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 les amants tristes. (symeon)

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Message(#) Sujet: les amants tristes. (symeon) les amants tristes. (symeon) EmptyVen 20 Sep - 16:23

J'ai marché à travers les hautes herbes, les pieds dans la boue, le cœur au bord de l'explosion. J'ai traversé les champs, au son des oiseaux nocturnes. Leur mélodie est mélancolique, funeste mais elle garde une lueur de lumière. Les notes se perdent dans mes veines, me font planer un peu plus haut, un plus grand. Les yeux se ferment, parfois, pour respirer l'air humide du lac. Les gouttes se perdent contre mon âme, nettoient les molécules impures ramassées tout au long de la journée. Sous des rayons de soleil trop brûlants, trop lumineux, trop désagréables. J'ai encore l'impression de les sentir, contre ma peau dissimulée sous un t shirt flottant. Des traces de terre se perdent sur mon être fragile slalomant à travers les paysages. Mon regard, lui, reste figé sur l'horizon pleurant. Sous ce ciel sombre, c'est toujours la même chose finalement, des étoiles perdues sur un fond d'encre. Et puis la lune, là, imposante, qui caresse le monde de ses rayons. L'intouchable, on l'aime, parce qu'elle nous accompagne quand il n'est plus qu'obscurité. Elle met une fin à l'infini qui se trouve tout autour elle. Et derrière moi, je peux les sentir, les regards des montagnes, se perdre dans ma nuque. Me supplier de rester parmi eux. Mais mon corps, cet être amoureux, il divague, ce soir. L'estomac crie famine, guide mes pas jusqu'aux premiers sentiers de terre.
Jusqu'à cette vie délaissée depuis trop longtemps déjà.

Les lumières de la ville remplacent les étoiles. La silhouette des premières maisons se dessinent, là, dans la nuit. En même temps que l'enseigne des premiers pubs. Les voitures endormies semblent encore ronronner, abandonnées contre les trottoirs. Les dernières personnes éveillées à cette heure tardive m'offre un sourire trop fin pour être sincère. Encore un tour de passe passe pour ne pas perdre la face, pour paraître heureux et stable. Mais leur seule stabilité, elle est dans leur lucidité défoncée. Les veines gonflées d'alcool, même leur démarche tremble. J'ai déjà hâte, au fond, de retourner au bord du lac et fuir cette torpeur animale. Le regard baissé en direction de mes pieds, une chenille processionnaire glisse sur ma peau, de ses pattes velues. Les premiers boutons prennent place contre mes orteils. C'est d'un geste vif que je me dégage de sa caresse indélicate. Et lorsque enfin, mes yeux se relèvent un peu, je peux les voir, les poubelles, m'ouvrir leurs bras. La gueule grande ouverte, les derniers asticots nagent dans la nourriture abandonnée à la chaleur d'une journée ensoleillée. Enfant sale, mon corps se laisse tomber dans la crasse des terriens. Mes doigts, déjà trop usés grattent la saleté. L'odeur immonde me tord l'estomac, une remontée acide m'oblige à quitter le conteneur. C'est encore une soirée où il ne faut plus rien en espérer.
Isidore a toujours été plus fort à ça, de toute façon.

