satanée voiture !

satanée voiture

she was disturbing you, disrupting you, but you couldn't go away from her.

Éloïse est partie. Comme toujours, son fiancé est venu la chercher, tout aussi amoureux que les autres fois. Comme toujours, la brune m'a fait un geste de la main amical pour me dire au revoir, auquel j'ai répondu par un semblant de grognement. Comme toujours, j'ai sorti ma bière après qu'elle ait bien refermé la porte derrière elle. J'ai la paix, enfin. Je peux calmement me concentrer sur la voiture que j'ai à réparer : un chef d'oeuvre. Une belle Mustang de 1966, rouge, une voiture de collection. Un papy nous l'a emmené ce matin pour qu'on la lui retape. Je n'y avais pas cru mes yeux parce qu'un bolide comme ça, on ne l'emmène pas chez le garagiste du coin, mais je ne me suis pas fait prier pour m'en occuper. Je me l'étais spécialement gardée pour ce soir, pour pouvoir être seul et faire ça proprement. Il faut que je nettoie tout l'intérieur et tout l'extérieur de la voiture, en prenant le plus grand soin, et que je vérifie toute la mécanique. Le propriétaire veut qu'on lui remplace tout ce qui pourrait être défectueux, du moment que ça reste dans l'esprit de la voiture : en gros, il ne veut pas se retrouver avec un truc flambant neuf qui n'a plus aucun rapport avec le modèle d'origine. Il nous a donné deux semaines ; je m'engage personnellement à le faire en sept jours. Je commence par faire une rapide observation et note sur un papier tout ce qu'il faut changer. Je compléterais et barrerais la liste au fur et à mesure de la réparation. Cela doit faire une bonne heure que je suis là, seul, sans que je ne me sois rendu compte du temps qui est passé. En général, je reste une petite demi-heure, histoire de finir ma bière tranquillement. Je me retourne vers la bouteille et m'aperçoit que je n'y ai presque pas touché. Il en reste la moitié. Alors que je porte le goulot à mes lèvres, une voix féminine se fait entendre. Au vu de la question, ce n'est certainement pas Éloïse - et de toute façon, ce n'est pas la même voix. Je repose la bière sans même en prendre une gorgée et me dirige vers la porte, les sourcils froncés. Pour une fois que j'étais à fond dans mon truc, que je n'étais même pas tenté par l'alcool - ce qui est quand même un exploit -, il faut que quelqu'un me dérange. Le grand rideau de fer par lequel nous faisons entrer les voitures est fermé, et j'aperçois donc la silhouette féminine à travers la vitre floutée du secrétariat. Je m'essuie machinalement les mains sur ma salopette de travail et entreprend de déverrouiller le rideau - le bureau d'accueil est fermé et je n'en ai pas la clé. Je soulève la ferraille à mi-hauteur et me baisse pour sortir de l'atelier. Je soulève les sourcils, à la fois intrigué et agacé. Elle n'a pas vu que c'était fermé ? « Je peux vous aider ? » Je finis par demander, las. Garrick, mon patron, m'aurait correctement engueuler s'il avait appris que j'avais refusé un client - même après l'heure de fermeture.

