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| #0666, too drunk to be nice. (nahuel) | |
| Auteur | Message |
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| (#) Sujet: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Dim 20 Avr - 16:58 | |
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Putain. Je me sens pas bien, pas bien du tout. J'ai dépassé les limites, pas qu'un peu et pas tendrement. Je me passe les deux mains sur le visage ce qui a le don de me faire perdre l'équilibre. Je me cogne contre une poubelle avant de m'immobiliser comme je peux. J'ouvre les yeux et bats des paupières à plusieurs reprises. Merde, je suis où ? Je me rappelle même pas avoir tourné dans cette rue. Y a personne, pas un chat. Tant mieux. J'avance de quelques pas jusqu'à atteindre le mur, je pose mes mains et ma tête contre le béton et reste debout, comme ça, pendant quelques temps. Le temps de reprendre mes esprits. Tu pourrais rester comme ça des mois, alors. C'est quoi mon problème, sérieusement ? Je finis par lâcher le mur pour m'appuyer les doigts sur les paupières pour me réveiller le plus possible. J'ai beau me foutre des claques, ça ne fait rien. « Ouh, il va pas bien celui-là. » La voix derrière moi rigole avec la personne d'à côté et les deux repartent sans que je n'ai bougé. J'ai finis par m'habituer aux cons de White Oak Station. Il y en a des comme ça dans n'importe quelle ville.
Je me revois ouvrir la bière, j'entends encore le clap de la capsule. J'ai pris une gorgée et j'ai posé la bouteille sur l'établis. Je me suis essuyé les mains machinalement sur un chiffon qui traînait et je me suis emparée de la clé à molette et de quelques autres outils et j'ai filé sous la bagnole pour aller bidouiller le moteur. Quand je suis remonté, j'ai cherché instinctivement des yeux la bouteille de bière et bien entendu, elle avait disparu. « Putain. » J'ai murmuré entre mes dents. À partir de là, je ne me souviens plus exactement comment ça s'est déroulé. Je ne sais plus si Garrick est arrivé par derrière ou devant. Je me rappelle qu'il a demandé, assez énervé « Terry, tu t'fous d'ma gueule ou quoi ? » Après ça je me suis retourné, ou avancé, ou j'ai pas bougé je sais plus, et j'ai ouvert la bouche comme un con. Je savais que ça allait pas bien se passer. « Euh, non ? » J'avais lâché ça platement, et c'est peut-être ça qui l'a mis encore plus en colère. J'imagine. « J'ai été assez clair, je crois, quand j't'ai embauché. Pas d'alcool au boulot. Putain. » C'est vrai qu'il m'avait dit ça. J'avais jamais trop compris pourquoi d'ailleurs, si c'était parce qu'il avait vu à ma dégaine que j'étais pas un modèle de sobriété ou s'il avait déjà eu des employés alcooliques. À ce moment je crois que j'ai posé tous mes outils sur l'établis, ou alors je les ai directement rangés, je sais plus, je m'en fous. « Aller Garrick, c'est qu'une bière c'est bon. » J'ai soufflé, je me suis essuyé les mains sur ma salopette de travail et j'ai tendu la main pour qu'il me rende ma bouteille. « Tu t'bourres la gueule comme tu veux à l'extérieur mais pas ici. J'ai une putain d'réputation à tenir Terrence. » Aouch. « C'est qu'une bière, fais pas chier. » J'étais même pas énervé, je voulais juste qu'il me rende ma bière. « Il avait dit ça l'ancien aussi. C'est qu'une bière. Le lendemain il buvait de la vodka. » J'ai haussé les sourcils, ou les épaules peut-être, j'ai jeté le chiffon sur l'établis et je suis parti en direction du vestiaire. « La vodka, je l'entame une fois le pied hors du garage. » Certainement que je n'aurais pas dû dire ça. J'ai enlevé ma salopette, j'ai récupéré mes affaires et quand je suis ressorti, il m'a lâché que j'étais viré, avec un de ses regards noirs qu'il ne m'avait encore jamais donné. « Tu t'barres Terry. Prends pas la peine de revenir demain. »
De fil en aiguille, j'ai atterri là. Contre ce mur, dans cette rue même pas sombre. Il fait encore jour. On se rapproche de l'été alors les jours s'allongent. Après avoir quitté le garage je me suis calé dans le premier bar trouvé, j'ai enchaîné trois cocktails et je me suis cassé après les avoir payé. J'étais encore frais à ce moment-là. Je suis entré dans une supérette, j'ai acheté une bouteille de tequila pour faire bien, et deux de whisky. Bonne soirée qu'elle m'a dit la caissière. C'est ça, ouais. J'ai marché un peu en ville, en me disant que j'avais sacrément foiré. Mon travail c'était vraiment la chose à pas perdre. C'est ce qui me tenait un tant soit peu à flot. Au moins, pendant huit heures de la journée je touchais pas à l'alcool, sans que ça soit pour autant insupportable. C'était dur, mais pas trop. Ça me faisait de l'argent, aussi, de l'argent propre. Avant, pour acheter l'alcool et tout le reste je me débrouillais autrement, et c'était pas vraiment ce qu'il y a de moins dangereux. J'étais tellement dégoûté. Alors j'ai fini par me caler contre l'arrière d'un abribus et je me suis enfilé les trois bouteilles que j'avais acheté. Noyer le mal par le mal. C'est comme ça que j'ai toujours fait.
Mais j'y suis allé trop fort. Trop vite. Trois bouteilles en une demi-heure, j'ai pas fait ça souvent. Jamais depuis que je suis arrivée à White Oak Station. Putain, j'avais eu l'espoir de croire que cette foutue ville pourrait être ma rédemption. Un jour. À croire que l'univers m'aime bien comme je suis, là. Une épave. Je ricane et grimace à cause de la douleur au crâne que ça me provoque. Bordel.
Après vingt minutes contre ce mur tout ce qu'il y a de plus brut et moche, je me redresse, j'avale ma salive et je sors de cette rue. Il faut que je rentre à la maison. Enfin, au manoir. Je ricane à nouveau. Je repasse devant l'arrêt de bus et aperçois le cadavre des bouteilles que je me suis enfilé. Je me baisses et c'est comme si on me plantait un marteau dans le cerveau. J'écarquilles les yeux, m'appuies contre l'abri et reste comme ça quelques minutes supplémentaires. Je finis par attraper les bouteilles, je me relève et les jette dans la première poubelle que je trouve. Je suis conscient que je ne marche pas tout à fait droit, mais j'en n'ai pas grand chose à faire. Que j'ai la réputation d'alcoolique à Inverness, Tucson ou White Oak Station, c'est du pareil au même.
Je continue de marcher, tout droit, jusqu'à sortir de la ville. Je sais que j'ai laissé la voiture au garage mais je ne peux pas la prendre dans mon état. Je ne suis pas inconscient à ce point-là. Me tuer, oui, mais pas tuer les autres. J'irais la chercher demain. Il me faut pas longtemps non plus pour revenir jusqu'au manoir. Une demi-heure à pieds, c'est pas grand chose. Alors je continue de marcher, les pas lourds, la tête encore plus lourde. Je m'arrête parfois, sur le bord de la route, pour rendre tout ce que mon estomac ne supporte plus. À chaque fois j'ai l'espoir que ça me soulagera mais ça ne le fait pas. J'ai toujours ce foutu mal de crâne et il commence à faire nuit. Je sors mon portable et éclaire la route devant moi. Manquerait plus que je me fasse renverser par une voiture. J'ai des frissons en pensant à ça mais je continues de marcher. Tout droit. Sans penser à grand chose. Je me contente de suivre la route. De marcher. Tout droit.
J'ouvre la porte, le plus doucement possible, mais cette conne se met à grincer quand même. C'est la meilleure. Faudrait peut-être qu'on pense à la huiler, ou à la changer carrément. Je tâtonne contre le mur pour trouver l'interrupteur mais quelqu'un s'occupe d'allumer la lumière à ma place. Je relève les yeux et Nahuel est là, dans le couloir, à me fixer. Merde. C'était le jour où on devait manger tous les trois, je crois. Qu'est-ce que ça peut lui faire de toute façon ? C'est pas comme si ça le réjouissait vraiment. Je m'avance mais il ne me quitte pas des yeux. C'est quoi son problème ? « C'est pas l'moment Nahuel. » La lumière renforce mon mal de crâne et j'aimerais juste l'éteindre, mais je me contente d'avancer. Tout droit. J'ai marché pendant dix kilomètres dans cet état, je dois bien pouvoir monter les escaliers. Jusqu'à ma chambre, jusqu'à mon lit. Pour ne plus jamais en sortir.
