Un six mètres carrés dans le centre-ville de white oak station. Dehors c'est le calme plat, la ville est calme mise à part quelques voitures qui passent dans les rues voisines. Tout le monde dort, ce qui n'est pas étonnant vu l'heure qu'il est. Le radio-réveil posé sur la table de nuit affiche cinq heures du matin. Le garçon, allongé dans son lit, roule des yeux. Il n'a pas fermé l'oeil de la nuit, il ne s'est pas reposé depuis des jours et pourtant il est là à attendre que le marchand de sable passe, en vain. Pourtant, il fait tout son possible pour se dépenser au maximum, afin d'être fatigué le soir. Mais ça ne marche pas, malgré ses tonnes d'heures supplémentaires au boulot, malgré ses folles parties de jambes en l'air. Rien n'y fait, il pense, il pense et il continue de rester éveillé.
Finalement, il se décide à se lever, laissant le bonheur au garçon endormi à côté de lui de pouvoir terminer sa nuit. Lui fait quelques pas jusqu'au bureau placé en face du lit. Dessus une pile de lettres, encore fermées, attendent que le propriétaire de l'appartement daigne s'intéresser à elles et le moment était enfin venu. Il tire la chaise et allume la lampe de chevet pour avoir un peu de lumière. Il attrape le téléphone posé sur le meuble et enfonce machinalement les écouteurs dans ses oreilles. Il ouvre la playlist intitulée rap français et laisse le destin décider de la suite des opérations.
Il ne trouva rien de bien intéressant dans toutes ses lettres, pas avant une bonne demi-heure. Pas avant que le téléphone passe Kané et qu'une lettre, anonyme et composée de trois questions, lui passe sous les doigts. Trois petites questions, rien de plus, rien de moin. Et qu'a-t-il à perdre, il est cinq heures et demis du matin et il s'emmerde fermement, alors pourquoi pas jouer.

   ~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
C'est dingue de devoir décrire le lycée en trois lignes, pense le garçon, parce qu'en y réfléchissant ce n'est pas en trois lignes qu'il peut le mieux décrire sa vie au lycée, mais en seulement trois mots, trois petits mots de rien du tout. joint de weed. Seulement de l'herbe, cent-pour-cent naturelle, pas du shit coupé avec on ne sait quoi, qui vient d'on ne sait où, très certainement de la cave du bâtiment b. De toute manière, le shit ça le rend bizarre, plus que ce qu'il n'est déjà, la weed ça l'apaise, le shit ça le rend fou.
Et à part ça, il n'a rien fait de ses années lycées. Il a arrêté très tôt parce que sans famille le lycée c'est pas un objectif. Personne pour être fière, personne pour engueuler ou féliciter, personne pour motiver, alors il s'est démotiver.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Le garçon laisse un échapper un rire, silencieux, à la lecture de la deuxième question. Qui peut répondre, de manière totalement sincère, qu'il est heureux à l'heure actuelle. Heureux complètement. Ce n'est pas possible. Le bonheur n'existe pas, c'est une connerie  inventée par un humain, écouté par d'autres idiots qui croient tout ce que les gens disent. Foutaises ! Il se retourne, jette un coup d'oeil au lit, où est étendu un garçon, un magnifique garçon. Le sourire au lèvre, il se retourne sur la feuille. Ok, peut-être que l'idée de la question n'est pas Es-tu heureux tout le temps, mais As-tu des moments de bonheur. Et dans ce cas, oui, Tiago est heureux, quand il est avec lui.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Mort, sous un pont. Ce sont les premiers mots qui vinrent à l'esprit du garçon. C'est pour ça qu'il ne pense jamais à ce genre de choses, il évitent de lancer son esprit dans le futur, il préfère pensait au présent, éventuellement au passé, mais jamais au futur. Parce que lorsqu'il y pense...
Sur un coup de tête, alors que la pièce n'avait jamais été aussi calme, le garçon se lève de sa chaise, déchire fébrilement la lettre et la jette à l'autre bout de la pièce. Les larmes aux yeux, sans pouvoir expliquer pourquoi. Certainement la fatigue, les nerfs qui lâchent. Le garçon, allongé sur le lit, se retourne, murmure quelques mots à peine audible. Tiago se retourne, entendre le son de sa voix l'apaise. Il lui murmure, sur un ton tellement calme que ça en est épatant, Rendors toi, mon amour avant d'aller vers le balcon s'allumer une cigarette.
S'il ne veut pas penser au futur lointain, il y a une chose qu'il veut plus que tout : l'avoir à ses côtés.