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Sans vouloir être sexiste, la plupart des clients que nous recevons sont des hommes. Soient parce qu'ils sont plus nombreux à conduire et donc, en proportion, plus nombreux à avoir besoin de réparer leur voiture, soient parce qu'ils sont plus casse-cous, ou soient parce que les femmes ou petites amies confient la tâche garage à leur compagnon. Quoiqu'il en soit, quand ce sont des filles qui viennent déposer leur voiture, elles sont souvent assez paniquées, ne sachant absolument pas ce qu'il se passe alors que parfois, ce n'est vraiment trois fois rien. La brune qui se tient devant moi, à quelques mètres, ne ressemble en tout cas pas à ces filles-là. Elle semble étrangement plutôt calme et sereine, bien qu'un peu embêtée. Elle peut l'être. Elle ne connaît bien entendu rien de moi, mais cette précieuse solitude, j'en avais besoin. Je soupire un peu ennuyé, et elle commence par s'excuser. J'attends qu'elle finisse de m'expliquer son problème : apparemment, une simple panne moteur. Rien de bien grave, quoi. Je suis sûre qu'elle aurait pu se débrouiller toute seule, trouver une âme charitable dans la rue pour l'aider à pousser la voiture le temps qu'elle se remette en marche. Il n'y a pas forcément besoin d'un garagiste pour ça. C'est pas comme si j'avais une Mustang à retaper. Je hoche la tête et tourne les talons. Je repasse sous le rideau de fer et regarde avec regret la belle voiture rouge. Il faut croire que ça ne sera pas pour tout de suite, la réparation. J'attrape ma bière et la finit d'une traite avant de la glisser dans mon sac - il ne faudrait pas que la stagiaire ou pire, le patron, la trouve dans la poubelle de l'atelier. Je ressors quelques minutes plus tard et baisse le rideau, le verrouillant de l'extérieur. Je glisse les clés dans une des poches de ma salopette et me tourne vers la jeune femme. « Elle est arrêtée où ? » J'attends qu'elle passe devant moi pour m'indiquer la direction. Il vaut mieux ça plutôt qu'elle me donne un nom de rue - c'est simple, je n'aurais pas su où aller. Je ne connais pratiquement aucun nom de rue, hormis celle du garage, celle du supermarché et celle du manoir. Quoique, pour le manoir ce n'est même pas une rue, c'est plutôt un chemin. Après avoir marché quelques minutes, la brune m'indique du doigt sa voiture. Garée sur le côté, c'est déjà ça. « Il s'est passé quoi exactement ? » Autant savoir l’essentiel tout de suite, qu'elle ne me fasse pas chercher pendant deux heures alors que ce n'est peut-être qu'une crevaison qu'elle aurait prise pour une panne. Elle n'a pas l'air bête mais, sait-on jamais. Je n'ai vraiment pas envie de perdre mon temps. J'ai envie d'en finir vite avec ça. Je crois que c'est un peu loupé pour la Mustang, mais je n'aimerais pas rentrer au manoir trop tard non plus.

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On arrive devant sa voiture, une vieille bécane qui doit dater des années 90. Ça roule toujours ces trucs-là, mais la majorité des personnes ne pensent pas à venir les faire réviser souvent et résultat, elles leur lâchent entre les mains au moment où ils en ont le plus besoin. Quand on dit de venir régulièrement au garage, c'est pas seulement pour que l'on gagne plus d'argent. La brune m'explique son problème le plus clairement possible et ce qu'elle dit suffit à me faire comprendre que je ne vais pas en avoir pour cinq minutes. Vu l'âge de la bagnole, ce n'est certainement pas une panne électrique et au vu de ce qu'elle me décrit il est clair que c'est un problème mécanique. L'embêtant, c'est cette histoire de fumée. Soit c'est juste sous le coup de la chaleur et les merdes qui pouvaient se trouver sous son capot ont provoqué de la fumée, voire de la vapeur d'eau, soit c'est clairement le moteur qui a grillé. Ça n'est sûrement pas compliqué à réparer, mais il me faudrait bien une demi-heure si ce n'est plus, et je n'ai vraiment pas que ça à faire. Le pire, c'est que si je m'occupais de sa voiture je ne serais même pas payé en heure supplémentaire. Aucune preuve, m'aurait lâché Garrick. Tout ça pour garder son argent ; il m'engueulerait si je ne m'occupe pas d'elle, mais il ne me féliciterait même pas de le faire. Qu'elle aille chez un autre garagiste. Je finis par penser qu'au fond, ça me reviendra au même, je serais toujours payé autant ; et tant pis pour elle si elle paie plus cher ou attends plus longtemps, ce n'est vraiment pas mon souci. Elle me demande alors si je pense que c'est grave, et je lui réponds en me passant la main dans mes cheveux, machinalement. « C'est pas extrêmement grave mais ça va prendre du temps, et le garage est censé être fermé. » Je m'approche de sa voiture et soulève le capot, qui est déjà entrouvert. Rien ne fume plus et rien ne me paraît en trop mauvais état, à première vue. Je finis par me tourner vers la jeune femme. « Il y a des garages qui sont peut-être ouverts à cette heure-ci, dans une des villes d'à côté. » En réalité je n'en ai strictement aucune idée, je ne connais déjà pas la propre ville où j'habite, alors encore moins les autres. Je cherche juste à me débarrasser de ce problème pour rentrer tranquillement et retrouver ma bouteille de whisky.

