« Ça va aller poupée ? » Azel demandait ça plus pour elle que pour Malia, au fond. À voir sa fille de neuf mois tout sourire au milieu des autres enfants de la garderie du chalet, il y avait fort à parier que l'absence de sa mère ne lui poserait pas trop de problèmes – tant qu'elle ne s'éternisait pas trop. Azel sourit un peu tristement à la nourrice et observa une dernière fois son bébé, le vague à l'âme. Elle était toujours un peu réticente à laisser sa petite blonde à des inconnus, à la laisser tout court à vrai dire. Elle était ce qu'elle avait de plus précieux en ce monde et elle avait toujours peur qu'il lui arrive quelque chose. Elle fit un petit signe de la main et quitta la garderie. Elle se retourna à mi-chemin des escaliers et resta quelques secondes supplémentaires à observer Malia tendre une poupée à une autre petite fille. Azel esquissa un sourire et monta les escaliers qui montaient à la chambre qu'elle partageait avec Charlotte, et sa petite fille Alaska. Cette dernière était plus jeune que Malia, mais de seulement quelques mois. Elles semblaient déjà s'entendre à merveille, dans leur monde de bébé, et Azel espérait sincèrement qu'elles continueraient à s'entendre dans le futur. Elle rêvait de les voir aussi amies qu'elles l'étaient, avec Charlotte. Celle-ci s'affairait d'ailleurs, et la blonde traça directement jusqu'à la salle de bain. Elle enfila le nécessaire pour faire du ski : pantalon rose pâle, t-shirt à manches longues noire, polaire bleu clair, veste vert émeraude. Il ne manquait plus que le bonnet pour parfaire sa tenue, un beau bonnet jaune surmonté d'un pompon rose fuchsia. On pouvait dire qu'Azel aimait la couleur… elle sourit à son reflet, repositionna une mèche rebelle et sortit de la salle de bain. « Je suis prête ! C'est parti le carnage… » Elle pouffa et contourna le lit. Charlotte ne l'accompagnait pas, ce matin. Non pas qu'elle ne voulait pas, mais Azel l'en avait dissuadé. Elle n'était encore jamais monté sur des skis, et elle ne voulait pas gâcher la première sortie de son amie. Elle s'était dit qu'elle aviserait une fois ses skis loués : peut-être que pour aujourd'hui, elle se contenterait de ça, louer son matériel. Elle tâcherait de se renseigner pour prendre des cours, aussi. Elle n'était pas en mesure de se lancer sur les pistes toute seule, si elle voulait garder tout le monde en vie.

La blonde sautillait dans la neige, l'angoisse de laisser sa fille à la garderie à présent loin derrière elle. Elle était maintenant toute excitée de se rendre dans une boutique de location de ski pour la première fois. « Bonjouuur ! » lança-t-elle joyeusement en entrant dans le magasin. Aussitôt, un homme qui devait avoir la trentaine s'approcha d'elle, tout sourire. La boutique était encore relativement vide, et il avait le temps de s'occuper d'elle en personne. Azel s'était levé aux aurores et elle avait bien fait ; une demi-heure plus tard, alors qu'elle essayait vainement les chaussures que lui avait sorti le responsable, le magasin était bondé. Elle avait fini par enfiler, tant bien que mal, la chaussure droite, mais l'autre pied ne voulait vraiment pas rentrer. « Purééée » maugréa la blonde, commençant à avoir beaucoup trop chaud dans sa tenue de ski. Elle retira son bonnet et sa grosse veste, et retenta d'enfiler sa chaussure. « Faut plus écarter la chaussure, il rentrera jamais sinon ton pied ! » Azel releva soudainement la tête et se mit à sourire, après avoir froncé les sourcils et serré la mâchoire pendant dix bonnes minutes. Le jeune homme qui venait de parler s'agenouilla aussitôt et mit en application son propre conseil. En trente secondes, la chaussure était mise. « Je rêve ! Pourquoi il ne m'avait pas dit de