Arrête de regarder les étoiles, les pauses c'est cinq minutes, pas trois heures et découverte de la galaxie! râle le patron de Tiago. Ce dernier se retourne pour regarder son interlocuteur, qui n'a même pas prit la peine d'attendre une réponse. Il a simplement balancé ce qu'il avait à dire et était retourné à son service. Samedi soir des plus banals, Tiago prend des pauses interminables à l'arrière du bar dans lequel il travaille depuis quelques semaines. Il aime bien prendre ses pauses, fumer clopes sur clopes en regardant les étoiles. Certainement son activité favorite, parce qu'à ce moment-là, où qu'il soit il pense à lui et lorsqu'il pense à lui, il est enfin heureux, un large sourire placardé sur son visage, tel un enfant, un idiot, un branque. Mais comme tous les soirs, comme à chaque fois qu'il est heureux il lui arrive forcément une bricole qui vient ternir son paysage qui commençait à s'éclairer. C'est souvent rien, un message, un passant, un regard, des paroles. Ce soir c'est un message. Cesare, On se voit quand?. Ce n'est pas que ces quelques mots viennent détruire son bonheur artificiel, mais ils lui font oublier pourquoi il était heureux, pendant quelques minutes. Ils lui font oublier le doux visage, le corps encré, les yeux bleus de son amoureux. Il répond sans hésitation à son amant, si on peut dire les choses ainsi, Pas ce soir, bébé, demain. Son amoureux, justement, celui qu'il aime à la folie et trompe autant de fois que c'est possible, comme si coucher, embrasser, draguer, regarder un autre pouvait lui prouver combien il l'aime.
Tiago jette son mégot de cigarette avec les autres cadavres de clopes. Saleté d'obsession, il ne peut s'en empêcher. A chaque fois qu'il en a l'occasion il allume une cigarette, il ne la joue pas augustus prônant que c'est une métaphore, non lui il la fume, laisse entrer la fumer dans ses poumons offrant un foyer chaleureux à cette fumée toxique. Il se nique la santé, le sait et l'assume complètement. Il fume la vie jusqu'au filtre, jusqu'à avoir le cancer. Mais c'est dur de se construire lorsque l'on a pas eu de famille, lorsque l'on a été obligé de vivre dans un foyer pour garçons jusqu'à ses dix-huit ans, entourés d'amis qui ne sont même pas des amis, des gens brisés, sans éducations, enfermé dans une maison de quartier, surveillé par des animateurs mal formés. C'est comme ça que l'on peut décrire l'adolescence du garçon, une image faussée pour que ses potes de chambre ne le charrient pas trop sur son homosexualité, surtout que ce n'est pas comme si les filles le dégoûte plus que ça, dans un sens il ne se forçait pas. Il les trouve belles, avec ou sans forme, avec une forte poitrine ou non, il aime lorsque leurs longs cheveux volent derrière elles, lorsqu'elles marchent, leurs rires, leurs voix, leurs sourires, leurs yeux remplient de malice, les voir s'énerver l'amuse, leurs sautes d'humeurs et leur naïveté. Il les aime, il les admire. Pourtant, ce n'est pas avec une fille qu'il veut construire une famille, ce n'est pas non plus avec un garçon, non c'est juste avec lui qu'il veut faire sa vie.
Une vie pour prendre ta pause, non ! Un collègue de travail, toujours à vouloir faire la conversation. Tiago lui sourit et lance J'avais rendez-vous avec les satellites. avant de repartir en salle, prendre les commandes des clients.
Ce n'est que vers deux heures et demie qu'il peut enfin souffler, dire que la journée est terminée. Il va pouvoir faire tout ce qu'il veut, aller voir Cesare et lui faire la surprise, rejoindre son amoureux pour une nuit des plus chaudes dans ses bras, aller se poser dans une ruelle, du son dans les oreilles et un joint au bord des lèvres, il pourrait aussi repartir avec le groupe de filles qui le regarde en riant, pensant qu'elles sont discrètes. Il pourrait leur faire l'amour, une part une, doucement, tendrement, avec le plus de délicatesse possible. Il pourrait, mais il ne le fera pas. Il s'approche d'elles, elles sont jeunes et légèrement ivre. Il ébouriffe les cheveux de l'une d'elle. Faites attention les filles, en rentrant ! Elles hochent toute la tête, le sourire aux lèvres. Lorsqu'il s'éloigne, une destination en tête, il les entend pouffer. Il sourit, lève la tête. Il s'en va rejoindre son étoile, le soleil qui éclaire ses nuits d'insomnie. Son amour.