Perdu dans les rues étroites, c'est un peu comme si une fleur était sur le point d'éclore. La fleur que l'on nomme solitude. Elle me caresse de ses pétales à la texture indéfinissable. Un mélange de coton et de laine de mouton. Agréable et pourtant étouffant. Les yeux rougis, les cheveux en bataille, le corps boueux, crasseux. J'ai l'air d'un ange déchu, dans le territoire des hommes. Ces hommes qui rient trop fort à la sortie des bars, ces hommes qui tanguent pour retrouver leur bien aimée ou seulement leurs draps vides. Ces hommes dont le cœur est trop usé pour se soucier du reste du monde. Mon regard se porte sur eux, amusé, ou peut-être apeuré d'une telle détresse. Le pantalon déchiré, l'un d'eux me pointe du doigt avant de s'éloigner, un peu plus loin. L'air moqueur, mes yeux brillants caressent les traits de chaque visage jusqu'à être frappé de plein fouet par le regard bleuté du passé. Deux iris dont les vagues semblent s'échouer jusqu'à mes jambes et y nettoyer la saleté. Mon cœur rate un battement, à le voir, là, juste en face de moi. Peut-être même ne me reconnaît-il pas. Symeon, l'aigle royal. Je me souviens encore, de ces ailes déployées, elles étaient si imposantes qu'elles me faisaient de l'ombre. Le cœur au bord de l'explosion, il me faut quelques minutes pour redescendre sur terre et agir. La nature s'est transformée en goudron sous mes pieds. Des morceaux de verre se sont enfoncées dans ma peau, qu'importe tant que j'avance vers lui. Envoûté par sa présence, c'est à peine si je parviens à respirer normalement. « Symeon ? » La gorge se noue. Les souvenirs d'une année brûlante, de mes joies, de mes tourments les plus destructeurs me reviennent dans une tornade de sentiments. Son départ précipité, sans un mot, sans un au revoir. De la souffrance et pourtant, pas une seule source de rancœur. Juste un sourire bien trop grand et magique pour la situation. « C'est incroyable de vous revoir ici. » Ma voix est basse, peut-être timide, mes mots sont déjà dévorés par sa grandeur. Lui, le beau. Moi, le laid. Je n'y crois pas vraiment, au fond.
Et ce feu, qui se nourrit des résidus de cette passion d'autrefois.
Irréel.
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Message(#) Sujet: Re: les amants tristes. (symeon) les amants tristes. (symeon) EmptySam 9 Nov - 15:26


les coeurs envolés
(RIMBAUD) ▽ Sous les quolibets de la troupe Qui lance un rire général, Mon triste cœur bave à la poupe, Mon cœur est plein de caporal ! Ithyphalliques et pioupiesques Leurs insultes l’ont dépravé ; À la vesprée, ils font des fresques.
Il devrait avoir le nez en l’air, Syméon. Il devrait avoir les yeux perdus dans le ciel bleu infini. Il devrait regarder l’azur qui s’assombrit. Le bleu qui rosit. Le rose qui rougit. Le soleil qui s’enfonce au loin, à l’horizon. Les cheveux flottant, le vent sur son visage, caressant. Les poumons qui se soulèvent, se remplissent d’air frais. Syméon, il devrait grimper dans un avion, s’envoler au loin, au loin très loin d’ici. Il devrait se faire pousser des ailes. Des grandes et belles ailes blanches, qui l’emmèneront à l’autre bout de la terre. Il dominera le reste, le monde demeuré à ses pieds. Parce que Syméon devrait être au-dessus de tout, ces lunettes d’aviateurs sur le nez, son sourire éclatant de bonheur. Le roi des cieux, le bel oiseau gracieux. Survolant plaines et montagnes de son léger vrombissement joyeux. Syméon, il aurait bien aimé rester là-haut. Le petit point et sa trainée blanche qui zèbre l’azur céleste. Celui que l’enfant montre du doigt, perché sur l’épaule de son père. Mais Syméon n’a pas pris assez de précautions. Sa trajectoire parfaite a dévié pendant qu’il n’y prêtait pas attention. Il a volé trop près du soleil. Il a effleuré le bonheur qui en a profité pour l’aveugler.
Et l’astre solaire a brûlé ses ailes, l’a précipité par terre.
Tel Icare moderne, condamné aux enfers.
Et Syméon n’a rien pu faire.