faire ça, le monsieur ? » Elle rigola, soulagée que le problème chaussure soit réglée, sa colère s'évaporant. « Ha ça va nettement mieux, oui, merci beaucoup ! » La blonde leva le pied et tourna sa cheville en l'air. « C'est un peu lourd, mais ça tient ! » Elle se leva et tenta de faire quelques pas. Elle s'arrêta cependant bien vite. « Waw waw. C'est normal que j'ai l'impression d'être Robocop là ? » Elle regarda ses pieds, puis regarda les autres personnes présentes dans le magasin, qui semblait évoluer avec une certaine grâce. Elle, elle se trouvait tout, sauf gracieuse. « Sérieusement, j'ai l'impression de marcher avec des enclumes aux pieds… » La blonde s'esclaffa et reporta son attention sur le jeune homme qui venait de l'aider. « Tu t'appelles ? … »

Azel était toute souriante, amusée par le jeune homme qui l'avait abordée quelques minutes plus tôt afin de l'aider. Il avait beau lui dire des choses qui ne la rassurait pas tellement quant à sa future expérience sur des skis, il la mettait de bonne humeur et, paradoxalement, lui donnait encore plus envie de se mettre à skier. Elle aurait mal aux pieds à la fin de la journée ? Elle ne se sentirait jamais gracieuse avec ces chaussures aux pieds ? Peu importe. Le ski, c'était tout un bagage, et il fallait se contenter de tout, ou ne rien faire. La blonde était persuadée au fond d'elle que tous ces petits inconvénients étaient aussi ce qui faisait la beauté du ski, et par extension des vacances à la neige. C'était comme à la ferme : on rentrait tard le soir avec un bon mal de dos, parfois les yeux rouges à cause du foin et les jambes en compote, mais c'est ce qui faisait le charme du métier, c'était un mal pour un bien. Après avoir arrêté d'aider ses parents pendant une petite semaine, durant ses révisions pour l'examen, Azel avait été sincèrement contente de retrouver ce mal de dos et tout ce qui suivait, parce que cela voulait dire qu'elle avait bien travaillé, qu'elle avait pu retrouver cette occupation qui lui plaisait. C'était le genre de bonne fatigue, celle des muscles, qui amène un vrai sommeil réparateur, le type de fatigue qu'Azel adorait. Elle préférait celle-là, plutôt que la fatigue parce qu'elle était restée éveillée jusqu'à trois heures du matin, galérant parmi tous les papiers administratifs qu'elle devait remplir pour sa boutique, ainsi que les comptes qu'il y avait à faire. « Peu importe ! » lança-t-elle finalement, avant d'ajouter « J'ai hâte de vivre l'expérience d'être un robot, tiens. » Elle pouffa légèrement et fit quelques aller-retours, pour s'habituer à ses nouvelles chaussures. Tant pis si elle ne serait jamais gracieuse, mais il fallait tout de même qu'elle sache marcher avec, histoire de ne pas se ridiculiser en tombant devant tout le monde, par exemple. En réalité, elle se moquait pas mal d'avoir l'air ridicule, mais qui disait chute pouvait vouloir dire blessures et il valait mieux limiter les dégâts. Elle pensait justement à ça après avoir demandé au brun comme il s'appelait, la tête en l'air et plus du tout concentrée sur ce qu'elle faisait, quand elle trébucha sur un obstacle invisible. Nolan, puisqu'il se prénommait donc comme ça, la rattrapa avant qu'elle ne s'écrase complètement au sol. Voilà, elle avait failli se ridiculiser maintenant, peut-être que ça suffirait pour le reste de son séjour ? Azel éclata de rire alors qu'elle était encore à moitié dans les bras de son sauveur. Elle se détacha de lui et se stabilisa sur ses deux pieds, avant de relever la tête. Elle se passa une main dans les cheveux pour rétablir l'ordre naturel de ses mèches blondes, un peu éparpillées dans cette presque-chute, et reprit enfin la parole. « Moi c'est Azel ! Je sais pas si ça me