Dernière édition par Terry Fergusson le Dim 20 Juil - 15:13, édité 1 fois |
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Dim 27 Avr - 22:56 | |
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Bordel. Il n'y a décidément rien dans cette bibliothèque. Rien d'autre que des livres parlant de choses totalement inintéressantes. Rien sur l'histoire de cette ville à part quelques ouvrages impersonnels. Mais ce n'est pas ça que je recherche. Non, moi je cherche des documents authentiques, des témoignages, des vieux journaux qui sait ? Reste à croire que la seule solution est d'aller voir les archives. Mais je suis même pas sûr d'avoir le droit. Je soupire longuement et me passe une main agacée dans les cheveux. Je n'apprendrais rien de plus ici. Mon regard las se pose sur la pile de bouquins posée en face de moi sur la table. Il ne me reste plus qu'à tout ranger. Quoi que... Je remarque une table, au loin, sur laquelle sont disposés plusieurs ordinateurs. Bingo. Je me lève aussitôt, sans perdre mon temps à ranger le désordre que je viens de créer, je m'en occuperais plus tard. Je m'installe rapidement en face du seul ordinateur libre et l'allume aussi vite. Mes doigts pianotent sur le clavier et bien vite apparaissent à l'écran une série de sites sur la ville de White Oak Station. Je tombe sur des photos de la ville, de ses habitants, des souvenirs, des articles même, mais rien sur le sujet qui m'intéresse. Même l'Histoire de White Oak ne m'est d'aucun secours. Je râle en fermant l'ordinateur d'un coup sec. Je remarque à peine le regard noir que me lance la bibliothécaire. J'en ai mare. Comment suis-je censé découvrir ce que cache ce foutu manoir si aucune piste n'est laissée derrière lui ? Aucun indice, aucune date de création, aucun entrepreneur. C'est à croire qu'il est apparu tout seul sur cette colline. Et je refuse de croire qu'il n'y a rien. Je sais que quelque chose se cache derrière le manoir, il est malsain, et il renferme quelque chose. Mais quoi ? Une chose est sûre : grand-mère n'aurait jamais choisi cet endroit par hasard. Il y a toujours une raison à tout ce qu'elle fait.
Je me lève et vais chercher mon sac sur la chaise de tout à l'heure. J'entame alors de ranger tous les livres, ce qui me prend cinq bonnes minutes, le temps de retrouver leur emplacement exact. Je déteste les bibliothèques. Et aujourd'hui m'a prouvé une nouvelle fois qu'elles ne servent à rien. Je sors ensuite sans un mot pour Mrs. Burton qui m'est totalement antipathique. A croire que la bibliothécaire de l'université ne sait pas sourire. Je me dirige enfin vers la cours intérieure et retrouve mon vélo. J'enlève l'antivol et grimpe dessus. Je ne mets jamais de casque, je sais pas, c'est moche. Et puis de toute façon je suis de mauvaise humeur. A cause du manoir, à cause de l'absence de Demyan, à cause de cette journée de merde, tout simplement. Je donne un coup violent sur les pédales et m'élance hors du campus. Je rejoins rapidement les rues principales de la ville et j'évite les bouchons habituels. C'est pas plus mal de ne pas avoir de voiture finalement. Même si je suis en train de bosser mon permis... Bref, j'arrive aux petits chemins de campagne et sept minutes plus tard je suis devant chez nous. Cette bâtisse me fout vraiment les jetons. Je gare mon vélo devant le porche, l'accroche à la barrière puis je grimpe les petits escaliers du perrons deux-à-deux. J'ouvre ensuite la porte et entre dans la salle de séjour, plongée dans la pénombre. Grand-mère, c'est moi !
Le silence est le premier à me répondre. J'appuis sur l'interrupteur et scrute tout autour de moi. Grand-mère ? Des bruits de pas se font alors entendre. Je me crispe et reste devant la porte d'entrée. A un mètre vers ma droite se trouve la barre de fer forgé nous permettant de retourner les braises de la cheminée. Je pourrais m'en servir. Les pas se rapprochent. Une ombre sort de la cuisine, rapidement suivie par... grand-mère. Je soupire de soulagement. Je sais, c'est ridicule. Mais je ne suis jamais tranquille au manoir. J'ai toujours l'impression que quelque chose de mal va se produire. Je t'ai fais peur ?, me demande-t-elle avec un sourire amusé. Je me passe une main gênée dans les cheveux. Et comment. Elle sourit de plus belle. Tu as passé une bonne journée, sinon ? Oui. Et toi ? Je n'ai pas d'autre choix que de lui mentir. Je ne veux pas qu'elle sache pour mes recherches sur le manoir. Aucune expression ne traverse son visage mais je sais qu'elle ne me croit pas. Elle me connaît trop bien pour ça. Mais elle fait comme si de rien était et se dirige vers la cuisine. Oh, tu sais, la routine au magasin. J’acquiesce, même si elle me tourne le dos et par conséquent ne peut pas me voir. Tu as besoin d'aide pour la cuisine ? Elle commence à sortir les ustensiles et les dépose sur le plan de travail. Je la regarde faire. Pas pour la cuisine, mais je veux bien que tu mettes la table. Je m'attelle aussitôt à ma tâche en silence et dispose trois couverts autour de la table du salon. J'entends grand-mère s'affairer à côté de moi. Au bout de quelques minutes un doux fumet s'élève de la cuisine. Je sens mon ventre se réveiller en moi. On mange quoi ? Un tajine d'agneau. Je n'en ai encore jamais mangé et j'ai hâte de découvrir ce plat. D'autant plus que grand-mère cuisine divinement bien. Il rentre à quel heure ton frère ? Je fronce les sourcils. Je sens dans sa voix qu'elle est soucieuse. J'en sais rien. Malheureusement, voilà bien longtemps que nous avons arrêté de partager des choses lui et moi. Depuis ma plus tendre enfance en fait. Depuis cette après-midi, quand grand-père lui avait donné un livre. Je m'en souviens comme si c'était hier. J'espère qu'il ne sera pas en retard pour le dîner, on est vendredi. Et oui, le vendredi, obligation de manger en famille. Grand-mère juge bon d'instaurer des traditions entre nous, elle dit que ça nous fera du bien. Personnellement, je vois pas trop où ça nous mène. Terrence arrive souvent en retard, tout le temps bourré. Quand grand-mère lui pose une question, c'est à peine s'il lui répond. Moi j'me la ferme parce que je sais que ça sert à rien. Mon frère est une épave. Et de toutes les façons on n'a rien à se dire. Alors au final le dîner se passe en silence. Mais grand-mère reste confiante et elle s'énerve vraiment quand l'un de nous n'y met pas du sien. Une vingtaine de minutes passent en silence tandis que je lave la vaisselle et que grand-mère lit un livre sur le canapé. Le minuteur retentit, c'est l'heure de dîner. Je regarde instinctivement la porte en espérant la voir s'ouvrir sur un Terrence clean pour une fois. Mais non, elle reste fermée. Définitivement fermée. Je soupire. Grand-mère va dans la cuisine et enlève le plat de la plaque chauffante. J'imagine qu'il ne viendra pas cette fois. Elle semble s'être fait à cette idée et affiche un visage résigné. Je suis déçu. Non pas que je m'attendais à un miracle mais j'espérais que, pour une fois, Terrence ait fait un effort. Pour elle. Il est peut-être simplement en retard ? Je tâche d'être optimiste, même si au fond, j'ai de gros doutes. Grand-mère ne répond pas et se contente de déposer le plat au centre de la table, avant de s'asseoir. Je commence par nous servir de l'eau puis je m'installe à mon tour, juste en face d'elle. Puis nous commençons à manger, en silence. C'est très bon. Elle me fait un sourire triste. Je sais qu'elle aimerait qu'on partage ce repas à trois. J'ai juste envie de foutre mon poing dans la gueule de mon frère. Quel con.
