~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
Études ? Ce mot me fait rire. Ou parfois frémir... de dégoût. Non pas que j’eus été un mauvais élève, que je n'étais pas fait pour l'école ; disons plutôt que l'école n'était pas faite pour moi. L'enseignement ne me gênait pas, j'irais même jusqu'à dire qu'il m'arrivait de l'apprécier. Les enseignants, eux, me gênaient. Ils ramenaient leurs connaissances vétustes et leur soit-disant savoir-vivre de citoyen diplômé sur les bureaux, les vomissaient sur les tableaux noirs. Les plus écoeurants s'imaginaient tout savoir, mieux que tout le monde. Ils nous méprisaient sans arrêt mais continuer de nos exiger le respect. A mon goût nous étions soumis. A l'université, je multipliais les absences. Ici, c'était le contraire ; je jugeais l'organisation trop laxiste. J'ai pourtant réussi à y suivre deux années de philosophie, ainsi qu'une année de lettres classiques. Autrement dit je n'arrive au bout de rien, mais je commence des choses bien. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, j'affirme sans me vanter être une personne cultivée. Mon truc à moi, c'est plutôt d'être autodidacte. Je ne suis pas fait pour emprunter les chemins balisés. S'il y a une chose à laquelle je crois, c'est l'Aventure. Et on ne la trouve que dans les sous-bois.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Le Bonheur. Un sujet épineux. Ne devrais-je pas plutôt poser la question : qu'est-ce qu'être heureux ? Mais nous perdrions tous deux notre temps. Le bonheur ne m'intéresse pas. Je pense même qu'il n’existe pas, dans la mesure où nous voudrions qu'il dure indéfiniment. Un grand homme américain a écrit que chacun avait le droit à la recherche du bonheur. Il n'a pas parlé de le trouver. Au bonheur j'ai préféré l'extase. Puisse-t-elle être factice, illusoire ou bien réelle ; je la palpe voluptueusement de tous mes sens. Elle, existe je le sais. Je l'ai rencontrée mille fois, elle vient par surprise et puis file à l'anglaise. Mais elle a du poids, du pouvoir. Le bonheur, c'est léger. C'est pour les touristes, pour les grand-mères. Le véritable aventurier lui connaît les instants de merveilles, les élans de folie et de passions... La vie, au plus brûlant de son brasier rouge. Dans le lit de la rivière où s'abreuvent nos veines.


   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Je sais à peine ce que me réserve mes lendemains et vous me demandez de prévoir 3650 jours en quelques minutes ? Vous surestimez mes capacités. Je vous le répète, ma vie n'est qu'aventure et expériences. Je ne crois absolument pas au destin, ou tout du moins au mien. Je n'ai aucun projet concret... Je me suis fiancé, c'est vrai. Sur un coup de folie, un coup de romantisme... en Italie. Mais j'aime cette fille, sa douce folie innocente et ses boucles couleurs d'arc-en-ciel. Malheureusement, je me refuserais toujours à remplir un contrat. Au final, dix ans ? Disons que cela ferait : 3876 litres d'alcool,  98552 cigarettes fumées, 998g... Je m'arrête là. Je serais sûrement dans un cercueil.

Je suis né cliché. Un beau bébé de 3,4kgs, la peau rose et douce. Digne d'une publicité pour fromage ou lessive, ou je ne sais quelle autre connerie. Soudain, je ne sais quelle force attrape la télécommande et zappe soudainement sur une autre chaîne, sur un autre cliché. Je vois alors mes parents, et leur fabuleux mariage qui ne dura pas plus d'un an. J'observe ma mère rongée par les pleurs et l’hystérie, et mon père absent. J'entends les dires de ma mère et ses cris dans mon habitacle crânien chaque soir ; « saleté d'alcoolique, va croupir en enfer, tu nous abandonne, moi ! et lui... » et elle marmonne en pleurant. Soudain, encore un zapping trop violent. Je me retrouve projeté à 13 ans, le nez dans le décolleté d'une fille. Je sens sa respiration s’accélérer, et je prie mille fois pour qu'elle ne sente ni les pulsations effrénées de mon coeur... ni mon sexe qui semblerait avoir des inspirations aux voyages célestes.

