait pas la jeune femme et que celle-ci voulait bien me venir en aide. C’est ce qui expliqua pourquoi je ne me gênai pas à esquisser un sourire que je ne voulus pas faire paraître trop large, histoire de ne pas accentuer davantage cet air de gamin qui semblait me coller au visage depuis que j’avais frappé à la porte et qui commençait à me faire sentir un peu gêné. En effet, j’aurais bien voulu avoir un peu plus d’assurance au moment où j’avais fait ma demande, puisque cela m’aurait probablement évité une réflexion sur le fait que je paraissais si mal à l’aise. Mais ça, malheureusement, je ne pouvais pas y faire grand-chose, puisque cette timidité presque maladive faisait partie de ma personnalité depuis bien longtemps maintenant et apparemment, l’âge adulte n’y avait pas changé grand-chose, d’où le fait que je me devais de m’efforcer lorsque je me retrouvais devant des gens que je connaissais plus ou moins. D’emblée, cette fois-ci, ce fut un peu un échec, puisque je ne retrouvai pas vraiment de contenance lorsque vint le moment de dire : « Me… Merci. » au moment où la demoiselle me laissa entrer dans sa chambre. Heureusement, j’eus la présence d’esprit de m’exécuter, puis j’avançai de deux pas pour traverser l’embrasure de la porte. Pas plus, pas moins. Je savais bien qu’elle m’avait invité à entrer, mais malgré tout, je refusais de faire comme si j’étais chez moi – surtout que je ne l’étais pas, mais pas du tout – et que je ne voulais pas déranger pendant des heures non plus, surtout pas pour une histoire de chocolat chaud qui pouvait être rapidement réglé.

Enfin, c’était ce que je pensais dans un premier temps. Je me disais que dès qu’elle m’aurait offert le mélange, je pourrais la remercier, lui promettre de le lui rendre dès que j’aurais terminé avec celui-ci, c’est-à-dire d’ici quelques minutes, tout au plus, histoire que cela ne traine pas trop, et le tour serait joué. Cependant, c’à quoi je ne m’attendais pas, c’était que la jeune femme en avait carrément un lot, de mélanges à chocolat chaud. Honnêtement, jamais je n’aurais cru cela possible, et je le fis bien comprendre en écarquillant les yeux un peu plus à chaque fois que la demoiselle énumérait un nouvel élément. Au final, je demeurai carrément éberlué, ne sachant que répondre : « Euh… », ce qui faisait clairement voir que j’étais incapable de faire un choix parmi toutes les possibilités qui s’offraient à moi. Comment pouvais-je vraiment choisir, alors que moi, j’étais venu chercher le mélange le plus classique qui soit ? En fait, le choix était limite pas dans ma tête en ce moment, puisque j’étais surtout impressionné devoir qu’elle avait pensé à apporter tout cela, et comment cela se faisait qu’elle en avait autant, surtout. Heureusement, ces questions ne demeurèrent pas longtemps présentes dans mon esprit, puisque comme si elle avait lu dans mes pensées, mon interlocutrice m’expliqua que son sens de l’organisation était dû à son métier d’institutrice. Dans un rire nerveux, je lui répondis alors : « Ah, je vois ! », tandis qu’au même moment, je tentais de me détendre un peu et être en mesure de faire adéquatement la conversation. M’efforçant de réfléchir, je me grattai la nuque par pur réflexe, et finalement, au bout de quelques secondes, je dis : « Eh bien… Je vais prendre ce que vous avez en trop, ce qui ne vous gêne pas de m’offrir, en fait. Je suis certain que n’importe lequel de ces mélanges sera meilleur que le mélange périmé que j’ai apporté ! » À ces mots, j’eus un nouveau rire, même si en fait, c’était plutôt gênant de faire une telle confession, surtout à une jeune femme qui, elle, avait pensé à en apporter une tonne, et que moi, avais mon pauvre pot, je ne faisais clairement pas le poids.