I hate you. But you're beautiful, so...

Comment vais-je faire ? Je n'ai pas envie de décevoir ma sœur, non, vraiment pas. Enfin, ce n'est pas comme si elle savait qu'on m'avait fait cette proposition. Cette alléchante proposition. J'ai toujours voulu le faire, en fait, seulement je m'en sentais incapable. Sentais ? Oui, il se peut que j'aie changé d'avis. Je ne sais pas. Je ne suis sûre de rien. Pourtant, je devrais, non ? Jouer de la musique devant ma mère, ma sœur, pour moi, avec Jonathan... Je crois que ça ne me suffit pas. Je reste seulement enfermée dans cette immense maison avec pour seule compagnie des animaux domestiques, une mère qui m'oublie un jour sur deux et ma musique. Je veux juste la partager avec plus de monde.

Alors, forcément, je suis une boule de nerfs en arrivant au Old Pub. J'ai accepté parce que c'est un bon début, un petit début. Ce n'est ni filmé, ni enregistré, la moitié des personnes n'écoutent pas. Je joue donc une mélodie facile, que je n'ai pas composée (je ne suis pas encore prête à jouer la mienne, et puis la panique me paralyserait sûrement). Bien sûr, je joue avec bien moins de talent et de naturel que d'habitude, mais la musique finit par me calmer et malgré ma performance mauvaise à mes yeux, je joue le morceau sans aucune fausse note. Je le joue, ni bien, ni mal. Je suis juste déçue de moi-même, mais aussi contente d'avoir pu jouer. Ensuite, bien entendu, je me sens idiote d'y attacher tant d'importance. En me levant sous les applaudissements discrets, je rajuste ma robe noire et sobre qui me tombe au-dessus des genoux - la tenue idéale, selon moi - ainsi que mes cheveux détachés qui sautillent sur mes épaules quand je vais au comptoir pour me prendre un rafraîchissement. C'est alors que j'entends une voix étrangement familière « Toujours aussi douée pour choisir tes morceaux que pour choisir tes mecs, à ce que je vois. » Toujours le dos tourné à l'homme qui a dit ces mots d'un ton confiant et même arrogant, je devine que je l'ai connu. Je dois sûrement lui avoir envoyé un râteau, pour reprendre une expression que j'ai du mal à saisir. Je commande un verre d'eau, parce que l'alcool n'est pas conseillé, et je daigne enfin accorder mon attention à celui qui me parle avant tant de prétention. Je le reluque de haut en bas, et quand mes yeux passent sur son visage, je finis par le reconnaître. Nolan, j'en suis presque sûre. Cet individu peu recommandable n'a décidément pas changé. Bon, d'accord, il est sexy, même diablement sexy, mais je tiens ma libido en laisse et garde la même expression. Je le fixe droit dans les yeux (son assurance est parvenue à m'en donner) et je prononce d'une voix faussement innocente : « Excusez-moi, on se connaît ? » Comment démonter la virilité d'un mec en trop-plein d'assurance en cinq étapes. Je fronce les sourcils avec un sourire en coin que je suis incapable de retenir pour accentuer mon air moqueur. J'ai envie de le démonter dans toute son arrogance.