Une semaine. Sept jours. Cent soixante huit heures.  Dix miles quatre vingt minutes. Six cent quatre mille huit cent secondes. Une éternité. Il avait vécu pendant trois ans avec elle, et jamais une journée elle ne lui avait pas adressé la parole. Il en était persuadé, son ancienne colocataire avait mal pris son départ, elle lui en voulait. Depuis qu’Oliver avait rendu les clés de l’appartement, Julia s’était faite plus distante. Les deux premières semaines, ils se voyaient tous les jours. La troisième semaine, son amie s’était légèrement effacée. Et la… pas un seul signe de vie.  

Il était dix huit heures trente quatre, précisément. Oliver marchait dans les rues de Downtown Area, se frayant un chemin parmi les passants. Le centre ville était toujours pris d’assaut après dix huit heures. Entre le centre commercial, le cinéma et le bar, le centre ville était le point de rassemblement de tous après les cours ou le travail.  Le garçon arriva à hauteur de l’immeuble dans lequel il avait vécu pendant trois ans. Il tapa la code afin d’ouvrir la porte, et monta les escaliers deux par deux. La petite porte qu’il avait tant franchie se tenait face à lui, à nouveau. Il n’avait pas remis les pieds ici depuis le déménagement. D’ordinaire, c’était Julia qui passait à la maison ou à la piscine ; et de temps en temps ils se voyaient dans le parc. Etrangement, cela ne lui fit rien de se trouver ici, à cet instant.  D’un coup de main ferme, il toqua trois fois à la porte afin d’indiquer sa présence. La porte s’ouvrit, quelques secondes plus tard, laissant découvrir son amie. « Bein ça alors… » Oliver s’accouda contre la bordure de la porte et pris un ton plein d’ironie. « Tu es encore vivante ? »

Les traits de son visage lui avait terriblement manqué. Oliver remarqua tout de suite sa coiffure. S’était sa préférée ! Il l’avait toujours trouvée plus jolie ainsi. Ses longues boucles glissaient le long de ses épaules chaque fois qu’elle agitait la tête. Elle sentait bon, très bon. Un parfum doux et fruité, ce même parfum qui embaumait la maison à chaque fois qu’elle prévoyait de sortir avec ses copines. Avait-elle prévue de sortir ? Etait-il arrivé au mauvais moment ? Oliver n’en avait que faire. Il avait besoin de retrouver son amie. « J’allais te demander la même chose. » Oliver leva les yeux au ciel. Comme si c’était sa faute, non mais ! Lorsque la jolie demoiselle lui fit signe d’entrée, le maître nageur ne se fit pas prier. Il s’approcha de Julia pour lui déposer un baiser sur la joue. Enfin, il porta son regard sur le petit couloir de l’entrée. « Dis donc, je vois que t’as refait toute la déco ! » Beaucoup de choses n’étaient plus comme avant. Elle avait remplacé les luminaires et rajouté un tapis sur le sol. Oliver remarqua aussi une petite souris en plastique sur le sol. « Tu m’a remplacé par un chat ? » Oliver afficha un sourire en coin et se dirigea vers le salon qui n’avait pas beaucoup changé. Il s’affaissa sur le sofa et de deux petits coups de pieds enleva ses chaussures qui tombèrent sur le sol. Un instant, il se remémora les années qu’il avait passé ici avec Julia. Sa vie à la maison lui semblait bien vide et bien calme. « Sinon la journaliste, ça va ? Parce que j’te signal quand même que pendant une semaine j’ai pas eu une seule nouvelle de toi ! J’pensais être un minimum important pour toi. » Alors oui, c’était certain qu’elle allait retourner le problème en racontant que lui aussi n’avait pas donné signe de vie. Mais qu’importe, il avait posé la question en premier.