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Je m'attendais sincèrement à ce qu'elle se résigne, me remercie et se débrouille pour trouver un autre garagiste. Mais il faut croire qu'elle n'est vraiment pas bête - ce qui confirme ma première impression. Pourquoi je ne suis pas tombé sur une pimbêche idiote et naïve, juste pour une fois ? Qui se serait répandue en excuses, aurait secoué sa frange et aurait appelé son petit ami. C'est bien le seul moment où j'aurais besoin de ce genre de clientes - qui m'insupporte en temps normal - et c'est bien sûr le seul moment qu'une fille normale et avec les neurones connectés décide de se ramener avec une voiture en panne. Elle insiste pour que je l'aide et ça commence à m'ennuyer doublement ; d'une part parce que j'ai toujours autant envie de retrouver ma chambre, mon lit, ma bouteille, ma poudre ; et d'autre part parce que je me vois mal me barrer en gros lâche insensible alors que je suis visiblement son dernier recours. Je pèse le pour et le contre, et relève mon regard vers elle après avoir fermé le capot. Putain, je fais quoi moi ? Je sens d'avance le gros coup foireux qui va me prendre toute ma soirée. « Franchement, je... » Je quoi ? J'ai envie de me tirer un rail d'héro, et accessoirement m'enfiler un demi litre de whisky suivit d'une petite bouteille de vodka, histoire d'être paisiblement confortable et oublier toute ma vie de merde ? Ouais, peut-être que cette réponse ne passerait pas vraiment. La brune parle de nouveau, elle insiste, elle propose même de me payer plus. C'est même pas la question, enfin si, ça l'est un peu. Mais le délire c'est qu'on ne fait payer qu'une fois la voiture réparée, que c'est Éloïse qui encaisse tout et que dans tous les cas, je ne serais payé que le temps que j'ai passé à l'atelier, pendant mes heures habituelles. Je refuse qu'elle me file des billets comme ça, non déclarés, et arnaqués qui plus est. Non, j'ai besoin de cet argent mais je ne suis pas profiteur pour autant. Elle a l'air de vraiment tenir à cœur l'avenir de sa voiture et je culpabilise un peu plus à l'idée de la laisser là. Si jamais il lui arrivait un truc parce que j'ai fait le gros con, préférant rentrer chez moi tranquillement plutôt que de l'aider, je me sentirais vraiment trop mal. Je ne vois pas, là, ce qu'il pourrait lui arriver mais sait-on jamais. Je regarde la voiture et la brune, à tour de rôle, avant de soupirer. « Je pourrais avoir les clés, s'il-vous-plaît ? » Je finis par lâcher, en tendant la main.

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La brune me remercie et je prends le temps de l'observer, pendant qu'elle cherche ses clés. Elle n'est pas très grande, brune, mate de peau, ses cheveux sont longs, et je ne vois pas ses yeux, cachés par une mèche de cheveux alors qu'elle baisse la tête. Elle finit par trouver les clés et me les tends. Je les attrape et frôle sa main, par inadvertance. « Merci. » J'ouvre la portière conducteur et me glisse à l'intérieur de la voiture. C'est une bonne petite voiture comme je les aime. Elle doit dater des années 1990, peut-être 1996. Pas après, c'est certain. Les vieilles voitures sont plus personnelles et réagissent beaucoup mieux que les modernes. Quand il y a un problème, c'est forcément mécanique, et c'est bien plus intéressant à réparer. Les nouveaux véhicules sont plus ennuyants. Dès que ça touche à l'électronique, il faut envoyer la voiture chez le constructeur d'origine, qui la renvoie ensuite directement au client. D'une part on ne gagne pas d'argent sur la réparation, et d'autre part il n'y a aucun intérêt : j'aime réparer les voitures, bidouiller la mécanique. Appeler le constructeur et prendre rendez-vous, ce n'est pas mon métier. Je glisse la clé dans son emplacement, à la droite du volant, quand la jeune femme me propose son aide. Je me tourne vers elle et lui réponds, simplement. « Ça ira, merci. » Je reporte mon attention sur la voiture, et met le contact. Rien ne se passe. Même pas un petit vrombissement, même pas un petit « clac », rien du tout. Je serre la mâchoire, énervé. Ce n'est pas une simple panne, le genre qui se répare en dix minutes montre en main. Je teste une deuxième fois, tourne la clé vers l'avant, la laissant dans cette position une dizaine de secondes. Le silence est toujours de mise. Je me tourne de nouveau vers la brune. « Elle va pas redémarrer tout de suite. » Je lâche, ennuyé. Embêté pour moi et ma soirée qui ne s'annonce à coup sûr pas comme prévu, et un peu pour elle, pour ce que je m'apprête à dire. « Vous ne voulez pas appeler une dépanneuse ? » Grand-mère dit que la plupart du temps, mon regard est froid. Sévère. Qu'on a l'impression que je méprise les gens. Peut-être que c'est ce regard là que je lance à la brune devant moi. En fait, c'est même sûr. Grand-mère m'a aussi dit que les seules fois où j'avais l'air apaisé, presque avenant, c'est quand j'avais bu, ou que je m'étais drogué. Ou, aussi, quand je dormais.