va mieux que catastrophe ambulante, mais au moins c'est plus court. » Elle rejoignit le banc et s'assit pour tenter d'enlever ses chaussures. Elle fit bien attention de mettre en application les conseils qu'il lui avait donné ; s'il fallait écarter les chaussures pour les mettre, il fallait sûrement le faire aussi pour les enlever ? Elle rigola de nouveau quand Nolan se remit à parler. Décidément, celui-là savait faire rire les filles. Azel arrêta de délasser ses chaussures et releva la tête. « Ni l'un, ni l'autre. » Elle esquissa un sourire et continua d'enlever sa première chaussure. « Je suis venue au chalet avec une amie, mais j'avais pas vraiment envie de lui gâcher sa première sortie, parce qu'elle, elle sait skier. » Elle se moqua d'elle-même avant de reprendre. « Du coup, aujourd'hui je comptais juste louer mes affaires pour la saison et aller me renseigner sur les cours qu'ils donnent par ici. » Azel retira sa première chaussure avec succès et ne tarda pas à enlever la deuxième. Pour le coup, elle était plutôt fière d'elle. Elle glissa ses pieds dans ses bottes de neige et se releva, toute contente. Elle rangea les chaussures de ski dans un sac, et attrapa ses skis. Elle n'avait pas fait deux pas qu'ils lui glissèrent des bras. « Mais c'est pas vrai ! » Elle s'esclaffa, encore, alors que Nolan était une fois de plus là pour les lui rattraper. « Merci beaucoup » dit-elle, en récupérant ses skis à présent bien bloqués, « je suis vraiment désolée. Je te promets, d'habitude je suis pas comme ça ! » ... Oui mais d'habitude, Azel ne faisait pas de ski. « Et toi alors, le pro de la glisse, t'es accompagné ou tu skies perso ? » Un sourire taquin aux lèvres, la blonde releva le regard vers le jeune homme, qui faisait bien deux têtes de plus qu'elle. Elle n'avait aucune idée, en réalité, de s'il était vraiment doué en matière de ski, mais c'est en tout cas l'impression qu'il lui avait donné. Et un mec pareil devait certainement avoir toute sa bande de potes avec lui, si ce n'est une file de groupies skieuses. Une chose dont Azel était sûre, cependant, c'était que s'il fallait qu'elle drague quelqu'un, ce ne serait certainement pas en skiant.

Nolan ne passait vraiment pas inaperçu. C'était le genre de mec rieur, qui ne semblait pas se prendre la tête, sans préjugé, et qui n'avait aucun mal à aborder les autres. Azel était vraiment contente d'avoir croisé son chemin. C'était le type de mec avec qui elle se serait bien entendu au lycée, elle en était persuadée ; du moins, s'il n'y avait pas derrière lui toute une bande de mecs superficiels qui le dissuaderaient de s'afficher avec une nana comme elle, rigolote mais un peu bizarre. Les présentations étaient faites maintenant, et la blonde avait eu peur que leur rencontre se termine là, qu'ils repartent chacun de leur côté à vaquer aux occupations qu'ils avaient prévues ; parce qu'elle appréciait le grand dadais qui se trouvait devant elle, mine de rien, et elle avait bien envie de rire encore quelques temps. Heureusement, Nolan ne semblait pas avoir plus envie qu'elle de mettre fin à leur conversation, et ils quittèrent la boutique de location ensemble, en parlant et en rigolant. Azel en oublia même de dire au revoir en sortant, alors que c'était pourtant une règle à laquelle elle ne dérogeait jamais, d'habitude. Elle avait toujours en horreur les gens qui rentraient dans sa boutique, souvent sans dire bonjour, qui fouillaient parmi les habits sans demander aucun conseil et qui repartaient, toujours sans lui avoir décroché un seul mot. Elle trouvait ça profondément irrespectueux et avait toujours un petit pincement au cœur, comme si tout ce qu'elle faisait, elle le faisait pour des prunes. Elle se rassura