Nous terminons le repas sans autre bruit que celui des couverts sur nos assiettes, puis nous rangeons le tout dans la cuisine. Je vais me coucher, je suis fatiguée. Je la sers dans mes bras. Bonne nuit grand-mère. Bonne nuit mon grand. Je la regarde monter les escaliers avant de retourner dans la cuisine finir la vaisselle. Un quart d'heure plus tard je vais regarder un épisode d'une série quelconque dont je me moque éperdument d'ailleurs. Si je reste dans le salon, c'est pour attendre Terrence. Il va rentrer dans la nuit, je le sais. Il oserait jamais découcher... Du moins pour l'instant. Et justement, j'ai envie de lui faire comprendre qu'il déconne sérieusement, et qu'il peut pas continuer ainsi. C'est pas sain, ni pour lui ni pour nous. A la fin du premier épisode je décide d'éteindre la TV, j'en ai mare. La pièce est plongée dans le noir mais je parviens à m'asseoir sur une chaise. Je m'accoude sur la table et j'attends. D'habitude, je ne serais pas tranquille de rester ainsi dans la pénombre, dans ce foutu manoir. Mais je suis trop énervé pour m'en soucier pour le moment. Au bout d'une dizaine de minutes supplémentaires j'entends la porte s'ouvrir dans un grincement. Dans l'embrasure : Terrence, à l'ouest comme d'habitude. Il cherche désespérément l'interrupteur mais n'a pas l'air assez lucide pour le trouver. Alors dans ma grande bonté d'âme je décide de l'aider. Que la lumière fut. Les mains dans les poches, je le dévisage. J'arrive pas à savoir qu'elles émotions me dominent actuellement. La colère ? La tristesse ? Le dégoût ? Un petit mélange peut être. Il s'avance dans la pièce en me regardant à son tour. C'est pas l'moment Nahuel. Quel culot. Et c'est quand l'moment alors ? Je lui barre le chemin en me postant devant l'escalier. Hors de question qu'il s'en tire si facilement. Il empeste l'alcool à des kilomètres donc je suis pas sûr qu'il puisse tenir une conversation mais je m'en moque. Il est grand temps de lui dire ma façon de penser. Quand tu es sobre ? Ah oui ! Ça n'arrive jamais. Mon regard n'est que reproche, mais je poursuis. Qu'est-ce qui t'passes par la tête Terrence, hein ? J'te rappelle qu'on est là pour s'refaire, c'est notre dernière chance mais tu sembles pas l'comprendre. J'peux savoir c'que tes bouteilles de vodka ou autre, j'm'en fous, peuvent t'apporter de plus dans ta vie ? Tu dépenses tout l'fric que tu gagnes en alcool et justement t'as bu combien aujourd'hui ? Apparemment assez pour nous oublier, grand-mère et moi. Alors moi, à la limite, mais grand-mère... C'est vraiment la seule personne qui a cru en nous et c'est elle qui nous a sauvé la vie, tu vois ? Pas Jack Daniel. Tu négliges tout Terrence, tu fous ta vie en l'air et tu penses pas aux autres. T'es qu'un putain d'égoïste en fait. Je suis pas sûr qu'il ait tout suivi dans ce que je viens de dire. Mais je m'en fiche, ça fait du bien. Mes propos ne sont peut être pas cohérents, mais je me sens libéré du poids "Terrence" qui pesait sur mes épaules... Du moins partiellement. Arrête de faire ta victime.
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Jeu 1 Mai - 16:45 | |
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Dîtes-moi que je rêve. En plus de ce satané mal de tête, la nausée me reprend soudainement. Nahuel ne veut pas me lâcher et je me fais violence pour garder mon esprit le plus clair possible, mais surtout pour ne pas rendre l'intérieur de mon estomac aux pieds de mon frère. « Et c'est quand l'moment alors ? » Je ne sais pas mais certainement pas maintenant, bordel. Ça ne se voit pas, que je ne suis pas en état ? Nahuel bouge et se place devant l'escalier, malin comme il est, de sorte que je ne puisse plus passer. Je le pousse avec mon bras mais il faut croire qu'il est plus fort qu'il en à l'air, ou bien c'est moi qui suis un peu faible, ce soir. C'est bien possible, trois litres d'alcool n'ont vraisemblablement pas aidé. Je secoue la tête, désabusé. Je le regarde vaguement, de haut, en attendant qu'il daigne me laisser passer. Cela fait des années que l'on ne s'adresse plus la parole, hormis pour des passes moi le sel ou dégages de ma piaule, je ne vois pas pourquoi ça changerait aujourd'hui. Nahuel va finir par souffler et retourner d'où il vient. Comme toujours. Je fronce les sourcils quand il se remet à parler. Pourquoi rien ne se passe jamais comme prévu ? Si Garrick n'avait pas rappliqué au boulot passé dix-huit heures trente - ce qu'il ne fait jamais en temps normal - il n'aurait jamais vu cette bière et j'aurais toujours mon job à l'heure actuelle. Si j'avais toujours mon travail, je ne me serais jamais enfilée trois bouteilles à la suite, ou en tout cas pas dans un aussi court laps de temps... et peut-être que je n'aurais pas oublié ce foutu repas, peut-être que Nahuel ne se serait pas planté là, entre moi et l'escalier, et peut-être que la vie aurait repris son cours normal. « Ta gueule, Nahuel. » Je ne vois pas quoi lui répondre d'autre et pour tout dire, je n'ai pas la force de prononcer plus de mots que ça. Je ne peux pas lui en vouloir, parce qu'il n'a pas tord, au fond. Je ne suis jamais sobre. Du moins, il ne me voit jamais sobre. Il aurait dû venir de temps en temps, au garage. Il aurait bien vu que ça m'arrive de ne pas boire. À présent, c'est un peu râpé de toute façon. Je doute retourner là-bas de sitôt. Qu'est-ce que je vais dire à grand-mère ? Peut-être que je ne vais rien dire du tout et que je vais me débrouiller pour trouver un autre travail - autrement dit, ça ne va pas être de la tarte. Il n'y a pas cinquante garages à White Oak, et je ne sais rien faire d'autres que bidouiller des voitures, motos et autres moteurs. Je vois bien qu'il est énervé Nahuel, mais voyant qu'il n'est toujours pas décidé à me laisser passer, je lui lâche un slogan de mauvais goût, un sourire sans joie aux lèvres. « Comme on dis, il ne faut jamais dire jamais. Alors bouges-toi, que j'ailles décuver. » Je regrette aussitôt ce que je viens de dire. Je ne sais pas si c'est la goutte qui a fait déborder le vase, mais Nahuel devient soudainement très bavard. Je prends une grande inspiration pour refouler cette envie de vomir toujours de plus en plus présente. J'ai l'impression de redécouvrir la voix de mon propre frère. Plus il parle et plus mon cerveau s'embrouille, je commence sérieusement à avoir la tête qui tourne, avec des tâches blanches un peu partout dans mon champ de vision. Putain, ça faisait longtemps que je n'avais pas été dans cet état. Le problème, c'est qu'en général ça ne finit jamais bien, et il est fort probable que mes jambes ne puissent bientôt plus me soutenir. Je tente vainement de comprendre ce que Nahuel dit mais je ne retiens pas grand chose. Les premières phrases, ça va, c'est plutôt après que ça se corse. J'enregistres vodka, apporter dans la vie, grand-mère, et plus rien jusqu'à putain d'égoïste. J'écarquilles les yeux, un peu sonné. Je serre la mâchoire aussi, parce que j'ai toujours envie de gerber. Je pose ma main tant bien que mal contre le mur, pour me stabiliser. J'ai vraiment l'impression que la pièce valse autour de moi. Je vous jure, c'est pas un mensonge cette histoire de voire double quand on est bourré. Je repenses à ce qu'à dit Nahuel. Sa dernière phrase, surtout. Ouais, celle-là je l'ai bien entendue ; elle a fait son petit effet. Égoïste, moi ? Je ne m'étais jamais vu comme ça. Il a certainement raison, après tout, je crois que je ne peux pas le contredire là-dessus. La seule chose, c'est que ce n'est sûrement pas volontaire. J'ai rien demandé à personne putain, tout ce que je voulais c'est qu'on me laisse tranquille avec mon alcool et ma poudre. C'était trop demander ? Le pire dans tout ça, c'est que je n'ai volé d'argent à personne - du moins, ni à grand-mère ni à Nahuel. Je me suis toujours débrouillé tout seul, alors si c'est ça être égoïste bah ouais, je le suis. « T'as aucune idée de ce que je traverses. » Je finis par lâcher. Oui je passe mon temps à boire, oui je loupe ces repas de merde, oui je suis toujours au fond du trou sans vouloir attraper la main que grand-mère me tends, mais est-ce qu'il a la moindre idée de ce que je peux vivre ? Merde, il a perdu son grand-père et ses parents, lui aussi, il doit savoir ce que ça fait. Un peu. En partie. Lui, il a pas cette quête sur les épaules, cet engagement, cette obligation. J'ai accepté, je ne peux pas m'en défaire. J'ai tout le paquet familial à porter et personne pour m'aider. J'étais sacrément content, à dix ans, quand mon grand-père s'est ramené avec son gros bouquin en me parlant sérieusement de la quête qu'il me confiait. Sérieux, c'était une sacrée aventure dans laquelle je me lançais ! Je savais que c'était important, mais j'étais quand même tout guilleret. C'est quand il est mort que j'ai compris l'ampleur de ce dans quoi je m'étais engagé. Nahuel, lui, il a pas tout ça. S'il a fait son deuil, tant mieux, mais moi je peux pas.
