Ta lecture ne te suffisait plus, elle était fatigante. L'intérieure de ton crâne n'était plus qu'un essaim d'abeille. Il fallait que tu te changes les idées, que tu fasses quelque chose de différent. Il y a maintenant trop longtemps que tu es enfermé entre les quatre murs de ta chambre. Alors tu sors. Tu te prépares tout de même un sac ; feuilles, stylos, un livre parce qu'on ne sait jamais. Et tu te jettes à corps perdu dans la foule... Juste sur le trottoir pour aller on ne sait où. Là où l'imagination viendra ? Certainement.

Des fois tu te demandes si tu es normal, si ton cerveau fonctionne comme celui des autres. Au vue des gens autour de toi, ça va plutôt bien. Mais tu te demandes encore ce que tu fais ici. Après avoir vu que cet endroit menait une sorte de speed dating, tu t'es dis "pourquoi pas ?" et tu es entré. Assis à une table, maintenant, tu attends. Tu attends quoi précisément ? Certainement pas l'amour, ça non. En tout cas, tu ne penses pas le rencontrer ici. Coude sur la table, joue dans ta main, tu guettes onnesaittropquoi, les yeux plus dans le vide que réellement quelque part. On te sortira certainement de tes pensées. C'est peut-être ce qui t'a attiré dans cet endroit, le "on" de cette histoire. Un inconnu, une inconnue. Qu'importe, il y aura toujours quelqu'un et ce sera forcément intéressant.

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

«Coucou, toi.» Qu'est-ce que j'ai, avec ce pronom personnel ? J'ai dis exactement la même chose, vingt minutes plus tôt à ce jusqu'alors inconnu, à la table deux où il m'avait rejoint. Cette fois-ci, c'est la table trois. Un joli chiffre. Un bel homme. Il n'y a que des belles perles, par ici, je devrais sortir plus souvent.

«Pardonnes-moi, je ne suis pas très originale.» Je me remets à parler, avec un langage pseudo-soutenu, un ton pseudo-péteux. Je souris. «Devant qui ai-je l'honneur de m'asseoir ?» Je tire la chaise et m'installe, avec tout l'effort du monde. Bébé prend de la place. Enfin, je prends de la place, avec bébé dans mon ventre. Je mets ma main dessus, et je fais des ronds. Et ron et ron, petit patapon.

Tu observes la jeune femme qui se trouve à cet instant devant toi. Sa voix venait de te tirer de tes pensées. Tu ne réponds pas de suite à sa question, ni même à ses salutations. Tu te contentes de sourire. Tu observes ce ventre rond qu'elle se trimballe. Tu fais presque une légère grimace. Tu n'aimes pas ce genre de choses, ça fait remonter en toi un souvenir que tu avais préféré oublier -comme tant d'autres-. Puis après quelques secondes, tu hausses les épaules. « Je ne pense pas que ce soit vraiment un honneur. » Tu esquisses un sourire. « Genya. » Ton doigt se pointe alors vers le ventre de la demoiselle alors que tes yeux sont fixés sur son visage. « Et vous ? Puisqu'apparemment, j'ai le droit à deux personnes pour le prix d'une. » Un petit rire traversa tes lèvres. Tu fais de l'humour, ce n'est pas de toi.

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

«Oh, toute nouvelle rencontre est un honneur.» Toujours ce ton superficiel et soutenu. Je ne sais pas pourquoi je fais ça. Pour rigoler, sûrement. Avec un inconnu, nouvellement connu. Genya. Je ne sais pas d'où ça peut venir. Peut-être de là-bas, tout là-bas, ou alors tout près. Juste une originalité. «Très beau prénom.» Je dis en souriant, avec un ton normal. Mon ton.

Je fais toujours des ronds avec ma main, c'est ce que je fais quand bébé est agité. Mais là il ne l'est pas, et je le fais quand même. Je ris doucement. «Alors lui,» J'arrête les ronds, et pointe mon doigt sur le nombril «c'est bébé.» Pas de prénom défini, même pas réfléchi. Une fille, un garçon, je ne sais pas, je ne veux pas savoir, pas encore. «Peut-être que son prénom ce sera ça. Bébé.» Mon regard se ternit, un peu. Il se voile. Parce que le prénom, je voulais attendre qu'Augustin soit là, pour qu'on le choisisse tous les deux. Mais ça fait huit mois, et Augustin n'est toujours pas là. Et s'il ne revient que dans trois mois ? Je vais l'appeler comment, cet enfant, en attendant ? Je cligne des paupières. «Désolée. Moi, c'est Azel.» Je souris. «Tu es là pourquoi ? Je veux dire, tu cherches l'amour ?» Parce que moi, non. Je l'ai déjà.