Encore une fois je me téléporte sept mois plus tard. J'ai changé de coupe de cheveux. Je fume un joint d'herbe, avec gars bien plus vieux que moi. C'est la première fois ; la fumée me brule la trachée et irrite mes poumons. Mais je me retiens, je ne tousse pas. Pas devant lui. Je suis digne. Je suis certainement rouge écarlate à l'heure qu'il est. Je recrache la fumée, je vide mes poumons à fond. Et là, c'est comme si le monde baissait d'un cran tout d'un coup. Je dois m'asseoir, je suis trop haut pour comprendre ce qu'il se passe ici. Je ressens quelques picotements imperceptibles dans la nuque, mes yeux deviennent lourds et ma langue pâteuse. Et bizarrement, j'adore ça.
Deux ans plus tard. J'ai commencé à dealer un peu d'herbe ou de hasch pour me faire un peu d'argent de poche. Histoire de ne pas me prendre la tête avec ma mère sur un sujet de plus. Evidemment, elle n'est pas au courant. Quand elle me demande je dis que travaille un peu au black chez des voisins, et elle a tellement la tête ailleurs qu'elle ne fait même pas attention à la réponse que je lui donne. Je commence à me faire pas mal d'argent, mais mieux vaut être discret. Je me verrais mal accueillir un troupeau de flics chez moi le matin au réveil pour cause de trafic de drogues. En tout cas, on peut dire que ça plaît aux filles. Je n'ai qu'à cueillir la plus jolie, comme des petites fleurs.
Cinq ans plus tard, j'ai 21 ans. J'ai foutu en l'air trois années de fac, et c'est ma plus grande réussite. D'ailleurs ce soir, c'est ce que je fête. Pour la fin de l'année, l'immense boîte de la ville organise une soirée techno en tous genres et mes potes de l'université ont finit par réussir à me trainer là bas. Finalement, la musique est supportable. Tout du moins, quand je suis ivre. Blaise, l'un de mes amis, s'approche de moi, un sourire en coin : « Regarde ce que je te ramène ! ». J'avais sous les yeux le premier gramme de cocaïne qu'il m'eut été donné de voir. Cela ressemblait tout bêtement à toute poudre blanche telle que la farine, le sel ou le sucre. Mais sa simple vue me soumettait à un pouvoir étrange. Et là, comme un gamin qui joue au cowboy, vous devenez un Al Pacino parodié. Vous roulez un billet, vous l'enfoncez dans une narine et aspirez l'horrible poudre granuleuse. Une légère explosion et une détonation lente et progressive, de plus en plus bruyante. De plus en plus puissante. Et ça monte...
... Puis ça redescend. Depuis je me suis amusé : amphets, speed, kétamine, mdma, lsd, champignons hallucinogènes, mescaline... Je ne compte plus les heures passées défoncé, je ne compte plus mes trous de mémoire non plus. Ce que j'aime dans la drogue, c'est l'aventure, l'expérience. Le facteur qui fait que tout sera toujours différent, l'impression de ne rien contrôler, de n'être qu'un tout qui fait partie d'un rien. La drogue amène les expériences, et les connaissances. Ce qui, si je fait bien le calcul... amène au sexe. je me suis d'ailleurs toujours posé la question s'il n'était pas une drogue. Là aussi j'ai "voyagé" ; à l'envers, à l'endroit, à deux, à trois, avec des filles ou entre gars. Je ne suis pas né bisexuel, c'est ma vie qui a fait que l'on me détermine comme cela. Je ne cesse d'être le cliché, d'un cliché, d'un cliché (cf. "tout est une copie, d'une copie, d'une copie" Fight Club). Et je veux me sortir des catégories draconiennes de la raison humaine, (mon cul !) qui névrose les gros affalés devant leur canapé truffés de miettes de chips.
Et puis, il y a eu Lydia, cette espèce de petite fille folle qu'on a incrusté dans un corps de mannequin torride. Voyez le paradoxe ! Elle a réussi à me plaire, plus que les autres. Avec ses grands yeux pleins d'innocence, et ses rires francs et spacieux. Ses bouclettes arc-en-ciel et ses hanches saillantes, et ses fesses galbées, et sa poitrine tendre, et ses reins... J'ai fait la connerie de voyager un an avec elle, dans le pays des restaurants délicieux et des rues merveilleuses. Je suis tombé dans le panneau, dans le sien. Celui qu'elle avait manigancé avec l'Italie. Elle a mit des robes rouge vif et m'a murmuré des belles saloperies à l'oreille, qu'elle me mordait puis s'enfuyait en courant. J'aimais ses airs coquins des douces "bella notte", et même mon esprit sauvage s'est laissé un instant apprivoisé.
Mais lors de notre retour ici, le mirage avait disparu. Je n'avais pas changé, j'avais seulement été aveuglé par les étoiles, le vin et le parmesan. Aussi, mes angoisses ont ressurgi à l'intérieur de mes tripes. Me poussant à sortir, à chercher le sexe comme la drogue dans les ombres de la nuit. A chercher sans cesse, et en vain, l'extase noire des ténèbres du temps interdit.