« Arrête de faire ta victime. » Je recule la tête, surpris. J'ai bien entendu ? Depuis quand donc je fais ma victime ? J'aimerais bien la faire, tiens. Pleurer dans les jupes de grand-mère en lui disant que toute cette vie est bien trop difficile pour moi, que je me sens seul à mourir et que seul l'alcool arrive à m'apaiser, mon meilleur ennemi. Je secoue la tête, dégoûté. Ça m'attire une nouvelle grimace parce que j'ai toujours mal au crâne. Étrangement, un peu moins que tout à l'heure. J'avale ma salive, difficilement. Sans rien dire, je me décale vers la gauche et rejoins la salle de bain rapidement. La tête au-dessus de la cuvette des WC, je renvoie tout l'intérieur de mon estomac. Ça me fait mal à la gorge, tout cet alcool qui passe en sens inverse. J'aurais mieux fait de manger une banane, comme ces adolescents pré-pubères qui s'adonnent pour la première fois aux joies de se bourrer la gueule. Sur la fin, ce n'est plus que de la bile qui sort et je suis presque soulagé. Mon estomac est vide pour de bon. Je me relève et tire la chasse d'eau, avant de me rincer la bouche au lavabo. Je me passe de l'eau sur le visage et papillonnes des yeux plusieurs fois pour retrouver un tant soit peu mes esprits. La pièce autour de moi se stabilise et mon corps se refroidit. Nahuel est d'humeur loquace ce soir, autant faire de même. Qu'il enregistre bien que je fais pas ma putain de victime. Je sors de la salle de bain après m'être essuyé le visage, pour voir que Nahuel n'a pas bougé. Je ne sais pas vraiment ce qu'il pense, je ne sais pas ce que je peux lire dans son regard, mais rien de bon en tout cas, rien de compatissant. Encore une fois, je crois que je ne peux pas lui en vouloir. « Rentres-toi bien dans la tête » je pointe du doigt le haut de son crâne, en parlant peut-être un peu trop fort, « que je ne fais pas la victime. » Je marque une pause, en fronçant les sourcils. « J'aurais pourtant toutes les raisons de le faire. » Je me sens plus à l'aise dans mon corps et dans mes paroles que quelques minutes plus tôt, et je me rappelle alors l'une des rares choses que j'avais comprise dans son monologue. « Tu veux savoir ce que l'alcool m'apportes dans la vie ? » Je demande, amer. « La paix. Voilà ce que ça m'apporte, la paix. » Alors oui, cette ville-là, c'est notre ultime chance. Le dernier espoir de remonter la pente, d'aller bien, d'être heureux peut-être. Mais comment pouvoir remonter quand je ne sais même pas avancer à plat ? Grand-mère est là, ouais. Grand-mère nous a emmené jusque ici, grand-mère veille sur nous, grand-mère nous aime. Mais malgré tout ça, je ne pourrais jamais parler à grand-mère de ce livre que je trimbale partout où je vais. Si je dois remonter, c'est sûrement seul que je le ferais.
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Lun 9 Juin - 14:48 | |
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Cette situation ne peut décemment plus durer. Je ne supporte plus de voir Terrence rentrer tard le soir, complètement déchiré par l'alcool qu'il s'est ingurgité. Le voir traîner des pieds, nous traiter comme de la merde grand-mère et moi. Certes, avec elle, il est plus respectueux. Parce que c'est grand-mère quoi. Sans elle on serait certainement morts lui et moi. Mais j'en peux plus de me faire constamment rembarrer parce que monsieur est trop occupé à déboucher sa dernière bouteille de vodka. J'en ai assez de le voir souffrir aussi. Parce que je suis pas idiot. Je sais qu'il va mal. Depuis des années. Et je sais vraiment pas quoi faire pour le sortir de là. Pour lui redonner goût à la vie. Le faire rire qui sait ? J'ai l'impression qu'il y a des siècles que mon frère n'a pas esquissé ne serait-ce qu'un sourire. Mais un vrai sourire j'entends. Pas un de ces rictus méprisants qu'il sait si bien faire. Ta gueule, Nahuel. C'est tout ce qu'il est capable de me répondre et, apparemment, il pense que ça résout tout. Comme s'il allait si bien s'en tirer. Parce que peut être qu'aujourd'hui n'est pas le meilleur jour pour cette conversation, mais au moins il est trop faible pour répliquer quoi que ce soit. Et il est hors de question que je me défile cette fois. Il doit m'entendre. Il doit entendre ce que j'ai à dire et je dois cesser de lui trouver des excuses. Je ne veux pas qu'il rechute, qu'il aille trop loin comme nous l'avons déjà fais. Là-bas, en Ecosse. Sans grand-mère. Alors je ne bronche pas. Je ne dis rien, je me contente de garder le silence. Et je ne bouge pas. Je reste planté là, devant l'escalier. L'empêchant d'aller se réfugier dans sa chambre, à l'étage. Je force la confrontation et le défie du regard. Comme on dis, il ne faut jamais dire jamais. Alors bouges-toi, que j'ailles décuver. C'est à mon tour d'avoir un rictus mauvais. Comment ose-t-il ? Il se croit drôle peut être. Sauf que moi ça ne me fait pas rire. Ça ne fait rire personne en fait. T'es pitoyable, si tu savais mon vieux. Je marque une petite pause, cherchant les bons mots. Sauf que cette fois, il est hors de question que tu t'en sortes comme ça, en me sortant une phrase à deux balles et une pauvre insulte. Prends tes responsabilités bon sang ! Il a pas l'air bien l'aîné Fergusson. J'ai l'impression qu'il va tomber dans les pommes, là, devant moi. J'appréhende un peu la suite. Peut être qu'il va me mettre son poing dans la gueule. Ce ne serait pas étonnant le connaissant. Mais il a l'air un peu faiblard, un peu troublé aussi. Peut être qu'il a entendu ce que j'avais à lui dire en fin de compte. Je le vois s'appuyer contre le mur, reste silencieux. Putain mais réagis merde. Je veux qu'il dise quelque chose, quelque chose qui montre que, peut être, il a finit par comprendre. Que je suis naïf... Mon frère ne comprendra sans doute jamais. T'as aucune idée de ce que je traverses. J'affiche un sourire narquois. Je hausse les sourcils aussi. Je le provoque dans ma façon d'agir. Ça me fait du bien. Parce que sérieux, j'en peux plus de le voir s’apitoyer sur son sort comme ça. Il comprend pas. Il comprend pas que tout ce qui lui est arrivé, je l'ai traversé moi aussi. J'ai perdu mon grand-père, mes deux parents. MES PARENTS BORDEL. Y a pas un jour qui passe durant lequel je ne pense pas à eux. Aux moments qu'on a pu partager, oubliés, derrière nous comme s'ils n'avaient jamais été. A leurs sourires, leurs étreintes. Jamais plus je ne pourrais être réconforté par les bras chaleureux de notre mère, jamais plus je ne pourrais être rassuré par le regard fier de notre père. Avec eux toute une partie de mon âme a disparu. Déchirée. Envolée. Jamais je ne retrouverais tout ça. Tout ce bonheur. Mais j'y travaille, sans cesse. Je fais des efforts dans l'espoir de pouvoir être heureux, un jour. Alors qu'il ne vienne pas me cracher à la figure que je ne comprends pas, que moi je ne souffre pas, juste sous prétexte qu'il n'est qu'un gros lâche. Quand j'étais gamin, j'avais tendance à l'idolâtrer, comme mon père. A l'envier aussi, ce grand garçon à qui l'on confie toutes les tâches. Je rêvais d'être comme lui, aussi grand, aussi beau, aussi fort. Mais maintenant, quand je le regarde, lui qui est à deux doigts de gerber devant moi... J'ai juste envie de lui en foutre une. Alors je me contente de lui demander une chose toute simple : arrêter de jouer à la victime.