Il attendait qu’elle le rejoigne. Au bout de quelques instants, Julia débarqua, un chaton dans les bras. Le petit animal ne semblait pas très perturbé de se trouver en hauteur. « Il est beau, hein ? Je lui ai pas encore donné de nom, j’attendais qu’on puisse en trouver un ensemble.» Il est beau, il est beau... si on veut. Oliver n’avait jamais été très chat, pour la simple et bonne raison qu’il était allergique à leur poils depuis son plus jeune âge.  « Appelle le comme tu veux, je m’en fiche. Fait juste attention qu’il ne bouffe pas Roger ! » Oliver porta son regard sur un des meubles du salon sur lequel se tenait un terrarium. A l’intérieur, une petite tortue grignotait sagement une feuille de salade.  Oliver avait amené Roger à l’appartement il y a deux ans, sans en avoir parlé à Julia. Il avait du mettre quelques sous de côté afin de pouvoir acheter l’animal, le terrarium, la nourriture et tous les autres objets et soins qui vont avec un animal. C’était son bébé. Cependant, Oliver n’avait pas voulu reprendre Roger avec lui. Il avait tenu tête à Julia, en lui expliquant que c’était une tortue d’appartement ! Elle va se sentir dépaysé la pauvre !  Non non, il faut la laisser ici, je ne peux pas la prendre avec moi !
Julia s’assit à côté d’Oliver, et laissa le chat qui s’en alla rejoindre la chambre pour retourner roupiller en paix. Sans s’y attendre, Oliver se retrouva dans les bras de son amie. Le garçon ferma les yeux un instant, appréciant se moment. « Je pensais aussi l’être pour toi… Mais… je suis contente de te voir. » La demoiselle s’était reculée pour mieux parler. Oliver soupira. Heureusement, elle avait terminé sa phrase par une note positive. Il n’aimait pas cette façon qu’elle avait de lui reprocher les mêmes choses que lui ! Grr. « Arrête Julia. Tu sais très bien que je tiens à toi. Pourquoi t’es pas venu ? Pourquoi t’as pas appelé ? Pas une seule fois tu es venue à la piscine alors que t’es en vacances. Avant, tu venais me voir tous les jours.. » Oliver hocha la tête, d’un air sérieux. « J’ai fait un truc qui fallait pas ? Ou j’ai pas fait un truc qui fallait ? »

Le sentiment d’avoir dit quelque chose de mal l’envahit lorsqu’il vu le visage de son ancienne colocataire se renfermer. Oh bah quoi ? Oliver n’allait pas compatir pour un animal qui le faisait éternuer à longueur de journée. Le garçon n’aimait pas les chats, ce n’était pas nouveau. C’était d’ailleurs étonnait que son allergie ne se soit pas encore manifestée. Soit, c’était mieux ainsi. « Regarde le, il est tout mignon. Son principal souci c’est de dormir, pas de manger la tortue. » Peut être, mais on ne sait jamais. Ces petites bêtes là ont encore leur instinct sauvage, et ils ne diraient jamais non à un peu de viande fraiche. Ah, non non non ! Pauvre Robert. Les yeux d’Oliver se portèrent sur le petit animal à quatre pattes,  qui mangeait ses croquettes.  Il soupira avant de s’exprimer avec un sourire envers Julia. « Tu n’as qu’à l’appeler Cartoon. C’est mignon Cartoon non ?  » Du bout de ses doigts, il pinça la petite joue de son amie pour lui redonner le sourire.
La discussion avait tourné beaucoup moins drôle que de choisir le prénom d’un chat. Oliver avait lancé un sujet sensible, un sujet sur lequel, il le savait, chacun pouvait s’emporter facilement. Il lui avait reproché de ne pas avoir donné de nouvelles une semaine durant. « Je voulais juste pas te déranger Oliver. » Pas le déranger ? Quelle belle idée elle s’était mise dans la tête. En trois ans de colocation, jamais le garçon n’avait reproché à Julia d’être dérangeante. Ni même quand il ramenait des copines à la maison. Jamais, lorsqu’elle venait le voir à la piscine pendant son service, il ne la renvoyait parce qu’elle dérangeait. Au contraire, passer du temps avec son amie était un plaisir des plus plaisants. « Mais Julia, tu ne me dérangera jamais. Pour… pourquoi tu t’es mis ça dans la tête hein ? » Oliver essaya de se rappeler toutes les choses qu’il aurait pu faire la semaine d’avant, pour comprendre sa réaction. Qu’aurait il bien pu faire, ou dire, pour qu’elle pense une chose pareille. « Non, t’as rien fait… » Oliver appuya sa tête contre le sofa et ferma les yeux un instant. Lorsqu’il les rouvrit, il tourna la tête pour regarder Julia qui avait pris une position similaire à la sienne. Il se laissa glisser le long du dossier. Sa tête se posa sur l’épaule de son amie, et il passa son bras autour de sa taille. « Tu sais, avec moi tu passeras toujours avant les autres. Tu passes avant Noam. Tu passes avant Bailey. Tu passes même avant Roger ! C’est pour dire ! Alors retire toi de la tête que tu déranges, tu dérangeras jamais ! Tu pourrais même venir sonner chez moi à trois heures du matin pour me demander comment on fait cuire des pâtes, je serais heureux de te montrer ! Alors arrêêêêêteeee ! » Oliver afficha son plus grand sourire et ressera son étreinte auprès de la belle.