bien vite en se disant que le propriétaire de la location était très certainement très occupé, comme tout le reste des vendeurs, et qu'il ne l'aurait de toute façon même pas entendu. Azel plaça la main devant ses yeux, en visière, pour se cacher du soleil qui se reflétait sur la neige et qui l'éblouissait. Elle jeta un œil en contrebas et en effet, elle apercevait le grand panneau de l'école de ski un peu plus loin sur la gauche, comme Nolan le lui avait indiqué. Elle esquissa un petit sourire triste, quand elle réalisa que dans quelques minutes, lui irait naviguer sur les pistes rouges et noires tandis qu'elle galérerait sur les vertes. Elle retrouva cependant rapidement le sourire, quand il reprit la parole. La proposition qu'il lui faisait était plutôt alléchante : elle n'aurait pas à payer des cours exorbitants et, surtout, elle aurait la chance de s'amuser encore un peu plus ! Elle était sûre qu'ils deviendraient meilleurs amis en même pas deux heures, ces deux-là. Azel ne le connaissait pas plus que ça, mais elle était persuadée qu'elle aurait pu lui proposer de se mater un film en mangeant des pizzas et qu'il aurait accepté sans être surpris de sa familiarité. « Oh mais ça me tente carrément ! » Elle en rigolait d'avance, d'ailleurs. Elle s'imaginait déjà les quatre fers en l'air sur la piste enneigée, ses deux skis vingt mètres plus bas, de la neige plein la capuche et le cou. Elle qui pensait que son apprentissage serait ennuyant et embêtant, elle était ravie qu'une autre option s'offre à elle. Elle fronça néanmoins les sourcils, avant de lui poser deux petites questions. « Mais... ça la dérange pas ta copine, du coup, que tu sois mon prof perso ? Enfin, elle a aucun souci à s'faire hein, me fait pas dire ce que j'ai pas dit ! » Azel pouffa légèrement avant de reprendre, « Mais voilà, je voudrais pas qu'elle me coince au détour d'un couloir pour me péter la gueule, quoi. » Elle n'avait pas vraiment peur que ladite copine l'attaque réellement, mais elle préférait ne pas faire d'histoire. On lui avait déjà reproché ce genre de choses, et passé un temps on lui avait collé une réputation de piqueuse de mecs, alors qu'elle ne faisait que rire ou jouer aux jeux vidéos avec eux, chose que leurs petites amies semblaient avoir du mal à faire. Elle voulait donc simplement s'assurer que ça ne posait pas de problèmes, que ça ne lui retomberait pas dessus. « Et puis... t'es sûr que ça te déranges pas ? Enfin j'veux dire, tu peux dire adieu aux pistes noires quoi... y a pas moyen que je te suive là-bas ! » Elle se mit à sourire à pleines dents, entreprenant de marcher avec ses skis dans les bras, en direction des pistes. « Ah par contre, il faut que j'aille m'acheter un forfait, je l'ai pas encore fait... tu en as un, toi ? » Azel avait hâte d'avoir enfin ce petit bout de papier autocollant attaché à son manteau. Elle se réjouissait d'avance de revenir à White Oak Station avec son manteau, où son forfait serait encore accroché, histoire de montrer à tout le monde qu'elle était allée skier. Elle avait toujours trouvé que ceux qui portaient leur veste de ski où il restait encore leur forfait avaient une certaine classe. « Faudrait peut-être que je remette mes chaussures aussi, du coup... mais ça peut peut-être attendre qu'on soit au sec et à proximité d'un banc, non ? » Elle pouffa, s'imaginant mettre ses chaussures là, sans possibilité de s'asseoir, au plein milieu de la poudreuse. Déjà qu'elle avait du mal à se dépatouiller et à marcher avec ses grosses chaussures au plein milieu de la boutique, à plat, sur du sol lisse, elle n'imaginait pas ce que ce serait sur un sol en pente et absolument pas régulier. Mieux valait retarder ce moment le plus possible.