Ça ne semble pas trop lui plaire, au garçon. Il se précipite dans la salle de bain, sous mon regard froid et impassible, juste à temps apparemment. Je l'entends vider ses entrailles dans la cuvette des toilettes. Je baisse les yeux, blasé. Je finis par m'asseoir sur la deuxième marche, le menton posé dans la paume de ma main droite, accoudé sur mon genou. J'attends. Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer le spectacle désolant qu'il offre, là-bas, dans la pièce d'à côté. Je soupire faiblement. J'entends le robinet couler, je crois qu'il a finis. Je me redresse. Hors de question d'être en position d'infériorité une fois qu'il reviendra. Je suis certes le plus jeune, mais ce soir au moins, je suis le plus sensé. Rentres-toi bien dans la tête... Je le regarde, complètement impassible, même si voir son doigt si près de ma tête m'agace. Je reste stoïque. J'ai eu mon temps de parole, c'est à son tour de me dire ce qu'il pense. Parce qu'au final, on est peut être tout simplement plus sur la même longueur d'onde. ... que je ne fais pas la victime. Là encore, mon visage reste de marbre. J'attends simplement qu'il poursuive, avec cette éternelle lueur de défis dans le regard. J'aurais pourtant toutes les raisons de le faire. J'hausse les sourcils, perplexe. Tu veux savoir ce que l'alcool m'apportes dans la vie ? J'attends. La paix. Voilà ce que ça m'apporte, la paix. J'étouffe un énième rictus. La paix ? Vraiment ? Je jette un rapide coup d'oeil vers la salle de bain encore allumée. Tu penses sérieusement que gerber tes tripes tous les deux jours c'est source de paix ? Excuse-moi d'être perplexe. Je ne supporte plus mon frère, sa manière de croire que le sort s'acharne sur lui. Qu'a-t-il de moins que moi ? En quoi soufrerait-il d'avantage ? Et puis je te signale que moi aussi j'ai tout perdu. Moi aussi je vais mal. Mais j'impose à personne une haleine qui empeste l'alcool. J'impose à personne une mauvaise humeur constante. Non, je tente de faire bonne figure, même si au fond rien ne va. Mais c'est la seule solution, Terrence. La seule solution pour que les choses s'améliorent. T'as pas laissé une seule chance à cette ville, à grand-mère, à moi. Au fond je suis triste. Triste parce qu'en plus de tout ce qui m'est arrivé, j'ai perdu mon frère. Mon héros. J'supporte plus de te voir comme ça tu comprends ? Ça me détruis. T'as toujours été un modèle pour moi et maintenant tu... tu peines à vivre. Je soupire. J'ai déjà perdu assez de monde... j'ai pas envie de te perdre aussi. Voilà que je bascule dans le sentimental. C'est pas mon truc pourtant, et encore moins le sien. Mais s'il est l'heure de vider ce que l'on a sur le coeur, autant le faire pleinement. Alors je soutiens son regard, cherchant une expression précédant les mots qui pourrait m'aider à déceler ce qu'il pense. Si au fond, derrière ce masque de fer, se cache encore le petit garçon avec qui j'aimais jouer près du lac.
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Dim 20 Juil - 15:12 | |
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Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi Nahuel est soudainement aussi intéressé par mon cas. Il ne bouge pas, il reste là planté aux pieds des escaliers. Pour me faire la morale. Je pensais que notre relation était figée pour le reste des temps : ignorance, indifférence, deux ou trois insultes au passage. Je ne peux pas dire que ça me convenais, mais je m'en contentais. Je préférais m'enfermer dans ce type de relation, gardant toujours un certain dégoût, une certaine colère, plutôt que de me laisser submerger par la culpabilité. Égoïste, oui, il faut croire que je le suis. Instinct de survie, peut-être, mais j'essaie de me préserver. Je sais pertinemment que je ne supporterais pas ce poids supplémentaire. Je n'en ai plus la force. Alors je crache ces mots méchants, je lance ces regards mauvais, il me fout la paix et je n'ai plus aucune responsabilité. Jusqu'à maintenant. Je sens que la fracture est proche, que tout va bientôt basculer. Que mon semblant de stabilité sera rapidement bousculé.
« Tu penses sérieusement que gerber tes tripes tous les deux jours c'est source de paix ? » J'ouvre la bouche, prêt à répondre, mais la referme aussitôt. Nahuel ne me laisse pas le temps de parler, je crois qu'il n'a pas envie que je le fasse. Je plisse les yeux et le laisse continuer. Je lui dois peut-être au moins ça. Lui dire que je ne vomis pas à chaque fois que je bois n'apporterais rien à la situation et ne ferais que l'énerver davantage. Ce n'est pas ce que je veux. Plus tôt je serais débarrassé de lui, et plutôt je retrouverais mon lit. Mais Nahuel ne semble pas décidé à cesser de parler. Il ne compte pas s'arrêter à deux ou trois remarques sur mon état de dépravé, mais plutôt à me lâcher tout ce qu'il a sur le cœur et qu'il renferme depuis certainement très longtemps. Je l'écoute, abasourdi. Ma gorge se serre quand il prononce Terrence et une boule se forme quand sa voix se casse à la fin de sa phrase. Le climat d'indifférence est définitivement brisé entre lui et moi, et la culpabilité prend peu à peu le dessus. Je la sens s'immiscer petit à petit dans mon esprit. Je ne pensais sincèrement pas que mon état le touchait autant. J'étais convaincu que je le dégoûtais, mais cela ne m'atteignait pas plus que ça. Que mon cas l'attriste, c'est une autre histoire. Un autre niveau. Je le fixe dans les yeux, sans savoir quoi dire. J'ai retrouvé tous mes esprits, comme si l'on venait de me lancer un seau d'eau glacée sur la figure ou de me conduire à cent-vingt kilomètres heures sur une route de campagne. Et ça fait mal.
J'ai déjà perdu assez de monde... j'ai pas envie de te perdre aussi. Je me mords l'intérieur de la lèvre et serre la mâchoire. Je m'avachis sur les marches de l'escalier, las. Vidé. Épuisé, lessivé, sonné. T'as toujours été un modèle pour moi. Je ferme les poings. Je me replonge dans le passé, quinze ans auparavant. Avant toute cette histoire sans queue ni tête, avant que je ne possède ce livre, avant que je ne m'éloigne de tout et de tous. On fabriquait une cabane dans la forêt derrière la maison de grand-père et grand-mère. On avait pris tout ce qu'on trouvait : des brindilles sur le sol, des grosses branches dans la réserve de bois pour la cheminée, des bouts de taule abandonnés, une bâche en plastique. Nahuel me regardait et me faisait passer ce dont j'avais besoin, et de temps en temps je le laissais poser un bout de bois à un endroit. « Arrêtes, c'est pas comme ça qu'il faut faire! » Je lui disais, alors qu'en réalité j'avais juste peur qu'il se blesse. Cinq ans après, alors que je n'avais déjà plus beaucoup d'amis, c'est encore vers Nahuel que je me tournais. Nous avions quatre ans d'écart, mais c'était malgré tout la personne la plus proche et la plus chère que j'avais. Il ne me jugeait pas, il me prenait comme j'étais et il avait toujours la remarque pour me faire retrouver le sourire. Ce temps paraît bien loin. Je sens mes yeux s'embuer et je ne sais pas si ce sont des larmes de rage ou bien de tristesse. Je ne sais pas quoi dire. Je sais qu'il me faut peser mes mots. Je ne peux pas le faire souffrir, encore. J'ai pourtant peur d'être déjà perdu, irrécupérable. Et si c'est le cas ? Si, quoique je dise, ma fin est déjà là ? Ne serait-ce pas égoïste de le rassurer, de le réconforter, de me faire pardonner, pour l'abandonner peu de temps après ? Et si jamais je me relève, je continue de vivre, mais que je ne suis toujours pas à la hauteur ? Peut-être que je ne suis qu'un lâche. Je m'enferme dans la drogue et l'alcool, car c'est certainement ce qui me fait le plus de bien en produisant le moins d'efforts. Ce qui me rend vivant tout en me tuant à petit feu.
Je ne quitte pas Nahuel des yeux et prononce ces trois mots qui sont enfouis depuis plus de trois ans maintenant. « Je suis désolé. » Je ne justifie pas mes actes, mon alcoolisme, ma toxicomanie, mes insultes, mon indifférence, ma méchanceté, parce que ce n'est pas justifiable. Pas à Nahuel. Aux yeux du reste du monde, peut-être. Mais je me rends compte à présent que mon petit frère est exactement dans la même position que moi. À la différence près que lui a pris son courage à deux mains et a décidé d'emmerder le destin pour vivre sa vie du mieux possible. Moi, j'ai emmerdé la vie pour me protéger contre le prochain coup du destin. J'ai foiré sur toute la ligne et rien de ce que j'ai pu faire n'est légitime par rapport à Nahuel, ou même grand-mère. « Je suis désolé, Nahuel. » Je répète d'une fois grave, ravalant mes larmes. Ce n'est pas le moment d'apparaître faible, de faire ma victime. « Désolé de ne pas avoir été là pour toi, de t'avoir abandonné, de ne pas t'avoir aidé. » Tout repasse en boucle dans mon cerveau. Maman qui nous annonce la mort de grand-père, le principal qui nous annonce la mort de nos parents, grand-mère qui m'annonce la tentative de suicide de Nahuel. La première fois, j'ai rejeté Nahuel en lui disant de dégager. La deuxième fois, j'ai laissé Nahuel éberlué sur sa chaise pendant que je détruisais l'intégralité du bureau du proviseur. La troisième fois, je l'ai laissé se jeter sous les roues d'un camion pendant que je fumais et buvais dans ma chambre. Je ne l'ai jamais pris dans mes bras, je ne lui ai jamais demandé comment il allait.
