une bière, la télé et des potes,
c'est ça la belle vie.

Tu viens de dire à Riley que tu arrives immédiatement, pourtant tu es encore en caleçon, ta brosse à dents coincée dans la bouche. Tu éteins la télévision en soupirant : parfois, les présentateurs te désespèrent et tu te demandes s'ils ont vraiment suivi une formation afin de devenir journaliste, ou si c'est simplement leurs parents qui ont signé un beau chèque à l'ordre des plus grandes chaînes de production ; parce que vraiment, faire des erreurs aussi grosses et évidentes que celles-ci c'est impossible, à moins d'être né de la dernière pluie. Plutôt courantes ces derniers temps, d'ailleurs.

La bouche rincée, un t-shirt sur le dos et un jean enfilé, tu attrapes rapidement un paquet de chips dans le placard de la cuisine et le jette sur le siège conducteur de ta vieille voiture. Cinq minutes plus tard, ton poing musclé tapote trois petits coups sur la porte d'une belle maison de campagne. Tu n'en reviens toujours pas de la chance que ton amie a eue, en trouvant ce petit couple âgé louant leur maison à un prix dérisoire, tandis que pour presque le même prix, tu habites dans un appartement d'une vingtaine de mètres carrés en plein centre-ville, avec pour toute vue l'immeuble d'en face.

Te rappelant que le paquet de chips ne va pas courir tout seul jusque dans ta main, tu retournes le chercher et lorsque tu es de retour sur le seuil de la demeure, la porte est ouverte et une grande blonde se tient dans son encadrement. Parfois, tu aurais envie de lui donner une claque dans l'épaule et de lui faire un shake, comme à tes potes masculins, mais tu te dis que quand même, il ne faut pas pousser trop loin. Alors, tu lui fais doucement la bise et entre dans la maison, tes pas te guidant tout naturellement vers la cuisine. Tu poses les biscuits apéritifs sur le plan de travail et ouvre la portière du réfrigérateur, comme si tu étais chez toi. Tu attrapes deux bières, en lance une à ton amie, décapsule la tienne avec les dents et bois quelques gorgées. Elle est fraîche et goûteuse. Tu lances un sourire complice à Riley : la soirée s'annonce bien.

Tu reposes le téléphone sur la table basse et mets quelques secondes à fixer le plafond avant de réaliser que tu es plantée là à rien foutre alors que Tobias va arriver dans quelques minutes et que le salon est toujours bordélique. Ni une ni deux, tu sors l'aspirateur et tu te mets à aspirer dans tous les coins, traquant la moindre miette de chips. Tu enfiles un gilet parce que, quand même, tu te dis qu'il fait un peu froid.

Tu as à peine le temps de mettre des saucisses-cocktails à cuire que tu entends quelqu'un frapper à la porte. Tu te rues vers l'entrée, ouvres la porte et prend ton air le plus décontracté. Un jeune homme à peine plus âgé que toi se trouve là, un paquet de chips à la main. Super, tu manquais de chips au fromage. Il te fait la bise et vous vous dirigez vers la cuisine, toi pour surveiller les saucisses cocktail, lui pour se servir une bière. Ca ne te dérange pas qu'il ne te demande pas la permission pour se servir dans le frigo. Tu as l'habitude. Il te lance une bière et tu avales une gorgée avant de rajouter des épices mexicaines (tu ne peux pas t'en empêcher, tu adores la nourriture mexicaine après tout) sur les saucisses. Tu souris à Tobias. Tu as déjà hâte de te poser devant la télé avec un repas pas du tout sain ni équilibré... C'est l'idée que tu te fais d'une bonne soirée.

Une odeur de viande se fait sentir et tu souris : Riley a préparé des petites saucisses spéciales apéritif, celles que tu adores. Tu t'imagines déjà les gober les unes à la suite des autres, bien calé devant la télévision, les intercalant de chips, ou alors avalant les deux en même temps. Tu as déjà testé le sandwich chips/saucisse/chips et ma foi, ce n'était pas mauvais. Ce n'est pas pire en tout cas que certains mélanges sucrés/salés auxquels se tentent quelques courageux. Parce que allier des rondelles de pomme de terre grillées et salées avec de la viande de basse qualité est bien plus raisonnable qu'assembler des frites avec de la pâte à tartiner au chocolat, par exemple. Parce que oui, tu as déjà assisté à ce genre de dégustation, tu y as même participé une ou deux fois mais, à vrai dire, tu n'en as pas gardé un très bon souvenir.
« Tu sais si y a un truc de bien à la télé ce soir ? »
Tu te diriges vers le salon et t'apprêtes à t'affaler sur le canapé. Tu t'arrêtes à mi-chemin des coussins du sofa pour éviter d'écraser la télécommande, que tu écartes rapidement de la main, avant de t'avachir pour de bon. Tu ne pourrais rêver de mieux. Tu as un toit au-dessus de la tête, il fait chaud, tu as à manger, une télévision et une amie avec qui passer la soirée. Ce qu'il y a de bien avec elle d'ailleurs, c'est qu'elle n'est pas comme toutes les filles, à se sentir obligée d'être maquillée comme un camion volé lorsqu'elle est à tes côtés, pour tenter de te séduire ou simplement d'avoir un semblant d'attention de ta part. Non, elle reste fidèle à elle même, parce qu'elle sait très bien que maquillée ou non, en robe ou en survêtement, coiffée ou décoiffée, tu l'aimeras dans tous les cas. Et puis, vous n'êtes pas la pour flirter, vous êtes là pour vous amuser.