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Je regarde brièvement ma vieille montre, nouée à mon poignet droit. Je ne sais même plus où je l'ai dégotée ; aussi bien, je l'ai trouvé par terre et bidouillée pour qu'elle marche de nouveau. Il est vingt heures et quelques minutes. Je devrais déjà être chez moi, à l'heure qu'il est. Je m'extirpe de la voiture alors que la jeune femme me répond. J'ai un brin d'espoir, l'espoir d'avoir tout de même un bout de soirée pour moi, jusqu'à ce qu'elle mentionne le téléphone du garage. Son portable n'a plus de batterie et elle ne risque donc pas d'appeler une dépanneuse avec. Je tâte les poches de ma salopette, mais mon portable ne s'y trouve pas. Merde. Je l'ai oublié au manoir. En fait, même si je l'avais nous en serions toujours au même point : il n'est pas assez moderne pour que je puisse aller sur internet et chercher le numéro d'une quelconque dépanneuse. Et, l'ordinateur qui a l'accès à internet ainsi que le téléphone du garage sont dans le bureau, bureau dont je n'ai pas la clé. C'est la meilleure, vraiment. Il faut absolument que je trouve une solution de secours, si je ne veux pas rester coincé ici jusqu'à je ne sais quelle heure. Tout en réfléchissant, le plus vite possible, je croise le regard de la brune devant moi. Je ne sais pas vraiment ce que je peux y lire, je crois que c'est de la déception, mêlée à de la perplexité et peut-être de la peur. Peur pour sa voiture ? « Je vais voir ce que je peux faire. » Je finis par lâcher, sans vraiment répondre à sa question. Je ne sais pas ce qui m'a fait changer d'avis, si c'est son regard ou ma conscience professionnelle. Toujours est-il que je peux dire adieu à ma soirée paisible. Je ne lui en fais pas part, bien sûr, et grimpe dans la voiture de nouveau. J'essaie de mettre le contact une nouvelle fois, mais le silence est toujours l'unique réponse. Je ressors et jette un coup d’œil à la jeune femme. « Je vais aller chercher ma voiture, pour essayer de relancer la batterie. » Je ne sais pas si elle comprend l'utilité de ramener ma voiture pour faire démarrer la sienne, mais peu importe à vrai dire. Je regarde un peu plus longuement la brune. « Vous voulez attendre ici, ou m'accompagner ? » Je lui rends les clés, en attendant sa réponse. Je pense alors qu'elle va peut-être croire que c'est une astuce pour que je parte en douce, ce qui n'est absolument pas le cas. Je me sens obligé d'ajouter « Je vais revenir. J'en ai pas pour longtemps. »

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La brune préfère attendre ici alors je n'insiste pas. Je me contente de hocher la tête. Je ne lui réponds pas Avec plaisir quand elle me remercie de l'aider, parce que ce ne serait pas tout à fait vrai. « De rien. » je lâche finalement, en partant. J'atteins le garage en quelques minutes et me dirige vers ma voiture. J'aurais pu être très professionnel et prendre ma mallette, ainsi qu'une batterie supplémentaire - comme on fait à chaque fois qu'un client rencontre ce genre de problème. Mais là, je ne veux vraiment pas m'embêter à déverrouiller de nouveau le rideau de fer et transporter tous mes outils à pieds. Ce serait beaucoup plus simple de prendre ma voiture et de brancher ma batterie en parallèle de la sienne. Bien sûr, en bon garagiste que je suis, j'ai toujours des câbles dans ma voiture. Je mets le contact, fais un petit demi-tour dans la cour du garage et retrouve l'endroit où la jeune femme m'attend. Je gare la voiture de façon à ce que les deux capots soient proches et éteint le moteur. Je tire la manette qui ouvre mon capot et m'extirpe de la voiture. « Voilà, je suis de retour. » Je dis platement. Comme si elle n'avait pas remarqué. Je tends de nouveau la main pour avoir ses clés. « Il faut que j'ouvre le capot. » Je précise. Je les attrape et m'engouffre dans sa bécane à nouveau. Je trouve instantanément la manette et la tire. Clap. Je ressors et ouvre en grand son capot, avant de répéter le geste avec le mien. « Je vais avoir besoin d'aide. » Je lance en direction de la brune. En fait, c'est faux, mais d'une part je me sens mal de la laisser les bras ballants sans savoir ce que je fais et d'autre part, ça ne lui fera pas de mal d'apprendre un peu la mécanique. Comme ça, la prochaine fois, elle pourra se débrouiller toute seule.