Je me lève, et le serre contre moi. Mon petit frère. « Je suis désolé. »
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Dim 2 Nov - 17:03 | |
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Dans mon monologue, je fais attention à chacun des mots que j'emploie, soucieux de faire mon petit effet. Et malgré le silence qu'il garde pendant que je parle et son taux d’alcoolémie élevé, je sens bien que mes paroles l'atteignent. Enfin. Et je ne m'arrête pas en si bon chemin. Les mots sortent de ma bouche en flot continu. Je vide une bonne fois pour toute mon sac. Je lui crache à la gueule tout ce qu'il a toujours refusé d'entendre ou que je n'ai jamais osé dire. J'aurais certainement dû le faire avant, mais je n'en ai jamais eu le cran. Mes paroles sont parfois dures, parfois fortes, mais je fais en sorte qu'il comprenne une bonne fois pour toute ce que je ressens. Mon regard reste rivé sur lui tandis que je lui parle, scrutant ses réactions, absentes. Terry semble plongé dans ses pensées. Peut-être réfléchit-il enfin aux conséquences de ses actes ? Peut-être prend-il conscience qu'il n'est pas le seul à souffrir dans l'histoire ? Ou est-il tout simplement trop déchiré pour m'écouter attentivement ? Je le regarde sans un mot après mon monologue. Au moins ne m'a-t-il rien craché à la figure ou sorti d'excuse farfelues et irrecevables.
Son regard est plongé dans le mien. Même si nous ne sommes plus proches, je connais mon frère. Et je vois qu'il est mal. Je tâche de ne pas m'en vouloir de l'avoir blessé par mes paroles. C'était un mal nécessaire. Je suis désolé. Je n'en crois pas mes oreilles. Mon coeur a cessé de battre, l'espace d'un instant. Vous imaginez pas l'effet que ces trois mots, aussi simples qu'ils soient, ont eu sur moi. Je les ai attendus depuis tellement de temps. Et puis surtout, j'arrive pas à croire qu'il les ai enfin prononcé. Je le dévisage, ne parvenant pas à dissimuler ma stupeur. Je suis désolé, Nahuel. Mes yeux s'écarquillent de plus belle. Mon coeur bat la chamade. Mon frère me présente bel et bien ses excuses. Il est là, assit devant moi, au bord des larmes. Et je ne sais pas quoi faire, ni comment réagir. C'est ce que j'ai toujours voulu, qu'on enterre la hache de guerre et qu'on crève l'abcès, mais je sais pas, je ne m'y suis jamais préparé. Désolé de ne pas avoir été là pour toi, de t'avoir abandonné, de ne pas t'avoir aidé. J'ouvre la bouche pour rétorquer quelque chose mais j'ai la gorge sèche. Je reste con, tout simplement. Parce que d'ordinaire c'est moi le plus sentimental, c'est moi qui trouve les mots qui qui font mouche. Et là, j'en suis incapable, comme si les rôles étaient inversés. Je vois Terrence qui se lève et... Il me serre dans ses bras. Je suis désolé. Je suis alors pris d'un élan d'affection envers mon frère. J'enroule mes bras autour de sa taille et de son torse et je lui rends son étreinte. Je crois que nous ne nous sommes jamais pris dans les bras ainsi. Même lorsque l'on s'entendait bien. C'est la première véritable preuve d'affection directe que l'on se donne et je ne peux pas m'empêcher d'en être étonné. Mais content. Soudain, c'est plus fort que moi, les larmes prennent le dessus et l'une d'elle commence à glisser le long de ma joue. J'aurais voulu que le temps s'arrête, afin de profiter d'un des rares moments de tendresse de mon aîné. Je ne sais pas combien de temps cela va durer mais j'avoue que j'aime bien cette nouvelle version de Terry. T'es pardonné Terry. Je pourrais jamais lui en vouloir toute une éternité. Terrence est mon frère avant tout, et on aime sa famille quoi qu'il arrive. Et puis nous avons perdu assez de monde comme ça, et je peux pas lui en vouloir de s'être ainsi renfermé sur lui-même. La vie a été trop cruelle avec notre famille.
Peu à peu je me desserre de son étreinte, ravalant ma salive avec difficulté. je veux rester "digne", dans le sens où j'espère vraiment mettre un terme à nos conflits stupides, et ce n'est pas en pleurant toutes les larmes de mon corps sous le coup de l'émotion que je vais réussir à changer les choses. Terrence a fait le premier pas, à moi de faire le second. Tu sais, j'ai jamais compris pourquoi tu t'étais éloigné de moi comme ça, quand grand-père est mort. Je marque une pause, je veux sortir les mots justes. Mais je comprends, quelle qu'en soit ta raison. Je cherche son regard des yeux, parce que je veux de nouveau avoir toute son attention. Je suis là, Terry. J'pense que si on se sert les coudes, on arrivera plus vite à aller de l'avant. J'ai besoin de mon grand-frère. Et... C'est bête, mais ce genre de chose est toujours difficile à dire. ... je serais toujours là pour toi. Je crains un peu sa réaction, car il n'a pas non plus les idées claires et, encore une fois, il n'est pas trop du genre mélodramatique, mais je profite de ces quelques instants de tendresse et de douceur pour nous laisser envisager un futur meilleur. C'est peut être bête, un brin utopique, mais j'y crois moi. Je crois en mon frère comme je crois en nous. Je suis sûr qu'ensemble, on peut faire la différence. Que je peux lui venir en aide autant qu'il peut redevenir mon modèle. Perdu dans mes pensées, je repense à tout ce qu'on a vécu. Plus particulièrement aux bons souvenirs qu'on a partagé ensemble, quand on était gosses. Un léger rire s'échappe de mes lèvres à ces souvenirs. J'me rappelle quand tu m'as appris à jouer au foot. La première fois j'avais tiré tellement fort et mal que j'avais réussi à taper la tête de Mme Walter, la voisine d'à côté. Mon regard perdu dans le vague vient s'accrocher à celui de Terrence et mon sourire s'estompe légèrement. Ça me manque. Dans mes yeux, je sais qu'on peut y lire tout l'espoir que je ressens en cet instant. Un espoir que je ne me suis jamais autorisé d'ailleurs. Parce que j'ai jamais imaginé que Terry puisse changer. Ou du moins qu'un soir comme celui-là soit envisageable. J'crois... J'crois qu'au final j'aime l'espoir.
- Spoiler:
bon, ce rp datait de juillet, j'ai juste super honte. désolée du retard.
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Sam 8 Nov - 10:23 | |
| Je serre Nahuel de toute mon âme, m'imprégnant de cette affection, de cet amour fraternel que je n'avais jamais vraiment éprouvé auparavant. Il y a longtemps, très longtemps, plus de quinze années en arrière, on s'entendait très bien. Comme des frères, quoi. On se chamaillait, oui, mais on jouait aussi souvent ensemble. J'aimais mon frère, mais comme n'importe quelle personne aime sa famille. Parce que c'est comme ça, parce qu'il n'y a pas de raison de le détester. Parce qu'il ne m'avait jamais rien fait de mal. Mais jamais de toute notre vie nous nous étions pris dans les bras l'un de l'autre. Jamais je ne m'étais senti autant attaché à Nahuel, jamais je n'avais autant ressenti le besoin de sa présence. C'est seulement aujourd'hui que je me rends compte que le roc de ma vie, c'est peut-être bien lui ; et si ma vie est celle qu'elle est actuellement, c'est parce que j'ai eu la stupidité de le rejeter, il y a quinze ans. « T'es pardonné Terry. » Ma tête contre la sienne, je la hoche légèrement, mais mon cœur se serre. Il ne devrait pas me pardonner aussi facilement. Je suis touché qu'il le fasse, mais il ne devrait pas. Je ne le mérite pas. Avant aujourd'hui, je n'avais jamais rien fait pour lui. Tout ce que je m'étais borné à faire, c'était le rejeter, encore et encore. Toujours. Je contracte ma mâchoire mais ne réplique rien. Il faut que je le laisse me pardonner, sans quoi je n'arriverais jamais à avancer dans la vie. La culpabilité est encore là, bien ancrée ; mais peut-être qu'elle s'effacera, peu à peu. Pour ça, il ne faut pas que je le repousse une nouvelle fois. Il ne faut pas que je persiste à rejeter toute forme de gentillesse qu'il a envers moi ; et maintenant qu'il m'a pardonné, il faut que je parvienne à faire la chose la plus dure qui me sois donné de faire, mais aussi celle qui me permettra de remonter la pente une bonne fois pour toute : me pardonner moi-même.