Tu mets les saucisses cocktails dans une assiette et rejoins Tobias dans le salon. Le canapé a la trace de ton passage, après tant d'heures passées à regarder des conneries à la télé tout en mangeant des cochonneries. C'est un peu ce que vous comptez faire, ce soir. Télé, chips, bières... Rien de bon pour la santé, mais vous vous en fichez un peu. La preuve, c'est pas la première fois que vous faites ça. Tu poses les saucisses et ta bière sur la table basse avant de te jeter sur le canapé comme une crêpe. Tobias te demande ce qu'il y a à la télé ce soir. Tu lui lances le programme télé. « Aucune idée, sans doute des téléfilms et des séries. Rien d'intéressant, quoi » réponds-tu. T'es pas très fan des comédies romantiques, des séries sur les vampires pour adolescentes, bref, le genre de trucs qui passent en boucle à la télévision. Et tu ne parles même pas des émissions de télé-réalité. Ton pire cauchemar. C'est sans doute pour ça que tu traînes plus avec des types comme Tobias que des filles. Tu n'as pas envie d'entendre un debrief sur le dernier épisode de Real Housewives, X-Factor ou tu ne sais quoi. Tobias, lui, il regarderait ça juste pour faire plaisir à sa copine, parce qu'il est gentil. Ce qui est sympa entre vous deux, c'est que vous ne tentez pas de vous séduire. C'est 100% naturel, aucune censure. Il n'est pas un monstre, au contraire, mais tu n'as pas d'attirance particulière pour lui et tu ne ressens pas le besoin de le séduire. C'est juste un bon ami, et tu continueras à l'apprécier avec ou sans barbe, hétéro ou gay, célibataire ou en couple, bref, tant qu'il reste le mec sympa que tu as rencontré, tu continueras à le fréquenter.

Le programme télévisé arrive en vol plané sur tes genoux et tu le feuillettes rapidement, dans l'espoir qu'il y ait quelque chose d'intéressant à regarder. Enfin, dans l'espoir est une bien grande expression, tu sais pertinemment que même s'il n'y a rien de très divertissant sur les ondes, cela ne t'empêchera pas de passer une bonne soirée. En fait, la télévision est souvent là comme bruit de fond, ou pour combler les possibles blancs entre vous deux. Quoique, l'appareil électronique diffuseur d'images aurait même pu être inutile, car il n'y a aucune gène entre toi et Riley, si bien qu'une absence de paroles n'est aucunement embarrassante. Au contraire, tu apprécies parfois d'être au calme, sans avoir à te fatiguer en discutant, en sachant cependant que tu n'es pas seul dans la pièce et que si jamais tu trouves quelque chose à dire, tu peux le faire. Ce qui n'est pas possible lorsque tu es seul chez toi. Tu pourrais tout à fait prendre ton téléphone et composer le numéro d'un de tes amis, mais pour dire des futilités telles que Ces chips sont excellents, tu n'en vois pas trop l'utilité. Les dire à haute voix paraîtrait tout aussi déplacé. Voilà pourquoi tu affectionnes tout particulièrement ta présence chez la jeune Peterson.

Tu lèches le bout de ton index droit, de façon à pouvoir tourner les pages du magazine avec plus de facilité. Tu arrêtes ton regard quelques secondes sur un programme qui semble intéressant, avant de passer à la page suivante, t'étant rendu compte qu'il s'agissait d'une émission de la veille. Après quelques minutes, tu le refermes en soupirant.
« Rien de bien, pour changer. On allume et on zappe ? »
C'est un peu ce que vous aviez l'habitude de faire, lorsque rien ne vous plaisait. Vous allumiez le téléviseur, zappant les chaînes comme s'il fallait en regarder le plus de différentes en l'espace d'une demi-heure, vous moquant souvent de ce qu'il se passait à l'écran. C'était parfois plus drôle que de regarder un match de foot - et c'était dire : les matchs de foot étaient ton programme favori.