Tu continues de sourire légèrement à sa remarque. Si seulement elle savait qui tu étais vraiment. Elle ne dirait certainement pas ce genre d'âneries. Il y a des rencontres qu'il ne vaut mieux pas faire. Ça peut toujours mal tourner. Mal finir. Tu n'es pas du genre à penser que les nouvelles rencontres peuvent apporter beaucoup de bonheur. Peut-être parce que tu ne veux pas y croire. A ce bonheur. « C'est le diminutif de Eugène en vérité. C'est de suite moins classe. » avait-tu répondu rapidement et simplement lorsqu'elle complimenta ce que tu considères comme ton prénom. Après tout. Tout le monde t'appelle comme ça. Pourquoi chercher à faire autrement hein ? Puis quelque part. Elle à l'air de te raconter son histoire. Ce n'est pas vraiment c. Elle te dit que ce bébé. Ce sera simplement bébé. Tu aimes bien sa façon de penser. Tu ne devrais pas. Tu ne connais pas son histoire. Tu ne connais rien d'elle. Mais tu penses un peu pareil. Tu ne serais pas capable de donner à un chat son prénom. Alors un bébé. Puis tu trouves ça mignon. Cette attitude. Ce regard qui est triste. Mélancolique ? Peut-être. Qui sait ? Ça te donne quelques idées. Tu as presque envie d'écrire. De d'écrire ce que tu vois. Cette situation que tu vis. « C'est joli aussi. Azel. » Tu répètes son prénom avec une petite voix. Comme celle d'un enfant. TU ne le fais pas exprès. Ce n'est pas voulu. Certainement pas. Et tu hausses en suite les épaules. « Je ne suis pas sûr que l'amour se trouve par ici.. Il serait plutôt inattendu. À te tomber dessus. Comme ça. Quand tu ne t'y attends pas... Dans moment où tu penses avoir tout perdu. Besoin de rien ? Aussi. » Tu te mords la lèvres. Voilà que tu es reparti dans un débat solitaire. Quelque chose qui ne sert à rien. Personne ne te suit jamais dans tes délires de poètes. Est-ce que simplement cela peut porter le nom de poésie ? « Tu ne dois pas vraiment chercher l'amour non plus... » tu souris. « T'es là pourquoi alors ? Ça m'intéresse. On voit pas toujours des femmes enceinte dans ce genre d'endroit... À moins de vouloir caser Bébé avant sa naissance ? Le pauvre. » un léger rire traverse de nouveau tes lèvres. Tiens que t'arrive-t-il aujourd'hui ?

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

Je crois que je vais bien l'aimer, ce garçon, avec son joli nez. Ah oui, parce qu'il a un joli nez, je trouve. Je l'ai regardé un moment, et puis j'ai replongé mon regard dans le sien. «Ça fait un peu moins Europe de l'Est, c'est dommage. Je t'imaginais déjà avec des origines de fou et une aventure de dingue à travers la planète.» Ta gueule, Azel. «Tant pis. Eugène, c'est très beau aussi. Comme dans le film. Avec Jude Law, tu sais ?» Peut-être qu'il ne sait pas. Je ne comprends même pas pourquoi moi, je m'en suis rappelé. Welcome to Gattaca. Sûrement parce que Jude Law était vraiment, vraiment mignon dans ce film. C'est sûrement pour ça, oui.

Je souris. «Merci.» Je crois que je rougis un peu, même. Ce n'est pas souvent que l'on me fait des compliments. Alors j'en ai encore moins de la part de personnes que je ne connais pas beaucoup. Comme Genya. Attendez, j'ai rougis ? Qu'est-ce que j'en sais d'abord ? Ce n'est pas comme si je me voyais. Et pourquoi je me parle à moi-même comme ça, mentalement ? J'arrête. Je souris.

Lui non plus n'est pas là pour trouver l'amour. C'est rassurant, c'est déjà ça. Nous sommes sur la même longueur d'ondes, c'est bien. C'est bien. Je penche la tête sur le côté, et je l'écoute parler. C'est intéressant ce qu'il dit, c'est tout à fait vrai. Je hoche la tête. «Je crois que ceux qui viennent ici sont désespérés.» Je fais une pause, en fronçant les sourcils. «Non pas que je sois désespérée. Ou que tu le sois. Mais, ceux qui viennent chercher l'amour ici, je veux dire.» Je desserres les sourcils. Et je souris, encore. «J'aime bien comment tu parles, Genya.» Je remets ma main sur mon ventre mais je ne fais pas de ronds, cette fois-ci. Je secoue la tête, pour confirmer ce qu'il dit. Non, je ne cherche pas l'amour. Enfin pas ici. Je sais où il est. Je n'ai pas à le chercher. Je veux juste qu'il revienne, par pitié. Ramenez-le moi.

Je rigoles à sa dernière question. Je tique, quand il appelle bébé Bébé. Ça se sent qu'il écoute, Genya. Il n'a pas critiqué qu'il soit sans nom, il est compréhensif. Enfin, je crois. «Voilà, c'est ça. Je voulais savoir si t'avais un bébé, toi aussi, pour genre, un mariage arrangé.» Je regarde la petite bosse qui se forme sur mon ventre. «Pauvre bébé, oui. Les mariages arrangés, c'est vraiment n'importe quoi.» Je ne sais pas pourquoi je prends cet air grave. Je relève la tête et je plisse mes yeux. «Je ne sais pas trop pourquoi. Je crois que je voulais m'amuser, un peu.» Je lève les yeux de façon un peu rêveuse. «En attendant mon amoureux.» Et aussitôt je mets ma main devant la bouche, surprise de moi-même. J'ai dis ça ? Pourquoi j'ai dis ça ? Mon dieu, j'ai dis ça. Je secoue la tête, paniquée. «Je voulais pas dire ça.» Mes yeux brillent, je crois que je vais pleurer. J'étais venue là pour ne pas penser à lui, et je ne fais que ça. Penser à lui, encore et toujours.