Nous nous écartons l'un de l'autre et je regarde mon frère sous un nouveau jour. Je ne le vois plus comme cette petite chaussette que je me permettais d'envoyer balader dès qu'il s'aventurait un peu trop dans mon jardin personnel, c'est-à-dire dès qu'il ouvrait la bouche pour me parler, et m'aperçois que c'est un jeune homme bien vivant, plus fort et courageux que n'importe quel autre être humain de ma connaissance, qui mérite toute mon attention, toute l'amabilité que je pourrais avoir en moi, tout mon estime. « Tu sais, j'ai jamais compris pourquoi tu t'étais éloigné de moi comme ça, quand grand-père est mort. » Je me mords la lèvre, alors qu'il reste muet pendant quelques secondes. Peut-être qu'il s'attend à ce que je lui explique la raison, mais je ne peux pas. J'aimerais, tellement, mais je ne peux pas. Je suis arrivé à garder la promesse de grand-père pendant quinze ans, je ne peux pas la briser maintenant, si près du but. Je lui en veux tant de m'avoir imposé de garder le silence comme ça, ce silence qui a gâché toute ma vie ; mais quitte à avoir bousillé toute ma jeunesse, toute mon adolescence, et jusque là tout de ma vie d'adulte, autant que ça ne soit pas pour rien. Que tout n'ait pas été vain, sous prétexte que j'ai craché le morceau avant d'avoir mené la quête qui m'a été confiée jusqu'au bout. J'entrouvre la bouche pour lui dire que c'est impossible pour moi de l'expliquer, mais il se remet à parler. « Mais je comprends, quelle qu'en soit ta raison. » Comment peut-il comprendre que je lui ai crié dessus alors qu'il n'avait que cinq ans et qu'il venait de perdre son grand-père ? « Merci » je bredouille, sonné. Comment pourrais-je me rattraper, être à la hauteur du grand frère que j'aurais dû être pour lui, alors qu'il est bien meilleur que moi sur toute la ligne ? Je soupire, las. Je suis à la fois rempli d'espoir, pour moi, pour lui – pour nous. Mais d'un autre côté, je me dis que je n'y arriverais jamais. Que demain, je me réveillerais, et je serais le Terry habituel. Celui qui n'en a rien a faire du monde extérieur, pas même de sa grand-mère ou de son petit frère. J'ai l'impression que jamais au grand jamais, je n'arriverais à être celui que Nahuel aimerait que je sois. « J'ai besoin de mon grand-frère. Et… je serais toujours là pour toi. » Mes yeux s'embuent de larmes et comme un con, j'ai envie de pleurer. Terry Fergusson, qui n'a plus versé de larmes depuis ses neuf ans et demi, a envie de pleurer. Personne ne m'a jamais dit qu'on avait besoin de moi. Personne. En même temps, qui aurait voulu se reposer sur les épaules d'un alcoolique toxicomane, fermé comme une huître et plus froid qu'un glaçon ? Personne, bien sûr. Je prends une grande inspiration, tentant de ravaler mes larmes – à nouveau. « Merci, p'tit frère. » Je baisse la tête un instant avant de relever le regard vers lui. « Je… je te promets que je ferais des efforts. Je ne peux pas te promettre que je serais sobre dès demain et que je ne toucherais plus jamais à la drogue, parce que c'est impossible, mais je peux t'assurer que je ferais tout pour diminuer ma consommation. Je ne peux pas non plus te promettre que je sourirais à tout bout de champ, que je rirais innocemment ; mais je te répondrais. Je te parlerais. Je ne t'enverrais plus jamais balader. » Ça, c'est quelque chose que je peux faire, une promesse que je peux tenir. Je me – et lui – fais la promesse que, jamais plus, je ne hausserais le ton sur lui. Jamais plus je ne lui crierais dessus. Jamais plus je ne l'ignorerais volontairement. Jamais plus je ne le ferais souffrir. Je me jure que même si un jour il m'énerve au plus au point, même si un jour il m'insulte de tous les noms, je ne le traiterais pas comme je l'ai fais jusqu'à présent. J'ai été un mauvais frère pendant quinze ans, c'est assez pour le reste de ma vie, et de la sienne aussi.
Nahuel se met à rire, légèrement, et entendre ce son me ferait presque sourire – si je savais encore comment étirer les muscles de mon visage de cette façon. « J'me rappelle quand tu m'as appris à jouer au foot. » Si ma bouche ne sourit pas, mes yeux le font. Je me rappelle aussi. C'était avant la mort de grand-père, je devais avoir neuf ans et demi, peut-être dix ans déjà. Nahuel était encore jeune et pourtant, il avait déjà de la force dans les jambes. Tellement qu'il avait envoyé le ballon chez la voisine ou plutôt, sur la tête de la voisine. Je me rappelle que nous avions couru comme des dératés dans la maison, en rigolant, pour ne pas que Madame Walter nous voit. Maman, qui avait observé la scène depuis la terrasse, nous avais récupérés par le bout des oreilles et nous avais traînés jusque chez la petite vieille pour que l'on s'excuse. Nous étions alors partagés entre le rire et la honte. On avait marmonné un « désolé » chacun, avant de nous enfuir en courant, éclatant de rire à nouveau. Mon regard se plonge dans celui de Nahuel et je crois y lire de la nostalgie. La nostalgie de cette enfance innocente, ou nous étions encore deux frères bourrés de vie, bourrés d'espoir. Voilà ce qu'on lit aussi dans ses pupilles brillantes : de l'espoir. « Ça me manque aussi » je finis par dire, plus sincère que jamais. Parce que c'est vrai. Tout ça me manque. Lui apprendre des choses me manquent, rire avec lui me manque. Vivre me manque, être heureux me manque.
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Dim 9 Nov - 18:24 | |
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Notre étreinte semble durer une éternité. Nous sommes là, l'un contre l'autre, nous soutenant mutuellement. Je trouve que c'est une belle métaphore de notre situation actuelle. Si l'un de nous lâche, l'autre s'écroule. Jusqu'à présent nous nous sommes toujours tenus éloignés. Jamais complètement debout, nous avancions à genoux. Désormais, je pense que tout est possible. Si nous nous serrons les coudes, nous parviendrons peut être à nous relever. C'est ce que j'essaye de faire comprendre à Terry. Alors que notre étreinte se desserre, je lui dit à quel point il me manque, à quel point tout pourrait être meilleur s'il faisait un effort. Je lui dit aussi que je lui pardonne, pour ce qu'il a fait, pour qui il est devenu. Que je veux bien comprendre sa réaction. Parce que l'être humain est cantonné à sa condition d'homme et que nul être ne peut supporter toutes les misères du monde. Il arrive toujours un moment où l'on craque, où l'on cède à une facilité qui au final se retourne contre nous. Terry a sombré dans l'alcool et la drogue, moi j'ai tenté de me suicider. Aucun de nous n'est meilleur que l'autre, au final. On est que deux pauvres cons que la vie a brisés. J'pourrais pas lui en vouloir toute une éternité. Terrence il a rien fait de mal, à la base. C'est à lui qu'on a fait du mal.
Je sens mon frère fébrile, au bord des larmes. je ne peux pas l'en blâmer, étant exactement dans le même état. Mais je dois avouer que c'est presque choquant de le voir comme ça. Mon frère. Ce roc que rien ni personne ne peut atteindre. Même moi qui partage son sang, moi qui le connais depuis toujours, j'ai longtemps pensé que je n'avais plus aucun pouvoir sur lui. Que mes paroles ne l'atteindraient jamais plus et qu'au final, il se fichait pas mal de moi. Je crois que je me suis trompé. Terry... Terry m'apprécie encore. Le Terry que je connaissais existe encore, derrière cette carapace sombre et impénétrable. Merci, p'tit frère. C'est si bon de l'entendre m'appeler ainsi. Voilà des années que je n'avais plus l'impression de faire partie de sa famille. Je faisais plutôt partie des meubles. Je le regarde, je l'observe avec une certaine innocence due à l'émotion. J'espère tellement que tout va pouvoir s'arranger. Je demande pas tellement. Déjà rien que le fait qu'il me réponde rendrait notre quotidien meilleur. Je… je te promets que je ferais des efforts. Je ne peux pas te promettre que je serais sobre dès demain et que je ne toucherais plus jamais à la drogue, parce que c'est impossible, mais je peux t'assurer que je ferais tout pour diminuer ma consommation. Je ne peux pas non plus te promettre que je sourirais à tout bout de champ, que je rirais innocemment ; mais je te répondrais. Je te parlerais. Je ne t'enverrais plus jamais balader. Entendre ces mots rend mon coeur plus léger. J'ai l'impression d'être en plein rêve. Terrence me dit tout ce que j'ai toujours voulu l'entendre dire, tellement que ça me paraît irréel. Il veut faire des efforts. Il l'a dit ! Peut être que demain il aura tout oublié, peut être qu'il ne mettra jamais en pratique ses paroles et qu'il ne changera rien de son comportement, mais je m'octroie le droit de rêver pour ce soir. De lui laisser une nouvelle chance. J'espère de tout mon coeur et de toute mon âme qu'il ne me décevra pas, et qu'il a enfin compris qu'ensemble, tout peut devenir plus facile. Alors laisse-moi t'aider, je lâche avec un petit sourire. J'peux t'être utile pour tenir le coup sans tout ton alcool habituel. J'peux être là si t'as besoin de parler. Je réfléchis un instant. J'ai pas envie que tout aille dans un sens, j'veux pas qu'il pense que me répondre quand je lui poserais des questions ça suffira. Je m'attends pas à transformer mon frère en nounours affectif mais je veux qu'il comprenne que si lui il a envie de parler, il peut. Tu n'es pas tout seul, dis-je pour conclure. Non, il n'est pas tout seul, contrairement à ce qu'il a pu croire pendant des années. Il a un frère qui est là pour lui et qui le sera toujours. Je suis peut être le plus grand des idiots à faire ça. Mais jamais j'abandonnerais Terrence. Jamais.