Rien, si ce n’est identifier le pauvre corps disloqué. La blonde que jadis il avait aimée. Rien, si ce n’est qu’attendre les larmes qui ne se décidaient pas à arriver. Il préfère les noyer, mort-nés, dans la boisson ambrée. Il préfère ne plus y penser. Il préfère oublier. Alors Syméon ne lève plus la tête vers son royaume des cieux. Il reste au sol, enchainé, trainant ses démons comme un boulet aux pieds. Regardez-le, ce soir encore. Les traits creusés, le pas lourd et trainant. Il était venu ici, pour essayer de s’en sortir. Mais il se retrouve toujours coincé, comme le pélican qui tente de s’extirper en vain de la marée noire. Syméon, il est englué dans sa propre substance sombre, mélange de peine et de culpabilité. Et il a beau patauger de ses grandes ailes blanches maintenant bien tâchées, le voilà qu’il ne cesse de s’enfoncer. Alors Syméon, il est fatigué. Il se demande si cela vaut vraiment la peine. Ce soir, Syméon a cédé, il s’est abandonné, un peu. Sûrement beaucoup trop. Moquez-vous donc, de l’ancien roi des cieux qui tangue au milieu du trottoir, comme le dernier des pauvres ivrognes.
Profitez de l’instant, avant qu’il ne soit englouti définitivement
Comme son homologue le pélican.

Syméon n’a pas d’épaules pour se reposer, pas de bras pour l’aider à rentrer. Il n’a même plus de jolie femme pour l’attendre à la maison. Pour embrasser son front. Pour un regard amouraché ou un joli sourire au détour d’un dîner. Il n’a plus ses amis restés à Paris. Il les a laissé derrière lui, entassés au loin, avec ses rêves de demain. Alors, Syméon il remet sa veste, au beau cuir noir de qualité. Cadeau de Léopoldine qu’il n’a jamais autant porté que depuis qu’elle est décédée. Il se lève tout doucement, la tête lui tourne trop rapidement. Il se concentre, un pas devant l’autre. Lentement, sans rentrer dans les gens. Jusqu’à l’air frais, la brise du soir. Bouffée d’oxygène. Il cligne les yeux, cherche ses repères, s’habitue à l’obscurité. Il fait un signe d’adieu au propriétaire de l’établissement. Il tourne la tête des deux côtés, comme pour décider par où il devrait passer. Il part finalement sur la droite.
Encore assez lucide pour se souvenir du chemin.
Il sait bien que ce n’est pas très loin.
Il devrait bientôt retrouver, le grand lit froid qu’il l’a attendu toute la soirée.

Il ne relève pas la tête tout de suite, non. Quand bien même il a entendu son prénom. Syméon pense que c’est sans doute une hallucination. Et puis il est trop occupé à essayer de remonter la fermeture éclair de son blouson. Un joli petit tour monté par son cerveau embrumé. Et quand il croise son regard, cela lui est presque confirmé. Syméon fixe Lyokha un grand instant, comme hébété. « Lyokha... » Comme un écho à sa voix. Il fronce les sourcils, Syméon. Il se dit que définitivement il doit arrêter la boisson. Pourtant, elle est bien là, l’illusion. Il paraît si beau, dans cette vision de son cerveau. Alors, incapable de résister, Syméon s’avance, il s’approche du petit ange de son passé. Ses doigts se glissent contre sa joue, il caresse sa peau douce. Elle paraît si réel et pourtant, c’est impossible n’est-ce pas ? « Tu n’es pas vraiment là, n’est-ce pas ? J’ai vraiment trop bu, cette fois... » Sa voix se meurt dans sa gorge. Il paraît contrarié, déçu d’être trompé par son propre esprit. Syméon veut qu’il se dissipe, qu’il lui foute la paix. Mais Syméon veut aussi Lyokha, le vrai, dans ses bras. Il est rageur et dans un geste désinhibé, son souffle chaud vient se heurter à celui du garçon. Et Syméon embrasse Lyokha, comme si de rien était. Comme s’il n’était jamais parti comme un voleur, qu’il ne l’avait pas abandonné sans même un au revoir.
Parce que Lyokha n’est pas vraiment là.
Même si ses lèvres sont trop douces et sûrement un peu trop réelles.
Syméon lui dit désolé, dans un souffle là, entre ses lèvres, tout doucement.
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