Dingue. Bien sûr qu'elle est dingue ton histoire. Tes origines ne sont pas folles, il n'y a rien de fou à venir d'un pays qui fait parler de lui simplement pour son régime politique peu conventionnel ou pour son alcool. Mais ton histoire ? elle est complètement folle, elle. Elle te rend fou même. Tu ne veux pas y penser, pourtant c'est ce que tu fais chaque fois que tu laisses divaguer ton esprit. Tu y penses. Tu regardes la jeune blonde qui complimente ton prénom, une légère grimace se dessine sur ton visage. Tu n'es pas d'accord, Eugène c'est moche. Il n'y avait qu'elle qui t'appelait comme ça et le fait qu'elle utilise ton prénom, tes yeux se baissent. Si seulement elle savait ton histoire ? Non, en fait, il ne vaut mieux pas. Personne ne voudrait savoir. Personne ne te croirait, en fait. « Ton histoire, c'le nouveau scénario d'un film merdique ou quoi ? » Tu te ferais presque rire si ta propre histoire ne te faisait pas autant de peine. Tu te fais de la peine. Est-ce que tu lui fais de la peine aussi ? Tu n'en sais rien. Peut-être. Et un signe de la tête répond à son merci. Elle a l'air d'être contente du compliment, tant mieux. Les compliments pleuvent de ta bouche, souvent. En fait, la vérité coule souvent d'entre tes lèvres, comme pour les enfants, avec la réflexion en plus. Tu le sais, qu'il y a des moments où il faut mentir à une personne, mais tu ne sais pas le faire, pas très bien. Pas bien du tout en fait. Tu préfères dire ce que tu penses ; négatif, positif. Tu t'en fous, tu n'es pas là pour être aimé de tout le monde de toute manière. Puis elle te fait rire. Réellement rire. Un petit éclat s'échappe du fond de ta gorge, le reste tu le retiens, tu places une main devant ta bouche et tu ris silencieusement avant de hausser les épaules. Tu es plus désespéré qu'elle ne le croit... Elle l'est plus que tu ne le pensais aussi. « Merci. » Souffles-tu à son compliment. On ne te dit pas toujours que tu parles bien. Souvent, on te demande plus ce que tu prends. Les gens ne comprendront jamais que tu n'as pas besoin de choses illicites pour stimuler un peu ton cerveau, pour qu'il fasse encore plus de noeuds qu'à l'origine. C'est bien pire que tout là-dedans, personne n'aimerait être dans ta tête. Ils auraient bien trop peur. « Ce n'est pas grave... » Tu souris, presque attendri par sa réaction. tu ne devrais pas être attendri, ce n'est pas ça. Ce n'est pas ce sentiment que la situation doit t'inspirer. Non, pourtant tu l'es. Peut-être parce que tu trouves la réaction enfantine ? Va savoir. « J'crois que j'attends la mienne aussi, quelque part. » Mais qu'est-ce que tu racontes Genya ? tu n'as pas d'amoureuse, tu n'aimes pas ça les filles. Tu en avais peut-être une, tu étais marié avec. Mais tu ne l'aimais pas. Non, tu ne l'aimais pas assez pour faire un enfant avec, tu ne l'aimais pas assez pour l'embrasser, la toucher. Ce n'était pas ton amoureuse; Alors pourquoi est-ce que tu dis ça ? Au fond, bien sûr que tu l'attends. Tu étais content de la savoir en paix, mais elle te manque. Tellement, tu aimerais la voir de retour. Mais tu sais que ce n'est pas possible. Alors doucement, tu lui souris. Elle t'a l'air bien jeune tout à coup... Plus jeune que son âge réel sûrement ? Tu hausses les épaules. On ne demande pas son âge à une dame, peu importe ce que l'on pense. « Tant que tu ne l'oublies pas... » Tu hausses les épaules. Si tu savais, Genya, si seulement tu savais. Peut-être que finalement, c'est ce qu'elle essaye de faire ? Tu te mords alors la lèvre. Merde, des fois, tu voudrais te taire. « Enfin... Je sais pas. Peut-être que tu essayes de t'occuper pour pas trop y penser.. je suis désolé, je ne voulais pas vraiment dire ça comme ça. » Et tu ne sais même pas pourquoi tu t'excuses, idiot.

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

Je me renfrognes un peu. Film merdique ? Mais, non. «Tu n'as jamais vu Welcome to Gattaca ? Tu devrais, il est très bien. Assez triste. Et pas du tout merdique.» Je fais un petit sourire. Puis un plus grand. «Mais je peux comprendre, ça doit un des seuls films dont je me souviens.» En général, je ne me rappelles pas des films que je regarde. Souvent, c'était des vieux feuilletons télévisés que je regardais, à la maison, avec Grand-mère et les parents. Et depuis que je suis à White Oak Station, je ne regarde plus vraiment la télé, ou alors si Zoe insiste, auquel cas, je cède.