Vient ensuite la minute nostalgie durant laquelle je nous remémore nos exploits d'enfants. Je vois bien que chez lui aussi ça déclenche cette boule dans la gorge. Toute cette innocence, ce bonheur... Toutes ces conneries qu'on a pu faire sans se soucier un instant des conséquences. J'aimerais être un enfant à nouveau. Avec mes parents pour nous épauler. Il y a des jours où je leur en veux de nous avoir laissé tomber comme ça, Terry et moi. Ce ne pouvait pas être leur heure, ils n'avaient pas le droit. Et d'autres au cours desquels je leur demande de me guider à travers les obstacles de la vie. De nous guider. Ça me manque aussi. Un maigre sourire étire une nouvelle fois mes lèvres. Je me tourne vers lui, scrutant son visage. Il a tellement l'air d'un homme. C'est comme si je redécouvrais un frère que je n'avais plus regardé pendant des années. Tu sais..., je reprends. J'dis pas qu'on peut retrouver notre enfance, personne ne le peux. J'pense simplement que... Enfin, il suffirait qu'on... ré-apprenne à vivre ? Qu'on regarde notre existence sous un nouveau jour et qu'on accepte notre passé pour mieux tourner la page. Pour pouvoir emmerder cette foutue vie et lui montrer qu'elle ne nous aura pas si facilement. Pour tenter d'être heureux, à nouveau. Dis comme ça, ça paraît si simple. Et pourtant je sais très bien que ça ne l'est pas. Après tout c'est ce que j'essaye de faire depuis qu'on est arrivés ici, à White Oak Station. Mener une vie tranquille en pensant le moins possible à tout ce que j'ai perdu. En ne me laissant pas prendre au jeu en baissant les bras. En montrant au monde que malgré tous les coups bas, je suis encore vivant, que mes poumons respirent et que mon coeur bat encore fort.
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) Mar 11 Nov - 13:55 | |
| Contre toutes attentes, parler me fait du bien. Je n'avais probablement pas autant déblatéré de paroles depuis des années, et ça me fait du bien. Je me suis toujours complu dans mon silence, parce que c'était finalement beaucoup plus facile pour moi. Je n'avais rien à dire, de toute façon. Je n'ai plus rien à dire depuis cinq ans. Cinq longues années ; et j'ai l'impression qu'elles prennent fin ce soir. Ça ne sera pas facile, c'est sûr, mais on peut le faire. Mon espoir n'est pas bien grand, mais il a le mérite d'être là, quand je pose les yeux sur Nahuel. Pour la première fois depuis si longtemps, j'ai l'impression d'être de nouveau un être humain. D'avoir de nouveau des sentiments. Infimes, certes, mais des sentiments quand même. Je crois que rien que pour ça, je pourrais lui en être infiniment reconnaissant. Je peux être reconnaissant pour tout ce qu'il fait, en fait. Il n'a encore que vingt-et-un ans, il est encore si jeune, et pourtant j'ai l'impression que c'est lui le plus mature de nous deux. C'est lui qui a fait le premier pas pour mettre fin à cette querelle fraternelle qui durait depuis bien trop longtemps. C'est lui qui a le plus d'espoir, c'est lui qui est le plus courageux. Je me rends compte en cet instant précis que je suis tellement fier de lui. « Alors laisse-moi t'aider. (…) J'peux être là si t'as besoin de parler. » Je hoche la tête, faiblement. « Promis, j'hésiterais pas. » Mensonge et demi. J'essaierais de ne pas hésiter, je garderais en tête que je peux, mais ça sera difficile. Ça ne sera pas facile, parce que je me suis toujours débrouillé tout seul. Je n'ai jamais sollicité personne, alors laisser quelqu'un m'aider n'est vraiment pas dans mes cordes. Mais je ferais l'effort, pour Nahuel, pour grand-mère aussi, et peut-être un peu pour moi ; parce que je sais maintenant que je ne pourrais jamais me sortir de là par moi-même, comme je le pensais jusqu'à présent. Mon petit frère dit alors la phrase que, inconsciemment, je rêvais qu'on me dise depuis quinze ans. Depuis la mort de grand-père. On ne m'a jamais dis, pendant tout ce temps, une chose pareille. Je suis livré à moi-même depuis quinze ans et avoir quelqu'un sur qui compter finalement n'est vraiment pas de refus. « Tu n'es pas tout seul non plus, Nahuel » je lui assure alors. Je ne veux pas que tout ça soit une relation à sens unique, qu'il n'y ait que moi qui puisse profiter de ses bons sentiments. Même si je ne suis absolument pas doué pour ça et que je ne l'aiderais pas beaucoup plus que s'il était allé voir un parfait inconnu, je veux être là pour lui. « N'hésites pas à toquer à ma porte si tu en as besoin. » J'esquisse un faible, très faible sourire. Je me rends compte en disant ça que je remets en question tout mon petit monde. Depuis que je suis arrivé à White Oak Station, ma chambre était mon petit havre de paix, mon jardin personnel. Là où je buvais, je fumais, je sniffais. Là où je ne voulais que personne rentre et quand on le faisait, je l'envoyais balader. Alors, lui dire qu'il peut venir quand ça lui chante, c'est certainement le premier d'un des gros efforts que j'aurais à faire pour redevenir un homme décent, un vrai frère.
Me rappeler de cette enfance qui me manque tant est à la fois un pur bonheur et un total déchirement du cœur. Ces souvenirs sont si précieux, mais le retour à la réalité est tout bonnement horrible, insupportable. On ne pourra plus jamais revenir en arrière. Plus jamais. Et comme à chaque fois que je pense à ça, j'ai la sensation que l'on me lacère le cœur a coup de couteau de cuisine. On nous a volés notre jeunesse, on nous a volés notre vie alors qu'on n'avait rien demandé à personne. Je serre la mâchoire alors que Nahuel se remet à parler. Ces mots sont justes, tellement justes. Et c'est peut-être pour ça qu'ils font si mal. On ne sera plus jamais deux gamins insouciants courant dans le grand jardin de notre maison d'enfance. Il faut qu'on réapprenne à vivre, qu'on emmerde cette putain de vie qui nous en a fait voir de toutes les couleurs. Il le faut, oui, mais je ne suis pas sûr de pouvoir, je ne suis pas sûr d'être à la hauteur, d'avoir la volonté nécessaire. J'ai l'impression que mon âme est morte il y a cinq ans, bien que je n'en suis plus si certain aujourd'hui, et j'ai du mal à croire que j'arriverais à revivre complètement un jour. « Pour tenter d'être heureux, à nouveau. » Je prends une grande inspiration. Je ne peux pas le décevoir, pas maintenant, pas après tout ce qu'il a fait, pas après tout ce que j'ai dit. « Ouais… va falloir qu'on se batte. Comme des acharnés. » Parce que ça ne sera possible autrement. J'ai compris que le temps ne pansait pas les blessures, que ce vieux dicton était une foutaise totale. Les années passent et les plaies sont toujours à vif. « Je peux pas te dire que je vais y arriver avec brio, mais on va essayer. Les Fergusson survivent à tout, hein ? » J'ai envie d'y croire. Parce que pour l'instant, les Fergusson n'ont pas survécu à grand-chose. Ils n'ont même survécu à rien du tout. Mais on ne va pas laisser ce putain de destin en faire qu'à sa tête. Si son grand plan c'était de décimer la famille en vingt ans, on va lui montrer que c'est terminé. C'est plus lui qui a les rennes maintenant. C'est nous. Nahuel et Terrence Fergusson. Parce que nous sommes les seuls maîtres de notre destin.
RP TERMINÉ |
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| (#) Sujet: Re: #0666, too drunk to be nice. (nahuel) | |
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