Genya me sourit alors j'enlève ma main de la bouche, je ferme les yeux et je souris. Je secoue la tête, j'essaie d'oublier tout ça, de refourguer toutes ces pensées à l'arrière de ma tête. Pour le moment. Et puis mes yeux se remettent à briller. «Oh.» C'est tout ce que je peux dire. Lui aussi alors, il a le cœur qui souffre ? Peut-être plus que moi, même ? Ce qu'il dit me donne des frissons. L'oublier, pourquoi l'oublier ? Et je comprends. Je crois. Je crois que son amoureuse à lui est morte. Morte. Ça doit être horrible, je n'arrive pas à imaginer. «Non, non, ne t'excuses pas.» Je souris. S'il a cru qu'Augustin est mort, ça en dit long sur mon état. Cet état de manque, de désir, d'attente, aveugle. «C'est moi qui devrais être désolée. Pardon.» Mon dieu, il faudrait que je surveille mes réactions. Me mettre dans tous ces états, alors que lui, Genya, connaît, a connu, quelque chose de peut-être bien pire. «Augustin est vivant. Enfin, je crois. Il est soldat. En Afghanistan, ça fait huit mois. Je n'ai jamais eu de nouvelles.» Je me crispe un peu, et je recommence à faire des ronds. Bébé bouge. Shhhh. Je crois que bébé sent quand je ne suis pas très bien. «Mais je ne veux pas t'embêter avec mes histoires.» Je rougis, à nouveau. Deux fois en cinq minutes, il faut le faire. Je baisse les yeux, regarde mes mains puis les relève, mes yeux. «Et... et toi?» Je tente, faiblement. Je n'attends pas à ce qu'il me raconte l'histoire de son amoureuse, à lui. S'il n'a pas envie d'en parler, c'est son choix, il n'est certainement pas venu là pour ça. Je veux juste qu'il parle, de tout, de n'importe quoi.

Tu secoues la tête presque désolé de ne pas avoir vu ce film. Ce n'est pas de ta faute. En Russie. Les films. Ce n'est pas vraiment ça. Comment expliquer... Oh et puis mince. On s'en fout. De toute manière tu n'es pas très cinéphile... Ce n'est pas quelque chose qui t'attire le cinéma. Peut-être parce que tu préfères la lecture ? Tu trouves toujours qu'un film est la mauvaise adaptation de sentiments et ça te fait de la peine. Alors oui tu as vu très peu de choses. Mais tu n'as absolument pas honte de le dire. Au contraire. Tu t'en fiches. On peut te dire ce que tu veux. Ça ne t'atteint pas. Puis tu écoutes son histoire. Tu tends l'oreille. Tu écoutes. Tu ne l'interrompt pas. Jamais. Tu la laisses parler. Tu la regardes faire. Tu souris légèrement avant de faire une petite grimace. Ce ne doit pas gré agréât. D'avoir son mari dans l'armée. Comment est-ce qu'elle peut tenir ? Toi tu n'y arriverais jamais. Tu ne sais pas trop. Ça te rendrait fou. Complètement fou. « Tu ne m'embêtes pas du tout... On est un peu là pour ça finalement. Non ? » tu rigoles doucement. Comme quoi. Cette journée n'est réellement pas comme les autres. Tu ignores un peu sa question. Pour quelques instants. Tu la laisses en suspend. Puis tu te souviens que le temps vois est compté. Alors tu fais un petit sourire et tu hausses les épaules. « Elle était juste toxicomane. » Tu mordis ta lèvres avec douceur. tu dis ce genre de choses tellement facilement que c'en est presque effrayant. Tu ne devrais pas. Si ? Tu ne sais. « Et... Pour pas que tu sois déçue. Je viens bien d'un pays de l'est. » Tu pouffais légèrement et tu appuyais tes bras sur la table pour te rapprocher légèrement d'elle. La regardant dans les yeux. « je veux bien savoir ton histoire. Ça m'intéresse. Je serais... Fier. D'avoir... Un amoureux qui est un peu comme un héros. » tu hoches doucement de la tête. « On fait un échange d'histoire si tu veux. » Tu dis un très grand sourire, comme un enfant qui venait de proposer un nouveau jeu. Puis elle t'intrigue cette blonde. Elle te fait réfléchir. Tu n'irais pas à dire que tu te vois en elle mais... Un peu quand même. Non ?

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

Je l'aime vraiment bien ce Genya. Il est gentil avec moi. C'est assez rare, ce sentiment que l'on est gentil avec moi. Depuis mon arrivée ici, ça n'est pas arrivée souvent. Il y a eu Ellie, bien sûr, puis Zoe, Dean enfin. Ah, Efa aussi. Mais on ne s'est pas parlé longtemps. C'est tout. Je ne m'en plains pas, parce que les trois premières personnes que j'ai cité sont vraiment superbes, et je les aime beaucoup. Mais trois personnes en huit mois, c'est très peu. Parfois ça m'attriste. La plupart du temps, je m'en fiche. Tant que j'ai ma machine à coudre, Zoe, et mon bébé.

Je souris. «Oui, c'est vrai qu'on est là pour ça. Merci.» Merci de ne pas partir en courant, merci d'écouter, merci de parler, merci d'être comme ça. «Oh.» Cette interjection, encore. Je ne sais pas quoi dire d'autre, devant tant de violence contenu dans une simple - banale ?- petite phrase. Elle était juste toxicomane. Rien que ça ? «C'est déjà pas mal.» Je me mords la lèvre. «Pardon, je ne voulais pas dire ça.» Je patiente un peu, et relève les yeux. «Je suis désolée pour toi.» Je le fixe assez longtemps, parce que je veux qu'il comprenne que je suis réellement touchée par cette perte. Que je la ressens un peu, à travers lui. Que j'aurais aimé qu'elle soit là, à ma place, à lui parler comme je le fais.

«Yes!» Je fais un petit signe de victoire, très fière. «Ah, je le savais! Quel pays, alors? Et, comment tu es venu ici?» J'ai le sourire jusqu'aux oreilles, comme une enfant. Si je pouvais trépigner sur ma chaise, je le ferais. Je ne sais pas vraiment pourquoi je me mets dans cet état. Je crois que j'aime entendre les aventures des autres, pour pallier ma vie un peu banale. Ennuyante. Il se rapproche un peu, mais moi je ne peux pas. À moins de compresser bébé. Et je doute qu'il apprécie. Une seconde je souris, et celle d'après, plus. Je me recule, rapidement. Je serais... Fier. D'avoir... Un amoureux qui est un peu comme un héros. Je hoche la tête à mon tour, hébétée, à propos de son échange d'histoire. Je raconte, tu racontes. Raconter quoi ? Mes pensées se troublent. Je baisse les yeux, honteuse. T'es conne, Azel. Toujours aussi naïve. Il serait temps que je sorte de là. Mais je ne veux pas. Je l'aime Augustin, je l'aime. C'est le père de mon bébé. «À vrai dire... mon dieu que je suis bête.» Je me rapproche, et relève les yeux vers Genya. «Tu peux te moquer de moi.» Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. Idiote. Toujours. «J'aime Augustin. Mais,» Je me triture les doigts, gênée. Sors de ta bulle, Azel. Ouvres les yeux. «je ne crois pas qu'il le sache.» Je pince les lèvres et je rougis, mais sans quitter son regard. «Il est mon meilleur ami depuis toujours, depuis que j'ai quatre ans. Il y a huit mois, il a dû venir ici, sur la base militaire qui n'est pas très loin de White Oak Station, dans une ville à côté. Je suis venue avec lui.» Je reprends mon souffle. Je souris, faiblement. «Très rapidement, une semaine à peine, il a dû partir pour l'autre bout du monde, là où tout le monde meurt. La nuit d'avant, on a fait... on a passé la nuit ensemble. Je crois que c'est à partir de ce moment-là que je suis vraiment tombé amoureuse. Peut-être un peu avant. Je ne sais plus.» Mon sourire s'efface, naturellement. Et depuis, pas de nouvelles. Aucune lettre, aucun message, aucun coup de téléphone. «À toi!» J'affiche de nouveau un sourire. Réservé, cependant. Parce que ce qu'il s'apprête à me raconter n'est peut-être pas plus joyeux que mon histoire. Pauvre de nous.

Tu as ignoré sa question, royalement. Ce n'est pas que tu ne voulais pas répondre mais tu étais plutôt intéressé par ce qu'elle pouvait te raconter. Vraiment. Tu voulais entendre parler de son passé, d'où vient ce Bébé. C'est un peu comme si elle te confiait un secret, non ? Un secret rapide, que tu lui as arraché. « Je n'oserais pas me moquer de toi. » Tu hausses les épaules doucement. Tu ne pourrais pas te permettre de le faire. Tu sais ce que ça fait, qu'on se moque de toi. Alors tu ne le feras pas. Parce que tu n'en as pas envie, parce que tu ne trouves pas ça très utile. Pourquoi ça le serait, hein ? elle n'a pas besoin de ça, tu en es persuadé. Elle agit encore comme un enfant, tu trouves ça plutôt mignon. Tu esquisses de nouveau un petit et doux sourire avant que tes sourcils ne se froncent doucement. Pardon ? comment est-ce qu'il ne peut pas le savoir alors qu'elle est enceinte de lui ? Ta réponse vient bien vite. Très vite. Trop vite. les informations défilent et toi, tu fronces un peu plus les sourcils. Tu comprends. Vraiment, tu comprends. Elle était aussi ta meilleure amie, elle était aussi tout pour toi. Tu étais tout pour elle... « Oh. » Elle déteint sur toi apparemment. Tu ne fais pas exprès, de reprendre son expression. C'est un petit défaut chez toi, et ça te fait légèrement rire. Tu ne devrais pas rire, non, parce que ce qu'elle te raconte ce n'est pas marrant du tout, au contraire. Tu ne devrais pas rire. Tu as peur qu'elle pense que tu te moques d'elle, mais non, ce n'est pas ça. Bien sûr que non, tu as promis ne pas le faire. Ce n'est pas ton genre. « Je ne devrais peut-être pas, mais je trouve ça jolie, comme histoire. C'est mignon et tellement... Tragique ? -La tragédie finit toujours par une mort, ce n'est pas ce que je te souhaite, mais... Je sais pas, c'est beau. Juste beau. Je suis sûr qu'il reviendra, juste à temps pour voir Bébé naître, pour que vous puissiez vous aimer. » Tu souris. Tu as l'air convaincu de tes paroles, complètement convaincu. Tu y crois à ce que tu dis. Parce que tu es pour les histoires qui finissent bien quand il s'agit des autres. Tu es pour le bonheur, pourquoi est-ce que le monde serait triste comme toi hein ? Mais son histoire n'est pas belle. Elle n'est pas joyeuse non plus... Tu as une vision particulière de la chose. « Je viens d'un petit village de Russie, enfin si on peut appeler ça comme ça. Un trou rempli de neige, blanc presque chaque jour de l'année. C'est très joli, mais lassant.. Je suis venu ici pour échapper aux souvenir -je pense, mais ça ne marche pas si bien que ça... » Un soupir s'échappe d'entre tes lèvres, doucement. Non, deux ans que tu es ici, et tu as l'impression juste devenir fou. Complètement fou. « Je me suis marié avec ma meilleure amie... Un peu avant qu'elle meurt. Nous étions très amoureux... Un peu trop peut-être. » Tu mens, encore. Tu n'arriveras donc jamais à dire la vérité par rapport à ce secret ? Il faudra que tu mentes sans cesse, encore et encore. Comme si tu ne voulais pas révéler votre petit secret. « Puis elle est morte. le sida. Ca se choppe facilement cette merde -excuse-moi du gros mot- avec les seringues... Elle le savait... Enfin, c'est pour ça qu'on s'est marié. Elle voulait finir sa vie heureuse -c'est ce qu'elle me disait. Je sais pas si c'était une très bonne idée finalement, parce qu'on ne peut pas être heureux quand la mort plane au dessus de nous, mais je la croyais et j'essayais de participer à son bonheur comme je le pouvais et... Oh. Je m'emporte... Désolé. » Tu rigoles doucement, une main venant de nouveau se placer devant ta bouge. Tu n'aimes pas rire comme ça, publiquement, tu trouves ça gênant. Et puis tu souris. Doucement. « C'est pas très joyeux hein... Je suis désolé.

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

Je regarde l'horloge un peu nerveusement. Dix minutes que je me suis assise en face de Genya, et je redoute la sonnerie fatidique à tout moment. Je n'ai pas envie de le quitter, pas maintenant, pas encore. C'est le dernier rendez-vous, après, la soirée speed-dating c'est fini. Je n'ai pas envie que ce soit fini. Et s'il décidait de ne plus m'adresser la parole ? Je veux dire, peut-être qu'il a passé un bon moment, là, j'espère. Mais que c'était juste un bon moment, une petite parenthèse dans sa vie, et qu'ensuite il s'en ira, il tracera un trait sur cette discussion, sur moi. Je ne veux pas. Mais est-ce que j'ai le courage de lui demander son numéro de téléphone ? Est-ce qu'il me le donnerait ? Je souris. En effet, il ne se moque pas de moi. Il rigole un peu, mais pas méchamment. Peut-être suite à une réaction personnelle. Alors je souris un peu plus. Je préfère qu'il rit, plutôt qu'il ne pleure sur mon sort. Pas joyeux certes, mais ce n'est pas tellement plus agréable que l'on s'apitoie sur mon sort. Je cligne des paupières, enregistrant ce qu'il dit. Une tragédie se termine par une mort. C'est vrai. J'espère que ça ne sera pas le cas. Ou peut-être que ça l'est déjà. Le cas. Peut-être qu'Augustin est mort et que je ne le sais pas. Comment le saurais-je ? Si ses parents le savaient, il ne m'aurait pas appelé. Je crois qu'ils ne m'ont jamais beaucoup aimé. «C'est vrai que c'est beau, tu as raison. Je serais émue, si c'était l'histoire de quelqu'un d'autre, je pense.» J'espère qu'il dit vrai, qu'Augustin reviendra, qu'il m'aimera, et que l'on aura une belle vie. Je l'espère de tout mon coeur. J'y pense tout le temps, chaque matin en me levant, chaque soir en me couchant. Si seulement. Je me contente de garder mon sourire. Je penche la tête sur le côté, à nouveau. Je crois que c'est ma façon d'écouter sérieusement ce que les gens me disent. Attentivement, avec beaucoup d'intérêt. Ça n'arrive pas souvent. Je hoche la tête, et mon sourire s'affaisse un peu. Son histoire à lui n'est pas très joyeuse non plus. «Ne t'excuses pas, j'aime bien t'écouter. C'est superbe, ce que tu as fait pour elle. C'est très généreux de ta part. Je suis sûre qu'elle t'en est reconnaissante.» Je souris sincèrement. Je gratte la table avec mon doigt, un peu nerveuse. Je lève mes yeux vers Genya et me mords là lèvre. «Et, hm... si elle avait le sida...» Je n'ose pas trop poser la question. Mais, cette interrogation m'a traversé l'esprit et je n'arrive pas à faire abstraction. «est-ce que ça veut dire que tu l'as aussi, toi?» Je me mords un peu plus la lèvre, je sens même un peu de sang. J'ai peur qu'il le prenne mal. Et s'il l'a vraiment, le sida ? Je suis idiote. Cela ne fera que remuer le couteau dans la plaie. Mais ça me rendrait mal de savoir qu'il a cette maladie. Cela voudrait dire qu'il est souffrant, qu'il va bientôt mourir. Des frissons me parcours le dos et les bras. Je ne sais pas pourquoi cela m'affecte autant. Je me frotte le dos de la main, attendant sa réponse. Faîtes qu'il ne l'ai pas, le sida. Faîtes qu'il ne l'ai pas.

Tu hoche doucement de la tête. Toi tu ne penses pas. Plutôt qu'elle t'en veut. Qu'elle t'en veut vraiment. De l'avoir lâchement abandonné, de l'avoir laissé mourir seule. Elle avait dit qu'elle te voulait près d'elle mais ce n'est pas ce que tu as fait. Ce n'est pas ce que tu as fit non. Tu es allé te perdre contre un autre corps. Plutôt masculin. Et tu t'es laissé aller aux plaisirs de la chaire. Et pendant ce temps. Elle souffrait. Elle mourrait doucement. Elle partait pour toujours et toi tu n'étais pas là pour elle. Mais personne ne le sait. Tu n'as jamais rien dit personne. Après tout tu continues de raconter que vous étiez mariés at amour. Et non pas par intérêt. Alors comment faire comprendre aux autres ? Ils ne pourrait tout simplement pas comprendre. Non. Ils te prendraient pour un fou. Pour un attardé ? Un simple idiot. Puis vient cette question. Tu te mets à rire. C'est bizarre. Elle est la seule à te la poser. Personne d'autre ne t'a jamais demandé si tu allais crever. Personne. Et toi tu hausses simplement les épaules en la regardant. Tu lui fais presque un sourire reconnaissant. De s'intéresser à toi. De prendre part à ta vie. Tu trouves ça plutôt mignon en fait. Ouais. Juste mignon. Et tu secoues négativement la tête. Tu ne sais pas si ça ma rassure ou si d'un coup elle va te trouver beaucoup moins intéressant. « En tout cas. La dernière fois que j'ai vérifié, je n'avais rien... Elle voulait pourtant. Elle trouvait ça romantique de mourir à deux... Moi je trouvais ça idiot parce qu'il n'y aurait personne pour se souvenir d'elle... C'est sur de ne pas pouvoir... Je sais pas. Vivre comme tout le monde. Elle aurait voulu un gosse. Une petite fille ou un garçon. Elle s'en foutait. Mais il y avait trop de risques.. Trop de trucs. » Tu en dis toujours trop. Au pire. Ce n'est pas ce qu'elle avait demandé. Ce qu'elle voulait savoir. Non. Loin de la. Elle voulait juste savoir si toi tu allais crever. Si toi... Toi aussi tu frôles la mort. Puis tu baissas les yeux et dans un souffle tu ne pus que dire ; « Je mérite de mourir plus qu'elle. » On te l'a dit tellement souvent. Que c'était à toi de mourir et pas à elle... Tu l'as entendu des millions de fois... Comme si c'était de ta faute. Comme si on t'accusait. Mais si seulement ils avaient su... Si seulement.

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

Je souffle, discrètement. Il ne l'a pas. Genya n'a pas le sida. En réalité, j'aurais aimé sauter sur ma chaise mais je me contrôle, d'une part parce que je ne suis pas sûre qu'il aurait compris ma réaction, et d'autre part parce que cela m'aurait fait plus de mal qu'autre chose, à moi et à bébé. Alors je me contente de soupirer, mon cœur battant la chamade. Genya ne souffre pas. Et puis, je fronce les sourcils. Je ne comprends pas. Mourir à deux ? Quelle est cette idiotie ? «Mais, mais... c'est dur. C'est égoïste.» Je suis perplexe, troublée. Je n'arrive pas à me mettre à la place de cette meilleure amie mariée, et heureusement, peut-être. Parce qu'alors que consciemment, je trouve ça inconcevable d'entraîner quelqu'un dans sa mort, si j'avais été dans la même situation, je l'aurais certainement comprise. Je secoue la tête pour effacer cette éventualité de mon esprit. «C'est vrai que ce doit être dur. Je n'ose pas imaginer.» Je frotte mon ventre avec la main. Moi, j'ai la chance d'avoir un bébé. Et cette fille, elle, ne l'a jamais eu et ne l'aura jamais. Mes yeux baissés s'emplissent de larmes. Je continue de frotter, nerveusement. Une larme coule, solitaire. «Désolée, c'est les hormones.» Je relève le regard et essuie cette larme incongrue. Je ne la connaissais même pas, cette fille. Mais son histoire me touche, sans savoir vraiment pourquoi. Je suis à la fois énervée qu'elle ait voulu que Genya meurt, et terriblement émue qu'elle-même soit morte sans n'avoir jamais donné la vie. Je cligne des paupières, trois fois d'affilées.

Brusquement, mais tendrement, ma main vient se poser sur celle de Genya. Avant de la retirer rapidement. «Tu ne peux pas dire ça, tu n'as pas le droit.» Je me mords l'intérieur de la joue, enragée. Pas contre lui, mais contre ce ou ceux qui ont insinuer cette idée dans sa tête. C'est n'importe quoi, vraiment n'importe quoi. «Personne ne mérite de mourir. Personne. Pas même toi, quoique tu penses.» Ma voix se brise un peu, et je ne comprends pas ce qui m'arrives. Je ne sais pas pourquoi tout cela m'affectes autant. Ce que j'ai dis n'est peut-être pas faux, que ce sont mes hormones. Avoir bébé m'a complètement bouleversé sentimentalement, je pleure parfois pour des broutilles ou m'énerve pour un rien. Mais là, j'ai l'impression qu'il n'y a pas que ça. Qu'il y a quelque chose de plus fort. «Est-ce que tu me donnerais ton numéro de téléphone?» Je lui demande sans réfléchir. Je ne veux pas qu'il m'oublie, et peut-être qu'avoir mon prénom dans ses contacts lui rappellera cette soirée, ce moment. Ou peut-être pas. «Si tu en as un, bien sûr.» Comme si, de nos jours, quelqu'un de moins de cinquante ans n'avait pas de portable. Mais, sait-on jamais. Et puis, au cas où il en aurait un, mais qu'il ne voudrait pas me le donner, je lui ai donné une bonne excuse. Une excuse pour ne plus jamais me parler.

Il y a cette chose qui fait qu'une personne se sent plus proche d'une autre, qu'elle la connaisse depuis une minute, deux heures, trois jours ou même depuis sa naissance. Il y a toujours quelque chose qui fait qu'on se comprend en un regard, un mot, un sourire, quelque chose. Tu te sens proche d'Azel, tu ne sais pas si c'est parce que tout les deux vous avez cette tristesse au fond du regard, ces gestes plein de compassion, ces sourires plein d'attention ou simplement parce qu'elle est elle, mais tu te sens vraiment proche d'elle. Alors, quand cette larme vient effleurer sa joue avant qu'elle ne la chasse, tu peux sentir un léger pincement au coeur. Tu ne veux pas qu'elle pleure, pas pour toi. Apparemment ce sont ses hormones qui lui jouent des tours. Ca t'arrache un léger rire, sûrement. Parce que tu ne comprends pas pourquoi cette larme. Peut-être trouve-t-elle ça triste ? Tu ne comprendrais certainement pas alors. Tu penses qu'il faudrait mieux pleurer pour elle que pour toi, quoi qu'il arrive. Parce qu'on ne peut pas s'apitoyer sur ton sort, ça ne sert à rien ; le mal est fait. Il faut avancer maintenant... Ouais, la blague. Avancer, et pour aller où ? N'importe où, tu aurais envie de répondre. Mais surtout quelque part où tu peux oublier. Comme ici, sauf qu'ici, tu n'oublies pas. Tu n'y arrives pas, elle est toujours là. Dans ton esprit, dans tes veines, dans ta vie... Tout le monde mérite de mourir, mais tu lui fais un sourire, un doux sourire. Ceux que tu n'adresses pas souvent, ceux qui disent merci, ceux qui sont gentils. Gentiment tu reprends la main de la jeune femme pour la serrer dans la tienne avant qu'elle ne te demande ton numéro de téléphone. Ta première réaction fut de froncer les sourcils. Tu n'aimes pas trop, tout ce qui est électronique, pourtant tu as un téléphone portable. C'est indispensable, à ce qu'on dit. Tu aurais bien voulu qu'elle oublie ce petit outil. Tu n'aimes pas vraiment l'idée d'échanger des messages ou même une conversation à appareil interposés. Parce que tu trouves ça bizarre, tu dois être un peu vieux mentalement. Mais tu n'as pas envie de perdre contact avec cette blonde. « Ouais, attends. » dis-tu alors. Tu lâches la main de la petite blonde et fouilles dans ton sac rapidement pour en sortir un morceau de papier et de stylo, tu commences à écrire ton prénom. « Merde. » et de nouveau tu t'excuses pour le juron, c'est juste que tu as écris Genya avec ta jolie écriture russe, alors à côté tu le remarques avec l'alphabet connu, tu le fais suivre de ton numéro de téléphone et c'est tout sourire que tu lui tends le morceau de papier. « Tu peux me déranger à n'importe quelle heure du jour, et de la nuit. J'répondrais, j'pense. » Tu rigoles doucement, légèrement.

s'il-te-plaît, dis moi que tu vas bien.

Je souris, d'un grand et beau sourire. Au moins, il ne veut pas m'oublier. Je fronces les sourcils à son juron, pas parce que je suis outrée, mais parce que je suis intriguée. Je comprends tout quand il me tend son papier. Je rigoles. «Alors comme ça tu es russe.» Je souris un peu plus. «Nos grands-parents étaient presque voisins.» Je relis cent fois son numéro, pour me l'imprimer à l'arrière du crâne. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Le papier qui reste dans le pantalon, le pantalon qui pars à la machine, et le numéro s'efface. Je le plis soigneusement, et le range tant bien que mal dans ma poche. «Merci. Je t'appellerais, alors. Et si tu ne réponds pas, je t'enverrais une lettre.» Je hausse les épaules. Je sais bien que s'il ne répond pas, je n'aurais d'autre moyen que d'attendre. Ou d'oublier. Parce que son adresse, je ne l'ai pas. Mais, même si j'essayais, Genya, je ne pourrais pas l'oublier. «Merci. Merci pour cette soirée. Je n'aurais pas pu rêver mieux.» Je souris tristement. La sonnerie va bientôt retentir, et ce moment sera alors du passé. Il retournera à sa vie, et moi à la mienne. Un peu moins seule qu'hier.
Un peu plus heureuse qu'avant.

DING, DING, DING!
Le troisième et dernier tour du Speed-dating est terminé. Nous espérons que votre rendez-vous vous a plus! Passez une belle fin de soirée.